C -Dangers liés à la mauvaise utilisation des
intrants agricoles
Pendant l'épandage d'engrais, des messages de
sensibilisation au respect des techniques d'utilisation de ces intrants se
multiplient. Mais il semble que ces messages tombent dans les oreilles de
sourds, les conseils prodigués n'étant pas pris en compte par les
paysans. Mais ils reconnaissent ressentir des malaises surtout pendant
l'épandage d'engrais ou le traitement phytosanitaire des champs de
coton. Il s'agit du manque d'appétit, du vomissement, des maladies de la
peau, des maux de tête, des maladies pulmonaires et des maux d'yeux.
1 - Etat défectueux de
santé
Pendant l'épandage d'engrais, 190 soit 97% sur 196
paysans interrogés déclarent ne pas avoir d'appétit parce
que, étouffés par l'odeur des engrais. Ils affirment aussi
trouver salés les repas, qu'ils consomment à la main, en raison
de l'usage antérieur de cette main sans protection lors de
l'épandage d'engrais.
Le manque d'appétit (le gaa en boo), le vomissement
(pisi en boo), la détérioration de la peau des mains (o baa woloa
en boo) sont les malaises qu'ils ont dans ces cas.
Quant au traitement phytosanitaire, les malaises
enregistrés sont encore plus importants. Le rhume (siona en boo), les
maux de tête (mioma en boo), les irritations cutanées (me papaa en
boo) et les maux d'yeux (we gya en boo),
les pneumonies (fua gya en boo) sont les problèmes de
santé enregistrés après le traitement phytosanitaire.
Les paysans interviewés déclarent ressentir ces
malaises pendant quarante-huit (48) heures au moins après le traitement
phytosanitaire.
Tableau IV : Malaises liés à
l'épandage d'engrais et au traitement phytosanitaire des champs de
coton
Malaises
|
Enquêtés
|
Pourcentage (%)
|
Toux, Rhume
|
107
|
54,59
|
Malaises cutanés
|
33
|
16,84
|
Vertige
|
50
|
25,51
|
Pas de malaise
|
06
|
3,06
|
Total
|
196
|
100
|
Source : Résultats
d'enquête, septembre 2004
Ceux qui n'ont pas de malaise attribuent cet état
à la résistance de leur organisme aux effets des intrants
agricoles oubliant l'effet tardif des dangers liés aux intrants. Mais
les informations orales obtenues auprès du personnel de santé et
du responsable d'agriculture confirment la multiplication des malaises en
période de culture de coton.
Quarante femmes interrogées ont évoqué
d'autres problèmes de santé liés à la culture du
coton. Elles déclarent souffrir de la pneumonie, du rhume, des
picotements d'yeux lors de la récolte du coton. Ces malaises cycliques
que connaissent les femmes qui récoltent le coton (Photo7) sont
confirmés par les hommes qui s'adonnent à cette
activité.
Photo 7 : Femmes récoltant
le coton assistées d'un enfant
Source :(KISSIRA Aboubakar,
novembre 2004)
Au vu de l'importance de l'implication des hommes dans la
culture du coton, ils sont plus exposés aux dangers liés aux
pesticides que les femmes. Les malaises ressentis dans ces cas dépendent
de l'effet tardif des pesticides sur les capsules ouverts de coton. De ce fait,
la tendance des paysans à solliciter les services des ouvriers agricoles
originaires de l'Atacora, du Burkina-Faso ou du Nigéria est de plus en
plus grande.
D'une manière générale, les
manifestations des malaises dans les différents cas sont la preuve de
l'exposition des paysans aux intrants agricoles (engrais et pesticides), une
situation qui conduit inéluctablement à la
détérioration de l'état de santé et donc à
la mort.
2 - Intoxication
L'utilisation des pesticides dans le stockage des produits
vivriers conduit à la contamination. Le lavage de ces produits avec
d'importantes quantités d'eau pour les purifier ne change souvent rien
à cette contamination. Les victimes de ce comportement sont les
consommateurs. A Ségbana, dix (10) paysans sur quarante neuf (49)
enquêtés ont déclaré qu'en 2001, six (06) cas
d'intoxication alimentaire ont été signalés au quartier
lemamfrani de Ségbana à la suite de la consommation d'une
pâte préparée à base des produits vivriers
contaminés achetés sur le marché. La première
victime de cette intoxication alimentaire est tombée près d'un
barrage d'eau. Les populations ont attribué d'office ce qui lui est
arrivé aux mauvais esprits qui habiteraient cette retenue d'eau. Il a
fallu que les cinq (05) autres victimes présentent de sérieux
malaises, pour qu'on découvre que les victimes sont celles qui ont
consommé le repas de dame X.
Mais avant, dans les années 80, un drame a eu lieu
dans un champ de Ségbana. Un flacon d'insecticide entamé,
déposé sur un arbre sous lequel se trouve une calebasse non
couverte pleine de niébé, s'est renversé. Quelques jours
après, les paysans propriétaires de ces vivriers arrivés
au champ, ont fait le constat. Mais ils n'ont pas jugé nécessaire
de se débarrasser du niébé. Ils l'ont lavé,
préparé et consommé. Sur trois (03) personnes ayant
mangé le repas préparé à base de ce produit au
champ, une est morte, les deux autres personnes ont été
sauvées de justesse par d'autres paysans qui les ont conduites dans le
centre de santé de Ségbana. Les rescapés ont
confirmé les faits.
En 2002, un nourrisson est décédé
après avoir avalé de l'insecticide conservé dans la
chambre confondu au lait maternel. L'enfant n'a pu être vite
transporté au centre de santé, ses parents ayant d'abord
tenté de lui faire vomir le produit toxique en lui faisant avaler de
l'huile rouge. Des tentatives de récupération de ce genre de
victimes sont courantes en cas d'intoxication alimentaire.
Les cas les plus graves d'intoxication sont les suicides. La
pratique n'est pas courante dans la commune de Ségbana, mais elle existe
quand même. Selon le Responsable du Développement Rural de
Ségbana, cinq (05) cas de suicides volontaires ont été
enregistrés en 2000 et deux (02) cas en 2001. Les raisons de ces
suicides sont le refus de supporter l'humiliation, l'impuissance sexuelle, la
trahison et le mariage forcé.
Dans les deux (02) cas d'intoxication (involontaire ou
volontaire) les victimes transpirent beaucoup, coulent la bave, sont
traumatisées et entrent dans le coma.
Les médecins invitent à ce sujet sans cesse les
parents des victimes à les conduire immédiatement dans un centre
médical afin de tenter de les récupérer par les
spécialistes chargés de le faire.
A l'état de santé précaire des
agriculteurs voire des populations dû aux mauvaises utilisations des
engrais et insecticides s'ajoutent des problèmes liés à la
pauvreté continue des agriculteurs qui assistent impuissants à
l'amenuisement progressifs de leurs revenus. La baisse du pouvoir d'achat des
producteurs n'a-t-elle pas d'impact sur l'accès des agriculteurs aux
soins de santé ?
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