B - Utilisation des intrants agricoles à d'autres
fins
1- Utilisation des intrants coton dans les champs
de vivriers
Les intrants (engrais et insecticides) du coton sont
utilisés aux cultures vivrières (maïs, niébé).
Ces pratiques ont été toujours interdites par les agents
d'encadrement, mais les comportements des paysans prouvent que les consignes ne
sont pas suivies. La préoccupation des paysans est d'apporter à
ces cultures des engrais nécessaires à leur bon rendement et de
les séparer des parasites. Mais il reste que ce détournement des
engrais et pesticides destinés à la culture cotonnière
pour les cultures vivrières a des conséquences néfastes
sur la santé humaine. En outre, les semences destinées aux
cultures vivrières sont traitées par les insecticides de coton
dans le souci de les protéger contre les insectes ou les oiseaux lors
des semis. De même les semences des produits vivriers
récoltés sont traitées aux pesticides de coton par
certains paysans.
Ces mêmes grains de vivriers sont ensuite lavés,
moulus et consommés en famille ou mis sur le marché sous forme de
denrées alimentaires ou commercialisés à l'état
brut. Ces grains une fois vendus, les paysans ne sont plus les seuls à
être exposés aux pesticides, tous ceux qui s'en procurent sur le
marché s'exposent aux dangers liés à la mauvaise
manipulation des insecticides. Pourtant les intrants destinés aux
vivriers existent bien et sont vendus au CARDER Ségbana. Des produits de
stockage des vivriers sont aussi disponibles.
2- Pratiques liées à la pollution
des eaux par les pesticides
Des quantités importantes d'insecticides de coton sont
aussi déversées dans les cours d'eau aux fins de capturer
beaucoup de poissons sans grande difficulté et en un laps de temps. Ces
objectifs sont souvent atteints. Cependant la consommation des poissons
capturés dans ces eaux polluées expose les consommateurs à
des risques d'intoxication. Peu de paysans autochtones de la Commune de
Ségbana s'adonnent à cette activité dangereuse.
Un doigt accusateur est surtout pointé vers les
pêcheurs nigérians qui s'approvisionnent, le plus souvent en
insecticides de coton de façon illicite, dans le secteur
d'étude.
Une autre pratique liée à la pollution des cours
d'eau est le lavage des appareils de traitement phytosanitaire dans ces eaux.
Les paysans interrogés affirment le faire de façon
inconsciente.
Leur comportement au cours de ce lavage est lié
à la disponibilité de l'eau en quantité importante en ces
lieux. Pourtant, c'est dans ces mêmes cours d'eau qu'ils cherchent l'eau
de boisson quand leur réserve d'eau transportée de la maison vers
les champs est épuisée. Là, également les paysans
voire les populations courent des risques d'intoxication. Mais ils ne
perçoivent pas bien ces dangers, car pour eux, l'eau qui coule ne peut
constituer une source d'intoxication en raison de faibles quantités
d'insecticides qui y ont été déversées au cours du
lavage des appareils de traitement phytosanitaire. Toutefois, ils reconnaissent
que les agents du CARDER au cours de certaines émissions à la
radio de la localité prodiguent des conseils sur les comportements
à avoir et les dangers liés à ces pratiques. Des
données n'existent pas sur le degré de toxicité de ces
eaux. Cependant ces mauvaises pratiques méritent une attention
particulière.
Les agents du CARDER et ceux de la santé
interrogés ont révélé que la consommation de ces
eaux polluées, même plusieurs jours après provoque des
maladies telles que la dysenterie, la diarrhée, le vertige et le
vomissement.
3- Stockage des intrants agricoles dans les
chambres et recyclage des emballages vides de pesticides
Le recyclage des emballages vides de pesticides, comportement
proscrit par les fournisseurs, constitue un autre problème. Ces
emballages sont utilisés dans la conservation de l'eau de boisson, du
lait de vache, de l'huile d'arachide, de l'essence et du pétrole
lampant.
Les emballages vides de pesticides constituent des produits
de commercialisation à l'intérieur comme à
l'extérieur de la commune de Ségbana. Ils sont beaucoup
recherchés par les Nigérians (Photo 6).
Photo 6 : Recyclage des
emballages vides de pesticides par un Nigérian (flacon en main), debout
devant des sacs remplis de flacons de pesticides vides. Il est assisté
d'un paysan de Ségbana, Source : (KISSIRA
Aboubakar, septembre 2004)
Des emballages contenant les insecticides se retrouvent aussi
dans les maisons, parfois dans les mêmes chambres que les
propriétaires de ces produits, souvent à la portée des
enfants. Pourtant les agents représentant les distributeurs des
insecticides ont toujours exigé leur stockage dans des magasins
privés après leur enlèvement des magasins des groupements
villageois. Les paysans interrogés refusent de s'obtempérer au
risque de voir leurs produits dérobés.
Entre le vol et la sauvegarde de leur vie ou de celle de leur
progéniture, le choix est clair. Les paysans choisissent de conserver
dans les chambres leurs insecticides, des chambres dans lesquelles sont
stockés aussi souvent des vivriers.
Le drame est qu'il arrive que les emballages d'insecticide,
mal bouchés versent leur contenu sur des vivriers ou qu'ils soient
confondus aux emballages vides d'insecticides recyclés contenant du lait
de vache.
Il arrive aussi que des nourrissons absorbent ce liquide
dangereux. Les risques d'intoxication à partir des aliments non
protégés, en contact par mégarde avec les insecticides
existent, tout comme les risques de s'en servir pour se suicider puisque le
produit toxique est à portée de main.
Les dangers liés à l'utilisation des pesticides
et engrais à d'autres fins ou les risques liés à leur
mauvaise utilisation sont grands et doivent inquiéter.
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