B - Conséquences de la baisse continue des revenus
sur le
bien-être des agriculteurs
Les dépenses exorbitantes engagées dans
l'entretien d'un champ de coton, comparées aux revenus souvent
insignifiants ou inexistants parfois des producteurs de coton, sont les
premiers indicateurs de l'appauvrissement des producteurs au profit des
opérateurs économiques privés. Que la campagne
cotonnière soit bonne ou non, les opérateurs économiques
privés nationaux récupèrent les frais d'intrants
agricoles.
Les producteurs de coton sont nombreux à
dénoncer le refus du report de leur dette ou l'exigence de la caution
solidaire, la cherté des intrants agricoles, et le retard accusé
par les structures chargées de la commercialisation du coton-graine dans
le paiement des frais de coton aux producteurs.
Cette réaction des producteurs s'explique par le fait
qu'ils s'endettent sans cesse au point qu'il leur est difficile de sortir de
cette situation dégradante. L'endettement croissant des producteurs
pourrait conduire à terme à leur appauvrissement en ressources
financières. Il pourrait donc constituer des menaces pour la
satisfaction des besoins de santé.
Au vu de l'ampleur des conséquences néfastes
liées aux activités agricoles et à la mauvaise gestion des
ressources naturelles, la politique agricole du Bénin mérite
d'être revue.
C- Contribution à l'amélioration des
conditions de vie et de travail des
producteurs
L'amélioration des conditions de travail et de vie des
paysans dans le contexte actuel des activités agricoles passe notamment
par la sensibilisation et la formation pour un changement de comportement.
1 - Information et formation
Les activités agricoles telles qu'elles sont
menées dans la commune de Ségbana contribuent à la
dégradation des ressources naturelles. Elles entraînent la
disparition progressive du couvert forestier et l'appauvrissement des sols
(PDC, 2004).
En outre, les observations portant sur le traitement
phytosanitaire, l'épandage d'engrais, l'usage des intrants agricoles
à d'autres fins et surtout l'impact négatif de ces intrants sur
la santé humaine, amènent à accentuer les séances
d'informations sur les risques liés à ces mauvais comportements
au cours des activités agricoles. Le changement des comportements
vis-à-vis des ressources naturelles, de la santé humaine peut se
faire dans le cadre d'une éducation environnementale. Il revient
d'expliquer aux paysans que la santé ne peut être
considérée de manière isolée. Elle est
étroitement liée à la qualité de l'environnement
dans lequel ils évoluent. Pour vivre en bonne santé, les humains
ont besoin d'un environnement sain. (BOKO, octobre 2003).
Toutes ces idées doivent servir de thèmes de
sensibilisation. A travers l'Information, l'Education et la Communication
(IEC), il est possible de susciter chez les auditoires désignés
des changements de comportement ou d'attitude, ou à la consolider en
utilisant une combinaison d'approches, de techniques et de méthodes.
Avec l'IEC on vise à aboutir à un changement de comportement. Des
supports audiovisuels aideront notamment à atteindre ces objectifs.
Des agents d'agriculture, de santé, d'Organisation Non
Gouvernementale et des Sociétés privées intervenant dans
le secteur agricole doivent se concerter pour définir des programmes
cohérents de formation des paysans. Tout doit être aussi mis en
oeuvre pour amener les organisations paysannes à travailler avec les
institutions étatiques. Avec le transfert des compétences, les
agents de vulgarisation sont considérés comme
« dépassés », ne pouvant plus rien apprendre
aux producteurs agricoles. Ce qui amène certains auteurs à
affirmer que le désengagement de l'Etat des fonctions de production et
de commercialisation du coton-graine est précipité et mal
préparé (MDR, mai 2000).
Les comportements négatifs des paysans dans le milieu
agricole sont aussi liés à leur fort taux d'analphabétisme
et à un faible niveau de professionnalisme. Cette situation sous-tend la
mauvaise gestion des organisations paysannes. Les membres des organisations
paysannes ne maîtrisent pas encore les règles et principes
fondamentaux du mouvement coopératif (MDR, 2000). Dans cette situation
que doit-on attendre de la majorité des paysans qui doivent
maîtriser des techniques d'utilisation des intrants agricoles, et
à qui il est demandé de sauvegarder les ressources
naturelles ? Nul doute que le faible niveau d'instruction des paysans en
est pour quelque chose. Au faible taux de scolarisation (56 %) dans la commune
de Ségbana s'ajoute celui de l'analphabétisme (Tableau VII).
Tableau VII : Situation
de l'alphabétisation dans la commune de Ségbana (2002 -
2003)
SEXE
|
Alphabétisation
|
Post alphabétisation
|
Inscrits
|
Abandon
|
Testés
|
Inscrits
|
Abandon
|
Testés
|
Hommes
|
138
|
7
|
131
|
178
|
-
|
178
|
Femmes
|
54
|
1
|
53
|
44
|
-
|
44
|
TOTAL
|
192
|
8
|
184
|
222
|
-
|
222
|
Source : Service de l'
alphabétisation Ségbana, 2004
Ce tableau montre que le taux d'alphabétisation demeure
très faible de façon générale dans la commune. Le
cas des femmes est encore plus préoccupant.
Le faible niveau d'alphabétisation constitue une des
causes de la mauvaise utilisation des intrants agricoles.
Il est plus facile de susciter le changement de comportement
chez des paysans qui savent lire et écrire, qui sont
alphabétisés. Il leur est plus facile de lire eux-mêmes les
consignes inscrites sur les emballages des pesticides, de respecter les
indications aux fins de ne pas s'exposer aux pesticides ou de diminuer
volontairement les doses recommandées d'utilisation des insecticides.
L'alphabétisation est aussi utile pour les conduites
à tenir notamment pour éviter l'extension exagérée
des superficies agricoles, les brûlis des champs et la destruction du
couvert végétal.
Face à l'ampleur de la destruction du couvert
forestier par les producteurs et aux difficultés liées à
la chute des cours du coton au niveau mondial, à l'endettement continu
des producteurs, aux problèmes de santé physique et morale,
l'organisation de la filière des vivriers doit être
envisagée, surtout que la filière coton qui connaît
l'engouement des paysans ne répond plus aux attentes de la
majorité.
2 - Organisation de la filière des vivriers
et création des activités génératrices de
revenus
Dans la commune de Ségbana, la filière des
vivriers existe. Cependant elle n'est pas organisée. Les
opérateurs économiques privés intervenant dans la
filière coton n'y voient pas encore l'utilité de le faire. L'Etat
non plus n'en fait concrètement une préoccupation. Des
déclarations d'intention d'organiser cette filière ne manquent
pas.
Mais les faits prouvent sur le terrain que l'acte n'est pas
joint à la parole. Les conséquences sont énormes. Les
producteurs de vivriers ont des difficultés pour écouler leurs
produits agricoles ; le marché de vivriers n'étant pas bien
organisé comme celui du coton. Chaque paysan choisit de vendre son
produit où il veut et quand il le désire, n'empêche les
désagréments qu'il pourrait enregistrer. Avec la sortie massive
des vivriers vers le Nigéria, le conseil communal de Ségbana tire
la sonnette d'alarme et envisage l'organisation locale de la filière des
vivriers (PDC, 2004).
En effet, le mutisme face à cette sortie des vivriers
crée une pénurie qui oblige les paysans à débourser
plus qu'ils ont l'habitude de le faire pour acheter les vivriers en cas de
besoin.
Ce qui est déplorable est qu'en cas de pénurie
de vivriers, les produits qui leur ont été achetés et
conservés par des petits commerçants de la commune de Kandi leur
reviennent deux ou trois fois plus chers. Les paysans déplorent cette
situation qu'ils connaissent dans la période de soudure. Cependant ils
ont du mal à se corriger parce qu'aveuglés par la quête de
l'argent après la récolte et le stockage de leur produit. La
lutte permanente menée par les paysans est d'assurer leur
bien-être social et économique. Alors l'organisation de la
filière des vivriers doit inclure dans son programme l'octroi de
crédits aux agriculteurs afin de les amener à développer
les activités génératrices de revenus. Avec l'octroi des
crédits, les paysans pourront participer activement à la
transformation des produits vivriers plus facile à écouler.
Les producteurs méritent une initiation à la
création des Associations des Services Financiers (ASF) pour les
encourager à s'organiser pour l'épargne, les prêts et le
remboursement, à l'image de certains producteurs initiés par le
PAGER dans la partie méridionale et par le PROMIC dans la partie
septentrionale du Bénin.
Le bien-être des paysans voire des populations doit
préoccuper tous les autres acteurs du monde rural et surtout les
décideurs politiques. « L'environnement d'un pays ne peut
être préservé lorsque les populations ont difficilement
accès au minimum pour leur bien-être social ... entre
pauvreté, précarité de la santé et environnement le
lien est de plus en plus étroit ... La pauvreté ne donne pas la
possibilité à ceux qui en souffrent d'éviter de
détériorer leur environnement (BIAOU, 2000) ». Aussi,
tous les paysans interrogés ont évoqué la
complexité des travaux agricoles, la force physique excessive qu'ils
déploient au cours de ces travaux quand les moyens financiers leur font
défaut pour solliciter des ouvriers agricoles ou pour demander le
concours de la culture attelée.
Sur 196 paysans interrogés (156 hommes et 40 femmes),
92 hommes soit 56% ont déclaré ne pas être en mesure de
satisfaire les besoins sexuels de leurs épouses quelques fois parce
qu'épuisés par le grand effort physique fourni au champ. Les
femmes interrogées ont annoncé leur disponibilité à
leur époux, à tout moment sauf au cas où elles ont des
problèmes de santé. Le non accomplissement
répété de ce devoir conjugal par les hommes
concernés pourrait conduire à l'infidélité de leurs
épouses. Il s'avère donc nécessaire de participer
réellement à la réduction de la complexité des
travaux agricoles par l'octroi de crédit à faible taux
d'intérêt aux paysans afin de leur permettre de se faire aider par
des ouvriers agricoles à des moments donnés.
De ce fait, il faut joindre l'acte à la parole
à tous les niveaux pour faire de la participation à la bonne
santé et au bien-être des populations une
réalité.
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