L'art peut il est être un levier de performance pour l'entreprise?par Carole LITCHE ISTEF - Manager de la stratégie et de la performance commerciale 2024 Dans la categorie: Commerce et Marketing |
1. Faire évoluer les moeurs par l'ouverture d'espritDans une conférence sur les influences de l'art dans la société en 202110 Bertrand GILLIG (Directeur de la Galerie Bertrand Gillig et président de la Société des Amis des Arts et des Musées de Strasbourg), énonce à titre d'exemple que, la musique influence les jeunes et joue un rôle dans leur sociabilisation. Ce qui va leur permettre de s'intégrer et d'avoir leur point de vue sur la société. La musique est un moyen de véhiculer des messages politiques comme c'est le cas avec « Balance ton quoi»11 de l'artiste Angèle sorti en 2018 sur le harcèlement sexuel. 10Industrie Magnifique. (2021, 9 juin). Les influences de l'art sur la société, ou comment nous permet-il de comprendre le monde de # LIM2021 [Vidéo]. YouTube. 11 Href. (2020, 11 février). « Balance ton quoi » , le titre engagé d'Angèle contre le sexisme. Chérie FM.fr. Il aborde ainsi le sujet sur l'art engagé qui est un outil de changement de notre vision du monde. Il donne pour exemple le célèbre tableau de Pablo Picasso, Guernica, qui représente le bombardement de 1937. Cette oeuvre a eu un énorme impact et une portée politique en devenant le symbole de la dénonciation de la violence franquiste et fascite et de l'horreur de la guerre en général.
ART & MANAGEMENT 8 La question du rôle de l'art dans nos sociétés devient, au fil des années, de plus en plus présente. Dans l'ouvrage de Carole Talon-Hugon, « L'Art sous contrôle «13, l'auteur analyse les liens et les impacts de l'art contemporain et de la morale. Elle constate que l'art ne se cantonne plus simplement à l'esthétisme. Elle relève en effet que l'art provocateur à tendance à laisser place à l'art moralisateur. A noter que cette ambition n'est pas nouvelle, comme elle le note dans son ouvrage, les artistes de l'époque classique sont réputés pour avoir utilisé l'art afin de défendre l'humanité dans son ensemble, de promouvoir les vertus et de rejeter les vices. Ce qui diffère de cet engagement, avec l'art sociétal de notre époque, est selon elle, le combat de cause particulière d'un groupe spécifique et non pas de l'humanité, comme c'était le cas pour les artistes classiques. Elle affirme tout de même que les artistes classiques et les artistes contemporains, ont bien quelque chose en commun, c'est «celui d'agir sur les sentiments, les croyances, et les comportements des destinations de l'oeuvre». 12 Guernica, 1937 - Pablo Picasso, musée Reina Sofia, Madrid 13 Carole Talon-Hugon, 2019. L'Art sous contrôle. Edition Puf Un exemple avec l'artiste BANKSY, qui part ses oeuvres murales, dénonce les injustices sociales ou la célèbre YUE MINJUN qui explore une satire de la société de consommation à travers des créations étonnantes. ART & MANAGEMENT 9 Banksy & Yun MINJUN Carole Talon-Hugon, étaye ses propos en citant Friedrich Schiller, écrivain et poète allemand, qui affirme que les effets de l'art sur l'Homme se produisent de manière indirecte par le biais artistique et non-classique comme un article ou un discours. Mme TALON-HUGON critique alors la présence d'un art sociétal qui transforme l'artiste en militant activiste et dénature selon elle, la portée initiale de l'art. Force est de constater que l'art bien que n'ayant pas de missions définies à proprement parler pour la société, exerce une influence sur les pensées, les comportements et les agissements de la population et donc sur les moeurs en général. L'art est subjectif ce qui veut dire que chacun à sa propre sensibilité aux oeuvres. Il favorise alors l'apprentissage tout au long de la vie d'un individu, car il incite à se poser des questions. Les productions artistiques permettent d'apporter une vision du monde et de se construire ses propres idées. L'art a alors une énorme vertu qui est de nous transformer. Engagé ou non il peut permettre l'émergence de mouvements sociaux et cela peut être intéressant dans une entreprise qui souhaite s'engager dans une politique RSE et donc inscrire son entreprise dans une volonté d'engagement. ART & MANAGEMENT 10 «L'art n'est pas réductible à la mémoire (qui entretient en nous les morts, les lieux, les gestes, les instants, les sensations oubliées, les objets ou les récits disparus, et met en communication les mondes) - il puise dans le prodigieux travail de métamorphose de la mémoire pour inventer ce qu'elle ignore, et par là nous délivrer de nos secrets. »14 Sylviane DUPUIS, poète et essayiste. Face aux oeuvres et aux appréhensions différentes de chacun, c'est un bon moyen de créer du lien entre les Hommes. 2. Être un moyen de communication Bien que la définition de l'art ne soit pas unanime, comme nous l'avons vu plus haut, il s'agit bel et bien toujours, d'une expression. Que ce soit de soi à soi comme la catharsis, théorie aristotélicienne qui définit l'expiation de ses propres passions par le théâtre ou de soi à un autre dans une volonté de «toucher» sa sensibilité. Avec une approche systémique, plaçant l'art au centre de son environnement, il est possible de constater qu'il favorise les échanges et la transformation. Comme André Malraux (1901-1976) le disait: «L'art, c'est le plus court chemin de l'homme à l'homme.» Ce n'est pas Léon Tolstoï qui dirait le contraire. Dans son livre : « Qu'est-ce que l'art», il souligne que toute expression artistique est un échange, un partage entre l'artiste et son public. En effet, la personne séduite par l'oeuvre de l'artiste la partage, dévoilant ainsi une partie d'elle-même. Naît ensuite un chemin infini du sentiment de l'artiste qui se transmet de personne en personne par le biais de la communication, orale ou visuelle. Mais qu'est-ce que la communication et à quoi cela sert ? Selon le Larousse, la communication est «l'action, fait de communiquer, de transmettre» quelque chose. Les buts de la communication quant à eux sont multiples : informer, convaincre, influencer ou 14 Sylviane Dupuis,2013. Qu'est-ce que l'art? 33 propositions. Edition Zoé ART & MANAGEMENT 11 partager. Une partie de la définition de l'art pourrait tout aussi bien se confondre avec celle de la communication, comme nous l'avons vu plus haut. De plus, l'art fait appel à notre empathie et c'est ce sentiment qui est à la base de toutes les relations humaines. C'est en ce sens que dans son essai : «L'art est un média de masse»15 , Claude Philippe Nolin, rapproche l'objet artistique, du média (le moyen) de communication. Il schématise ce concept de «communication artistique» en reprenant le schéma connu par tous, de Claude E.SHANNON et Warren WEAVER sur les systèmes de communication. Pour l'auteur, il est évident que l'art est un média, qui plus est, un média de masse, car il y a un émetteur, un récepteur, le canal qui est l'oeuvre et le bruit qui peut nuire à sa clarté. Il convient de vérifier la définition du média de masse, énoncé en 1930 par le chercheur Marshall McLuhan. Elle se définit initialement selon les caractéristiques suivantes:
15 Claude Philippe Nolin, 2021. L'art est un média de masse. Edition Production graphiques et culturelles ART & MANAGEMENT 12 3. L'information est la même pour tout le monde même si chacun peut la percevoir différemment. La définition évolue avec l'avènement du web 2.016 qui conçoit le web comme une plateforme participative. S'ajoute alors17 entre autres :
Le seul frein à cette analogie est que toutes les oeuvres d'art n'ont pas cette puissance publicitaire, si on la compare avec les médias classiques, nécessaires à la définition d' un média de masse. Cependant, tous les médias dits classiques ne bénéficient pas non plus d'une telle exposition. Ce qui de nos jours peut placer l'art au même rang qu'un média dit de masse. Au vu de ces informations, nous retiendrons pour étayer la problématique sur la question de l'art comme outil de développement des entreprises, que l'art est un moyen de communication qui s'adresse à tous, aux sens, aux émotions, aux intuitions et à l' intellect. Et que, en ce sens, il semble avoir un rôle important à jouer dans notre société contemporaine et donc dans le monde de l'entreprise. L'art dans ce mémoire est analysé dans son ensemble global. Pas uniquement en tant que production du beau, mais aussi comme expression de la pensée humaine, permettant l'échange des émotions, des idées et donc la créativité et l'innovation. 16 Contributeurs aux projets Wikimedia. (2024a, février 13). Web 2.0. 17 Définition : Média de masse, mass media. (s. d.). ART & MANAGEMENT 13 Créativité et innovation, des termes que l'on retrouve aussi en entreprise. Et pourtant, le monde de l'art et celui du management sont en apparence deux mondes antinomiques. L'art fait appel aux sens, à l'émotion alors que lorsque nous pensons à l'entreprise, au management, nous les rapprochons de la rationalité, la recherche de productivité et de bénéfices. Est-ce que Laurent Wauquiez à raison ? Il existe « les métiers de prestiges et les métiers fantaisistes qui sont les métiers d'art»? Sous-partie 2 : Art & Entreprise : une dichotomie par nature? Nous pouvons noter que cette réflexion n'est pas anodine et qu'il y a toujours eu dans les moeurs, une divergence quant à la valeur du monde artistique et celui de l'entreprise. A) L'image de l'artiste dans la société 1. La marginalisation de l'artiste Du temps de Platon, l'art et la musique sont susceptibles de pousser les jeunes à la luxure, mais aussi de les ramollir. C'est en ce sens qu'il souhaitait que les artistes et les poètes soient exclus de la cité. Dans le chapitre 6 lié à la valeur de l'art18, cette vision de l'artiste, qui n'aurait pas sa place dans la société, fait écho à une situation que nous avons connue il n'y a pas si longtemps. Durant la pandémie du Covid, le milieu culturel et donc les artistes, ont été jugés comme «non-essentiels». L'utilisation de ce terme a été très dure à entendre pour les principaux concernés, remettant d'une certaine manière, leur place et leur impact dans la société. D'autres secteurs comme certains commerces ont également étaient qualifiés de la sorte, mais il a particulièrement blessé le monde culturel qui, depuis la nuit des temps, doit sans cesse justifier sa légitimité. 18 Ramon Alcoberrp et Piricay, 2019.Platon - Les réponses aux interrogations les plus actuelles sur la connaissance, l'éthique et la justice.Edition RBA Plusieurs manifestations rassemblant le monde de la culture ont eu lieu en décembre 2020 en France, en Février et Mars 2021 en Belgique et en Suisse pour demander la réouverture des lieux culturels, dénoncer le mépris de l'Etat et défendre un principe : l'art et la culture sont tout aussi importants que le monde économique. 19 ART & MANAGEMENT 14 20 Parler de mépris n'est pas anodin. Et pour cause, si nous regardons de plus près la définition d'un «artiste» dans le Larousse21, plusieurs apparaissent, notamment: «Vieux. Personne dont le mode de vie s'écarte délibérément de celui de la bourgeoisie; non-conformiste, marginal». Cette définition bien qu'ancienne, à contribué à faire de l'image de l'artiste ce qu'elle est, et nous constatons avec un discours comme Laurent Wauquiez que ces clichés restent d'actualités. 2. L'image de l'artiste dans la sphère éducative Dans la sphère familiale, déjà tout petit, la plupart des parents n'incitent pas leurs enfants à se lancer dans une carrière artistique. Carrière qui est jugée moins sérieuse et pas adaptée à une vie d'adulte. Depuis tout petit les parents répètent qu'il faut trouver un «vrai métier» et que le dessin ou la danse n'est qu'une passion, un passe-temps. Médecin, avocat, ingénieur, voilà de «vrais métiers» selon eux. Difficile de les blâmer lorsque nous constatons qu' être un artiste est tout aussi complexe que de déterminer sa fonction, pour un esprit cartésien. 19 Mardi 15 décembre 2020, des milliers de personnes se sont mobilisées place de la Bastille à Paris pour demander la réouverture des salles de spectacle et défendre la culture. ((c)MAM / actu Paris) 20 La culture se rebelle et organise des flash mobs en Suisse romande: interview d'Olivia Csiky Trnka / Forum / 6 min. / le 13 février 2021 21 Larousse, É. (s. d.). Définitions : artiste - Dictionnaire de français Larousse. ART & MANAGEMENT 15 Dans la sphère éducative, les arts plastiques s'arrêtent après le collège, pourtant le sport, les langues étrangères perdurent. Les activités artistiques ont une image «enfantine» pour certains, peut-être due au fait qu'elles sont mises en avant lorsque nous sommes jeunes puis délaissé arrivés à l'âge adulte. Et dans le monde de l'entreprise? Difficile d'imaginer un artiste prendre ses marques. En effet, les artistes et l'entreprise répondent à des codes différents. Le monde de l'entreprise fait plus appel au rationnel tandis que l'art aux émotions. De plus, ceux qui ne sont pas sensibles aux oeuvres artistiques ne verront pas de grand intérêt de prime abord. Les team building artistiques se développent, mais il est encore difficile de savoir combien de managers ou salariés sont emballés à l'idée de «perdre» une demi-journée pour faire une activité artistique. L'art souffrant toujours d'une image liée au divertissement et donc dans le monde de l'entreprise à une image contre-productive. Même si l'artiste à une image «marginale» certains se plaisent à rester dans ce rôle, repoussant les codes du monde de l'entreprise. B) L'image du capitalisme dans le milieu artistique 1) La différence de cause entre capitalisme et oeuvres artistiques Qui dit entreprise dit production de richesse et donc capitalisme qui répond aux lois du marché. Or, lorsque nous retraçons l'histoire de l'art, il n'avait pas vocation à répondre aux lois du marché. Même si les avis restent partagés, la plupart des artistes d'antan produisaient surtout pour reproduire le «sensible» engager des opinions, transmettre des émotions comme nous l'avons vu plus haut. Une nature désintéressée qui en fait un bien marchand différent des produits liés à la consommation. Aude de Kerros, essayiste définit l'art classique comme : « Un langage non-verbal, sensible qui communique avec les être au-delà des mots et sans passer par les concepts sans passer par un sens logique et rationnel.»22 22 Xerfi Canal. (2017, 15 février). Aude de Kerros, L'imposture de l'art contemporain : du discours à la finance [Vidéo]. Un moyen efficace de découvrir ce que pensait le milieu artistique du capitalisme, c'est d'analyser leurs mots, à travers des citations. Plusieurs d'entre elles nous permettent de cerner cette différence de vision entre le capitalisme et l'art23. «Ne jamais un seul instant, mentir à sa conscience, ne jamais peindre, fut-ce grand comme la main, dans le seul but de plaire à quelqu'un ou de vendre plus facilement» Gustave COURBET, Peintre Français (1819-1877) «Je n'ai jamais été de ces peintres et sculpteurs qui tiennent une boutique.» MICHEL-ANGE, Sculpteur,peintre, architecte, poète et urbaniste italien ( 1475-1564) « Au moment où l'artiste pense à l'argent, il perd le sentiment du beau.» Denis DIDEROT, Écrivain française (1713-1784) Il en découle, qu'il existe une relation ambiguë entre l'art et l'argent depuis fort longtemps. Cela est sans doute lié au fait que l'art et l'argent sont tous deux liés à la valeur. Et que en revenir à jugée l'art par sa valeur marchande en revient à la confronter à l'offre et la demande, loi du marché. L'oeuvre n'est donc plus jugée uniquement sur sa valeur intrinséque. De plus, créer pour vendre cela signifie s'adapter au marché et non plus juste créer pour le seul but d'émettre une production artistique, ce qui pour certains, est incompatible avec l'essence même de l'art. Nous avons pour coutume de placer l'art et l'argent aux extrêmes opposés, or ce mariage s'accentue avec l'avènement de l'art contemporain en 1945. ART & MANAGEMENT 16 23 Le plaisir d'écouter Citations-extraits de livres. (2020, 21 juin). Citations -l'art et l'argent- [Vidéo]. YouTube. ART & MANAGEMENT 17 2) La dérive capitaliste de l'art contemporain « J'aime l'idée que mon oeuvre se vende très cher, ça a un effet très érotique sur moi.» Jeff KOONS - Plasticien et sculpteur américain ( 1955- ) Pour Bertrand GILLIG, l'art a toujours été associé au marché depuis ces 30 années, cela s'est accéléré et de ce fait nous nous écartons de la fonction initiale de l'art qui nous appelle à rêver, réfléchir et comprendre notre monde. Pour lui, nous créons du consumérisme autour de l'art où le but est de vendre autre chose que de l'art. Il juge que cela intoxique la créativité et la création artistique.24 C'est le concept de la marchandisation de l'art contemporain. Plusieurs auteurs ont écrit à ce sujet et sur la rupture de l'art classique avec l'art contemporain. Aude de Kerros, graveur et essayiste est invitée sur le plateau de XERFI CANAL pour parler de son nouvel ouvrage: «L'imposture de l'art contemporain».25 Dans cette interview, l'auteure estime qu'il y a une imposture sémantique dans la définition de l'art contemporain. Pour elle, le fond de l'art contemporain n'est pas esthétique, il s'en débarasse pour se réfugier dans le discours. Elle cite d'ailleurs la nouvelle définition de l'art portée par Arthur Danto,philosophe et critique d'art américain, dans les années 60 et qui énonce : « Est de l'art, ce que l'artiste lui-même dit être de l'art et les institutions, et la société dit être de l'art». De ce fait l'art devenant de plus en plus instrumentalisé, devient fin des années 90 un «produit financier, car il ne répond qu'à une seule chose, la contemporanéité» qui se résume par trois mots : rupture, transgression et pertinence du concept» (p. 133) de son livre. 24 Industrie Magnifique. (2021b, juin 9). Les influences de l'art sur la société, ou comment nous permet-il de comprendre le monde de # LIM2021 [Vidéo]. 25 Xerfi Canal. (2017b, février 15). Aude de Kerros, L'imposture de l'art contemporain : du discours à la finance [Vidéo]. YouTube. ART & MANAGEMENT 18 Une autre écrivaine partage cette pensée, Annie LEBRUN dans une interview sur «Le Média». Elle est l'invitée de Aude LANCELIN dans l'émission l'entretien libre afin de parler de son nouvel ouvrage « Ce qui n'a pas de prix». L'auteure dit reconnaître dans l'art contemporain, des processus liés à la finance, une forme de sidération qui suspend tout jugement critique. Dans son livre, elle fait référence à certains artistes contemporains comme Jeff Koons ou Anish Kapoor qu'elle décrit comme ayant une fonction de manager plutôt que d'artiste, répondant à des commandes de personnes fortunées. Elle soulève le discours du guardian: « Il ne s'agit pas d'une simple marque de sacs de luxe, mais de la méditation d'un artiste sur les maîtres anciens, d'une médiation en forme de sac » elle rétorque « On en est là». Pour elle, à travers le gigantisme, il y a un anéantissement de la sensibilité, car à la place de cela l'artketing, concept que nous allons étudier plus bas, impose des sensations fortes qui réduit à peu près tout le domaine sensible a une question d'effets spéciaux. Pour l'auteure, la collusion de l'art et de l'argent et plus particulièrement de l'art et des marques créer une beauté de synthèse, quelque chose qui est complètement formaté. Cette beauté qui venait d'en bas, des ouvriers, des artisans d'arts, est de plus en plus menacée par ce qui vient d'en haut, autrement dit les injonctions du marché capitaliste. Dans son livre, elle montre l'uniformisation des sensibilités et la destruction des cultures populaires ouvrières, c'est selon elle, ceux qui viennent d'en haut qui ont le pouvoir sur nos sensibilités et non plus l'artiste.
26 Anish Kapoor, descente dans les limbes, La Havane (2016). Photo de Paola Martinez Fiterre, gracieuseté de Galeria Continua. Un art qui tend vers une sphère de combat comme sur les lois du marché ou pour gagner, il faut avoir un avantage concurrentiel. De plus, cette matière initialement issue d'un travail de recherche à des fins militaires par la société Surrey Nanosystems en 2012 , démontre bien ce qui est en train de se passer, une guerre contre l'attention, entre autres. Mais surtout comme nous pouvons le lire dans les premiers paragraphes de son livre : « une guerre menée contre tout ce dont l'on ne peut pas extraire la valeur»27 Longtemps, le monde de l'art et de l'entreprise ont semblé à l'opposé l'un de l'autre: «l'art est désintéressé, alors que l'entreprise recherche le profit. Beaucoup d'arts sont fondés sur l'imaginaire, alors que l'entreprise est ancrée dans le réel. L'art divertit, et donc détourne des activités du travail.»28 Des divergences de prime abord, incompatibles. Souvent jugée comme une distraction, l'art à pourtant bien plus d'importance que ce que la «société» laisse à penser. Voyons ensemble, dans la deuxième partie du mémoire, que l'art et l'entreprise ne sont pas si éloignés que cela. Elles se retrouvent autour de valeurs comme la création, la découverte ou encore l'audace. En ce sens, les liens qui se créent entre ces deux mondes ne paraissent pas si éloignés et de plus en plus de liens se créent entre les deux mondes. ART & MANAGEMENT 19 |