3.2. Exploitation de la réserve
forestière
Il ressort de notre analyse une intense transformation humaine
de la région qui se traduit par une exploitation poussée des
ressources forestières, notamment dans le contexte de l'exploitation du
bois-énergie, ainsi que par des efforts en vue de valoriser les terres.
Ces constatations rejoignent les conclusions d'autres chercheurs, telles que
l'étude menée par I. Bouzou Moussa et al., (2011), dans
la région de l'Ouest du Niger. Leurs résultats mettent en
évidence de manière convaincante l'impact conjoint des facteurs
climatiques et anthropiques sur la dégradation des terres dans la zone.
En outre, les travaux de P. Rognon (1989) montrent que la dégradation
environnementale observée au Sahel est le résultat direct de
plusieurs facteurs. En effet, la densification de l'occupation humaine a
exacerbé la pression sur les ressources naturelles. L'exploitation
abusive des arbres, sous forme de pâturage de
substitution pour le bétail et comme combustible, a eu
des conséquences néfastes sur l'équilibre
écologique de la région. Pour I. Mamadou (2005), l'exploitation
du bois est la principale explication des défrichements récents
et des coupes rases. Cette intensification de l'impact anthropique dans la zone
aggrave la vulnérabilité de l'environnement face aux changements
climatiques. Il est essentiel de noter que, la majeure partie de la population
de la région est principalement rurale, atteignant 83,8 %, et
dépend fortement de l'exploitation des ressources naturelles pour ses
revenus, comme indiqué par le rapport du PANA Niger de 2006. Le rapport
de la FAO de 2011 apporte un éclairage pertinent sur l'ampleur de la
dégradation des terres causée par les activités humaines.
Il révèle que la dégradation anthropique affecte environ
34 % des terres agricoles mondiales, l'équivalant de près de 1660
millions d'hectares. Cet important chiffre met en évidence la
portée étendue de la détérioration des terres et
souligne l'urgence de prendre des mesures pour prévenir et inverser
cette tendance préjudiciable. De cela, il faut noter que la
surexploitation du potentiel végétal entraîne la
diminution, voire la disparition de certaines espèces
végétales. Ce qui se traduit par la réduction des zones
boisées au profit de vastes étendues dénudées sur
les plateaux, comme l'a relevé A. Ingatan warzagan (2011). De plus, I.
Bouzou Moussa et al., (2020), ainsi que M. Tankari Maifada (2022), ont
identifié des facteurs naturels et anthropiques comme causes majeures de
la dégradation des terres et des ressources naturelles dans leurs zones
d'étude respectives. Ces constatations mettent en évidence
l'impact de l'interaction complexe entre les forces environnementales et
humaines sur la dégradation des terres. Une autre forme de pression
significative est le prélèvement du bois par le biais du
défrichement et de la coupe incontrôlée pour
répondre aux besoins en bois-énergie de la ville de Niamey. Une
activité qui est devenue un enjeu économique et financier majeur
(S. Arouna Hamidou, 1997). Cette exploitation forestière non
réglementée accentue la pression sur les ressources naturelles,
contribuant ainsi à la détérioration des
écosystèmes locaux. Ces zones, étant proches de Niamey,
jouent un rôle vital dans son approvisionnement en bois-énergie.
Les travaux de A. Ichaou menés entre 1995 et 2000 mettent en
lumière l'importance de ces régions en termes d'approvisionnement
en bois-énergie. Les données recueillies dans ces zones
révèlent des quantités de bois produites allant de 0,1
à 1 stère par hectare par an conformément aux
études de C. Delwaulle et Y. Roederer (1973), à 0,33 à 1
stère par hectare par an. Selon CTFT 1982, pour une pluviométrie
de 500 mm, les quantités de bois produites allant de 0,06 à 0,4
mètres cubes par hectare par an, soit l'équivalent de 0,15
à 1 stère par hectare par an). Les résultats de
l'étude intitulée "Diagnostic du Secteur Bois-Énergie"
menée par Y. Seybou (2005) montre que, la quantité de bois
acheminée vers la ville de Niamey a connu une
62
croissance significative. Entre 1984 et 1990, la
quantité de bois transportée a augmenté de 15 %. Cette
tendance s'est poursuivie entre 1990 et 1996, avec une augmentation de la
quantité de bois transportée de 18 %. La croissance de la
population urbaine de la région explique en grande partie cette
augmentation. Entre 1984 et 2001, la quantité de bois acheminée
vers Niamey a augmenté de manière impressionnante de 41 %. Chaque
année, plus de 300 000 tonnes de bois sont consommées,
équivalant à la déforestation d'une superficie
forestière d'environ 85 000 hectares si l'on considère qu'un
stère équivaut à 0,4 mètres cubes de bois, comme
indiqué dans la note d'information du Colloque international sur la
gestion des ressources forestières périurbaines et le changement
climatique en 2017. Par ailleurs, selon le SDACD-N (2016), la Bassin
d'Approvisionnement en Combustibles Domestiques de Niamey (BACDN) se
caractérise par des fortes densités démographiques, parmi
les plus élevées du pays. Le taux de fécondité
atteint 7,6 enfants par femme en moyenne (FAO, 2014). La croissance de la
population est beaucoup plus prononcée en milieu urbain, avec un taux
quasi doublé par rapport aux zones rurales. Cependant, en termes de
nombre d'habitants, ce sont les zones rurales qui ont doublé leur
population en l'espace de 30 ans, à un rythme de croissance
supérieur à 2 % par an. Les populations rurales des
régions du BACDN sont passées de 1 527 370 à 2 654 470
habitants entre 1977 et 2010, soit une augmentation impressionnante de 74 %.
Cette forte croissance démographique dans les régions
d'approvisionnement en combustible domestiques exerce une pression accrue sur
les ressources forestières, intensifiant ainsi la dégradation des
terres et la demande en bois-énergie. Il est clair que, la
déforestation motivée par des besoins énergétiques
et une utilisation accrue des terres, contribue à l'aggravation de la
dégradation du couvert végétal.
Afin d'inverser cette tendance, il est impératif de
promouvoir des pratiques de gestion durable des terres, de sensibiliser aux
impacts de l'exploitation forestière excessive, et de mettre en oeuvre
des stratégies de conservation des écosystèmes. Une
approche intégrée qui tient compte à la fois des facteurs
humains et climatiques est essentielle pour atténuer les effets de la
dégradation des terres au sahel et assurer la résilience des
communautés locales. La promotion des pratiques durables de gestion des
ressources forestières et la mise en place des mécanismes de
contrôle appropriés sont essentielles pour préserver ces
ressources précieuses tout en répondant aux besoins
économiques de la région. Il faut préciser que, ces
techniques favorisent la reforestation, la restauration des sols et la
réhabilitation des zones dégradées. Cela a un impact
direct sur la production agro-sylvo-pastorale de plusieurs manières
selon les
chercheurs comme (M. Laminou et al., 2020) ; M.
Bahari Ibrahim (2021) et K. Abdou Goumassa,2017). Ces ouvrages permettent :
- Augmentation de la fertilité du sol : Les pratiques
de CES-DRS, telles que la gestion de l'eau et la conservation des sols,
contribuent à améliorer la fertilité des sols. Cela,
permet une meilleure croissance des cultures, une augmentation de la biomasse
végétale et un meilleur pâturage pour le bétail ;
- Conservation de l'eau : Les ouvrages de CES-DRS, tels que
les digues, les bassins de rétention et les systèmes
d'irrigation, permettent de mieux gérer les ressources en eau. Cela
garantit un approvisionnement en eau plus stable pour l'irrigation, tout en
rechargeant les nappes phréatiques et en maintenant les
écosystèmes aquatiques ;
- Restauration des écosystèmes : Ces techniques
contribuent à la réhabilitation des écosystèmes
naturels, y compris les zones boisées et les pâturages. Cela,
favorise la biodiversité et offre des opportunités de production
agro-sylvo-pastorale durable ;
- Réduction de l'érosion : Les
aménagements de CES-DRS aident à lutter contre l'érosion
du sol, en préservant les nutriments et en empêchant la
dégradation des terres arables.
Les preuves scientifiques sont catégoriques : les
ouvrages de CES-DRS ont un impact positif significatif sur la
régénération du couvert végétal et la
production agro-sylvo-pastorale. Ces mesures jouent un rôle essentiel
dans la durabilité des pratiques agricoles et la restauration des
écosystèmes, tout en améliorant de manière probante
les moyens de subsistance des communautés rurales.
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