II. LA COMPLEMENTARITE DES
SAVOIRS DANS LA GESTION DES
RESSOURCES NATURELLES
La révision des méthodes et du rôle des
acteurs impliquent l'analyse de la manière dont les savoirs
scientifiques sont plutôt réinterprétés et
appropriés localement par les habitants. Ce qui favorise la
complémentarité entre le savoir scientifique et le savoir
moderne.
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2.1 De la logique traditionnelle à la logique
moderne de l'agriculture
Dans la communauté rurale de Madina Ndiathbé,
les systèmes de cultures traditionnelles (agriculture pluviale,
agriculture de décrue) se sont parfaitement insérés dans
l'irrigation sans apporter un profond bouleversement dans la pratique des
paysans.
L'agriculture irriguée encadrée a
constitué une phase de transition pédagogique en ayant le
mérite d'initier les populations aux techniques de l'irrigation qui
différent radicalement des systèmes de production traditionnelle.
Les grands aménagements ont octroyé des PIV aux populations avec
de faible taux d'échecs et une intensité culturale de 1.6 selon
la SAED. Contrairement aux formes de culture traditionnelle, les performances
sont plus importantes sur les PIV en raison de la plus grande
responsabilisation des populations concernées.
Elles font l'irrigation pour une sécurisation
alimentaire. Une à deux campagnes est fréquemment
réalisée pour s'assurer d'une autonomie en riz. Le reste de son
temps le paysan s'adonne à d'autres activités telles que la
culture du petit mil (le sounna) et la culture du sorgho dans le Walo ainsi que
des patates douces dans les Pallé (cultures de berge).
Les populations allient ainsi deux logiques : une logique de
production axée sur l'irrigation et une logique de subsistance
basée sur l'incertitude de la première. De ce fait, une
complémentarité entre savoir traditionnel et moderne a permis
à la population de survivre en équilibre avec la nature.
2.2 La modernité de l'agriculture de décrue
Autrefois, la culture de décrue du sorgho était
effectuée selon une technicité populaire aiguée des
paysans qui maitrisaient parfaitement les conditions du milieu. Mais, dans le
souci de parfaire cette ancienne forme de culture, les agriculteurs ont
intégré des outils modernes dans la pratique agricole, tel que le
fer à charrue (photo 12) qui remplace de plus en plus le Njidangu.
Cet outil est plus souple à manier et peut même
faire l'objet d'une traction animale. Dans le Walo, il permet d'augmenter la
vitesse de travail et de rendement des cultures de décrue.
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Photo 12 : intégration du fer à
charrue aux outils traditionnels de culture
2.3 L'intégration des savoirs modernes aux
connaissances traditionnelles
Les paysans travaillent en étroite collaboration avec
les institutions de recherche (SAED, ISRA et ANCAR), ce qui a favorisé
l'alliance de deux logiques différentes.
- L'intervention de la SAED dans la culture de
décrue
Pour l'amélioration de la productivité, la SAED
conseille et appuie les populations dans la culture du sorgho de décrue,
de même que la nécessité de faire des façons
culturales. Elle initie les populations à l'utilisation de l'engrais sur
le Walo qui subissait le poids de la tradition. Cela permet d'augmenter le
rendement et de dépasser 800 kg / ha dans certaines zones.
- L'ANCAR appui les populations pour des semences
certifiées
L'ANCAR développe de nouvelles approches reposant sur
la reconnaissance des producteurs comme les principaux acteurs de leurs
systèmes de production, de l'aménagement de leurs terroirs et de
la gestion de leurs ressources naturelles. Cette approche est bâtie sur
la légitimation des savoirs et savoir-faire des productions
indispensable au processus de développement agricole et rural.
Les partenaires extérieurs prennent en compte ces
pratiques et aident les producteurs à les améliorer, plutôt
que de leur dicter des comportements techniques et socio-économiques.
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Dans ce conteste, le GIE Thierno Amadou Samba Baal de Cas-Cas
travaille en partenariat avec l'ANCAR et produit des semences certifiées
sur la base des variétés locales (photo 13).
Photo 13 : Semences de maïs certifiées
: variété locale produite par le GIE Thierno Samba Amadou Baal
(Cas-Cas)
En effet, le CLCOP est l'acteur principal de cette synergie entre
structures étatiques et organisations paysannes par la formation des
membres de GIE ou de GPF.
- Les autres formes de complémentarité
D'une part, on peut noter l'action du chef de poste des
services eaux et forêts qui a enclin les populations à la
préservation des ressources végétales grâce à
leur responsabilisation. Les comités de gestion villageois s'appuient
sur les liens sociaux pour assurer la sauvegarde pérenne. A ce titre,
à Dounguel Dadé on défend ardument d'abattre les arbres
sur un rayon de 3 km aux alentours du village. Mieux, on a deux réserves
individuelles (Seydou Yobou ba à Barangol et celui de Seydou Sy à
Saré-Souki) qui sont des initiatives privées que les agents des
Eaux et Forêts ont encouragées. Il s'agit de « Falo »
présentant une végétation un peu dense que les
propriétaires ont défendu de la coupe.
D'autre part, les éleveurs se modernisent de plus en
plus en intégrant des données scientifiques qu'elles soient la
médecine moderne présentant plus d'efficacité que
certaines pratiques locales (la vaccination) ou le téléphone
portable lors de la transhumance pour éviter de longue distance dans la
recherche de pâturage.
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Enfin, les Organisations Paysannes modernes et les
organisations traditionnelles sont parfaitement intégrer dans le conseil
rural de sorte qu'elles constituent les relais de la CR dans les villages.
*
* *
Une indication du dynamisme inhérent aux savoirs locaux
est la facilité avec laquelle les populations autochtones adaptent
astucieusement à leur besoin les différentes formes de savoirs.
En mêlant modernité et tradition, les communautés
autochtones défendent leurs modes de vie, leurs identités, leurs
valeurs et leurs visions du monde.
Ainsi, un des défis majeurs pour la communauté
rurale est de permettre aux communautés locales de créer une
synergie entre savoirs endogènes et exogènes pour choisir leurs
propres voies vers un développement durable.
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