Conclusion partielle
La CR de Madina est un pôle de développement
où s'imbriquent plusieurs échelons (du local au global). Par
conséquent, dans le cadre de la pérennité du
développement local, une solide interrelation entre les
différents acteurs, à la faveur d'une concertation et d'un
échange d'expériences, se crée pour favoriser une gestion
des ressources naturelles.
La diversité des organisations dans la CR est
certainement une manifestation des stratégies des différents
acteurs pour assurer efficacement le relais de l'Etat, mais aussi se
positionner sur le champ de la gestion soit en usant des connaissances
traditionnelles, soit des nouvelles initiatives.
Néanmoins, les savoirs locaux ne peuvent jouer
présentement la même fonction, ni avoir la même porté
qu'autrefois, entre temps le contexte a beaucoup changé.
Sur le plan politique, c'est l'émergence et la
prépondérance de l'Etat et de ses services
déconcentrés qui assurent le pouvoir et l'autorité au
niveau local. La gestion des ressources naturelles n'est plus à la
charge des chefs coutumiers mais à l'autorité publique.
Sur le plan économique, c'est la domination de
l'économie de marché qui instaure une libéralisation dans
tous les secteurs et une compétition dans tous les domaines. Ceci a eu
pour conséquence une accentuation de la pression sur les ressources
naturelles et une menace sur la biodiversité.
Sur le plan social, une forte pression démographique
sur les ressources a caractérisé cette situation avec une
pauvreté de plus en plus croissante des masses paysannes et des
restrictions mieux importantes pour l'accès aux ressources.
Les savoirs modernes ne peuvent pas non plus résoudre
tous les problèmes de gestion encore moins favoriser une bonne
assimilation de la part des autochtones.
L'intégration des ces deux formes de gestion est la
meilleur des voies possible pour réduire les risques
d'inefficacité de tout projet de développement.
Actuellement, les savoirs locaux ne peuvent constituer que des
instruments d'innovation sociale. Autrement dit, ils doivent être des
techniques, des pratiques et des comportements auxquels il faut s'inspirer pour
bâtir des modèles de cogestion de la biodiversité propice
à chaque contexte et à chaque ressource.
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CONCLUSION GENERALE
L'eau et la terre sont les deux ressources et facteurs de
production capital pour le développement de la CR de Madina. Toutes les
activités du terroir dépendent de ces éléments qui
assurent la survie des paysans.
Dans ce cas, la proximité de l'eau et les
différentes ressources du milieu ont conditionné l'implantation
humaine très dense dans la zone Djéjégol et île
à Morphil puis éparse et clairsemé dans la zone
Diéri.
Les systèmes de production suivent cette même
logique : irrigation, agriculture de décrue et pêche dans les deux
premiers espaces, agriculture pluviale et élevage extensif dans le
dernier. En outre, ces milieux ne sont pas cloisonnées, les populations
sont interdépendantes et vivent en étroite collaboration.
L'exploitation des ressources naturelles s'est
effectuée sur la base des connaissances locales mais également
modernes.
Différentes techniques traditionnelles ont
été mises en oeuvre dans la CR par les exploitants. Et ces
pratiques ont permis à la population de survivre dans des situations un
peu particulières (technologies populaires de l'agriculture de
décrue, actions traditionnelles d'économie de l'eau, techniques
traditionnelles d'amélioration génétique en élevage
ou formes de pêche coutumières) et de confirmer la pertinence de
leurs savoirs. Ces procédés ont un impact positif sur
l'évolution des terres de culture, sur la pêche et sur la
végétation.
Toutefois, elles ont montré un certains nombre de
contraintes qui limitent leur utilisation à grande échelle. Il
s'agit de la lourdeur du travail au regard des outils utilisés.
C'est ainsi que des savoirs modernes peuvent alléger
cette force du travail comme les aménagements hydroagricoles dans
l'agriculture, dans le secteur de l'élevage l'action des services
vétérinaires (vaccination et insémination artificielle)
pour stabiliser la filière, la pisciculture pour apporter une
alternative aux pécheurs et les activités de reboisement pour
reverdir le milieu.
Cette réorientation des activités modernes
fondée sur de nouvelles opportunités n'a pas pour autant voiler
la technologie populaire des agro-pasteurs du terroir, aspect important de leur
identité culturelle, ce qui a nécessité d'étudier
le rapport d'interface de ces deux formes de connaissances.
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Les différents acteurs de la CR interviennent
diversement. Au début, l'accent mis par le Sénégal sur la
biodiversité en procédant à la mise sur pied d'aires
protégées résulte d'une politique qui privilégie la
conservation des espèces et des écosystèmes et tend
à écarter les populations autochtones à la gestion de la
biodiversité. Cette option non seulement n'a pas empêché la
progression de la diminution de la biodiversité mais elle est à
l'origine de multiples tensions entre populations locales et agents de
l'administration chargés de la gestion de ces sites.
L'implication des populations locales et le principe de la
cogestion de la biodiversité apparaissent donc comme les nouveaux
paradigmes dans le champ de la conservation.
Pour favoriser la prise en compte des savoirs locaux à
travers les systèmes actuels de gestion, l'Etat doit prendre des mesures
allant dans le sens de définir une politique qui vise la reconnaissance
et recommande l'intégration de ces savoirs aux données modernes.
L'Etat doit encourager et soutenir des programmes de recherches à
travers les Universités et Instituts de recherche en vue d'identifier et
de codifier les savoirs locaux pour éviter leur disparition
définitive.
Ainsi, dans les domaines aussi variés que
l'agriculture, la pêche, l'élevage, la gestion de l'environnement,
la santé ... des recherches pointues sur les savoirs locaux doivent
être menées afin de préserver notre patrimoine cognitif et
impulser de nouvelles technologies afin d'assurer un développement
économique et social durable.
Des mécanismes de partage des avantages liés
à l'utilisation de ces savoirs doivent être également
définis et discutés avec les populations locales.
Pour que les communautés locales participent à
la production du savoir dans la conservation de la biodiversité. Les
opérateurs sur le terrain travaillant pour le compte des institutions
doivent faire preuve de beaucoup d'humilité et rester ouvert dans la
conception et la mise en oeuvre des politiques de conservation de la
biodiversité. Ils doivent se comporter à l'égard des
communautés locales comme des acteurs en quête de savoir et pas
comme des acteurs qui le détiennent déjà. La posture de la
quête est uniquement celle qui peut favoriser l'échange et le
partage entre savoirs locaux et savoirs technico-administratifs.
Au demeurant, il est donc important de comprendre que les
savoirs locaux ne sont qu'un outil parmi tant d'autres pour réussir
l'entreprise de cogestion de la biodiversité.
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