Caractérisation socio-économique des
jeunes travailleurs indépendants du Bénin
[L'analyse de données] est un outil pour
dégager de la gangue des données le pur diamant de
la véridique nature.
Jean-Paul Benzécri (Histoire et
préhistoire de l'analyse de données,1976)
4.1) Une vue d'ensemble à l'aide d'une analyse
des correspondances multiples
Nous avons effectué une analyse des correspondances
multiples (ACM) sur 1017 individus répondant aux critères du
travail indépendant dans la base de données, en tenant compte de
leurs poids. A partir d'une méthode mixte, nous avons retenu le meilleur
regroupement en trois classes distinctes. Dans les lignes qui suivent, nous
présentons les caractéristiques générales des trois
groupes d'individus identifiés, à partir de l'information
concentrée sur les dix1 premiers axes factoriels2.
Chaque groupe étudié manifeste une caractéristique
principale de l'auto-emploi des jeunes au Bénin.
4.1.1) Le Groupe I : l'auto-emploi pour une gestion
individuelle du chômage et des situations précaires
Les jeunes travailleurs indépendants du premier groupe
(classe 1, la classe majoritaire) sont les Béninois par naissance ou par
naturalisation, et sont essentiellement constitués de mariés (es)
(civil, religieux, coutumier), de
séparés(es)/divorcés(es), des conjoints ou concubins (lien
avec le chef de ménage). Pour faire face aux dépenses
imprévues, ils épargnent, travaillent pour augmenter leur revenu,
ou font une réduction de certaines dépenses (ex : alimentaires,
logement, santé) ; certains souscrivent à un emprunt selon le
cas. Ils n'ont particulièrement aucun problème de santé,
mais quelques-uns ont un appareil auditif déficient, et souffrent
d'handicaps (difficultés à prendre soin de soi-même,
à marcher, à communiquer, à mémoriser). Leur
mère n'a en général reçu aucune scolarisation. Dans
les moments de difficultés à la recherche d'emploi, ils ont
présenté des candidatures spontanées auprès
d'usines, de fermes, de marchés, de magasins, etc.,
1. Ils concentrent 34,50% de l'information.
2. Voir l'annexe D sur les résultats de la classification
effectuée après l'ACM.
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demandé à des amis, des proches de la famille,
des collègues. Ils ont recherché du travail pendant plus de deux
(2) ans en moyenne, avant d'établir leur entreprise actuelle. Cette
période d'attente a été longue car les obstacles ne
manquaient pas : ils étaient jugés trop jeunes, ou souffraient de
préjugés discriminatoires. Au cours des 12 mois qui ont
précédé leur emploi actuel, voici le nombre d'emploi
auquel ils ont postulé : jusqu'à 10 en moyenne, et se sont rendus
à au moins trois entretiens distincts. L'auto-emploi a donc
été pour eux une alternative face au manque d'opportunités
de travail. Toutefois, quelques-uns ont choisi l'auto-emploi, car cela
était requis par leur famille (surtout les femmes). Parmi eux, on peut
compter ceux qui n'emploient aucun autre salarié, et ceux dont aucun
fonds n'était nécessaire à la création de leur
entreprise; d'autres ont toutefois bénéficié de
prêts d'institutions de micro-finance (y compris de coopératives),
et aussi de prêts/aides d'organisations non gouvernementales (ONG), de
projets financés par des donateurs, etc. Ils n'ont pour la
majorité pas reçu d'éducation formelle, quelques-uns ont
toutefois achevé le cours primaire, et leur activité est
essentiellement informelle : absence de registres de commerce. Le
problème le plus important auquel ils sont confrontés dans la
gestion de leur entreprise est la pénurie de matières
premières (ruptures d'approvisionnement), et la pénurie de
main-d'oeuvre. Aucun fonds n'est également nécessaire pour faire
face aux dépenses liées au fonds de roulement. Pour eux, ce qui
compte le plus dans la vie, c'est avoir une bonne vie de famille. Bon nombre
d'entre eux restent encore insatisfaits de leur travail, mais ne souhaitent pas
pour le moment changer d'emploi principal.
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