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Dynamiques citoyennes et acteurs de développement en Afrique. L’exemple de la société civile ivoirienne.


par Hervé Rabet
Université Bordeaux Montaigne - Master II études interdisciplinaires des dynamiques africaines 2020
  

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Conclusion

Finalité de l'étude

Notre problématique d'étude était la suivante :

Dans quelle mesure les organisations de la société civile ivoiriennes agissent-elles dans un contexte favorisant la finalité de leurs actions, à savoir le changement social ?

Dans le souci de répondre à cette problématique nous avons émis 5 hypothèses.

1-La stabilité politique, la sécurité du pays et l'importante croissance économique qui fait de la Côte d'ivoire la « locomotive » africaine au temps de Félix Houphouët-Boigny est favorable à l'émergence démocratique et citoyenne

2- La notion de « l'ivoirité » caractérise une xénophobie intrinsèque à la population ivoirienne

3- La pratique de la citoyenneté s'est brutalisée pendant la décennie de crise politico-militaire

4- La paix et la reprise économique s'accompagnent d'un meilleur respect des libertés individuelles et d'un changement par le soutien de l'Etat ivoirien aux initiatives des organisations de la société civile agissant en ce sens.

5- Les organisations de la société civile sont préparées et opérationnelles à la mise en oeuvre de projets de développement et plus spécifiquement ceux concernant le changement social et alternance démocratique et ce de manière autonome.

Nous avons premièrement supposé la stabilité politique, la sécurité du pays et l'importante croissance économique qui fait de la Côte d'ivoire la « locomotive » africaine au temps de Félix Houphouët-Boigny est favorable à l'émergence démocratique et citoyenne. En nous intéressant à la gouvernance de Houphouët-Boigny nous avons pu nous apercevoir que si le miracle ivoirien a permis à la Côte d'ivoire d'être érigée en locomotive économique de la sous-région et à Abidjan de devenir le « Paris de l'Afrique de l'ouest », il possède une part d'ombre symbolisée par la décennie des faux complots.

A travers celle-ci F.Houphouët-Boigny semble avoir conditionné l'exercice de la citoyenneté ivoirienne mais également ouest africaine.

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L'importante croissance économique, la forte urbanisation, l'ouverture des frontières et les conditions favorables d'accueil de l'étranger ont longtemps constitués un trompe-l'oeil pour les pays voisins de la Côte d'ivoire comme pour l'opinion internationale. Très rapidement l'action politique du président Houphouët-Boigny est dédiée à la concentration et à la conservation d'un pouvoir dont il sera le seul maître. La mystérieuse décennie de faux complots en est d'ailleurs la démonstration la plus brutale. Celle-ci qui ne manque pas de traumatiser les ivoiriens et de conditionner leur engagement dans la vie civique et citoyenne, semble également avoir été un message à destination de l'ensemble de l'Afrique de l'ouest et de ses jeunes élites panafricaines du RDA. Il a démontré qu'il ne comptait pas partager les rênes du parti et que de son vivant cette organisation demeurerait une coquille vide dans le meilleur des cas, un instrument du néocolonialisme dans le pire.

L'avènement du multipartisme aurait pu s'avérer être l'occasion idoine de l'avènement démocratique mais la manipulation politique de F.Houphouët-Boigny lors des élections présidentielles de 1990 et les violences d'états commises en 1991 et 1992 semblent démontrer de l'autre voie prise par Houphouët-Boigny. En instrumentalisant politiquement les étrangers et en usant de la violence une nouvelle fois contre les citoyens, il a dilapidé ce qui aurait pu constituer son principal héritage, à savoir la paix et le renouveau démocratique et citoyen. Lorsqu'il s'éteint en 1993, la Côte d'ivoire est au bord de la crise. Si depuis 1980 elle est déjà en crise économique, les rivalités ethnico-politiques menacent désormais pleinement un pays dont la jeunesse trouvera chez chacun des héritiers du vieux, un idéal d'engament et de développement du pays.

Il est important de mentionner la véritable dissonance engendrée par la gouvernance Houphouët-Boigny. Le miracle ivoirien et la politique d'accueil menée par Houphouët-Boigny semblent avoir installé durablement dans les esprits que la Côte d'ivoire n'était aucunement un pays souffrant de carence de développement. Aujourd'hui encore l'aide internationale est plus dédiée à la gestion de « crise » post-crise qu'à la mise en oeuvre d'une réelle stratégie nationale de développement.

On peut donc affirmer que notre hypothèse s'avère erroné. La mise à la marge des jeunes, la sanction de tout investissement citoyen et la pratique d'une violence d'Etat arbitraire

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et démesurée vont dans le sens d'une sens d'une citoyenneté qui si elle n'est pas inhibée est néanmoins timoré.

Nous avons ensuite supposé que le concept « d'ivoirité » est issue d'une xénophobie intrinsèque à la population ivoirienne

En nous intéressant à la période de succession politique d'Houphouët-Boigny nous avons pu voir que la rivalité ethnico-politique que s'est livrée le PDCI-RDA, le FPI et le RDR fut l'occasion pour chacun des candidats d'user de la violence et de « coups politiques » tels que l'application de l'ivoirité politique. Le concept d'ivoirité est donc avant tout un concept politique destiné à évincer de la course à la présidence un candidat, qui malgré tout, symbolise encore aujourd'hui les problèmes identitaires du pays. L'instrumentalisation du droit des votes des étrangers par F.Houphouët-Boigny a auparavant suscitée un sentiment d'injustice chez une majorité des ivoiriens qui n'auraient surement pas reconduit le président sortant en 1990.

Si le putsch de 1999 s'avère être une révolution militaire épisodique, la crise militaro politique qui se déroule entre 2002 et 2011 est bien une crise identitaire, sociale et citoyenne. Cette crise est en premier lieu celle d'une jeunesse, mise à la marge des processus décisionnaires du pays pendant le mandat d'Houphouët-Boigny, et qui tente par le recours à la violence physique, morale et armée de devenir actrice et non spectatrice de la décision politique ivoirienne. Notre troisième hypothèse affirmant que la pratique de la citoyenneté s'est brutalisée pendant la décennie de crise politico-militaire est donc vérifiée.

Depuis 2011 et l'arrivée au pouvoir du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), nous avons affaire à un nouveau « miracle ivoirien » qui se caractérise par une forte croissance économique mais également par un retour aux conditions de pratique de la citoyenneté du temps du premier miracle ivoirien. Notre hypothèse affirmant que la paix et la reprise économique s'accompagnent d'un meilleur respect des libertés individuelles et d'un soutien de l'Etat ivoirien aux initiatives des organisations de la société civile agissant en ce sens n'est donc pas vérifiée. De ce fait nous avons pu observer à travers l'étude de l'action des organisations de la société civile ivoirienne, qu'elles ne sont pas assez préparées et opérationnelles pour être autonome à

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la mise en oeuvre de projets de développement et plus spécifiquement ceux concernant le changement social et alternance démocratique.

Notre cinquième hypothèse s'avère donc erronée.

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Le problème du développement selon Ki Zerbo

Selon Joseph Ki-Zerbo la dépendance commence par le verbe. Par sa seule présence ce terme interprète le réel et l'enferme dans une grille mentale déterminée et restreinte. L'élaboration et la maîtrise d'un corpus de concepts relatifs à la stratégie et à la mise en oeuvre du développement constituent la première étape méthodologique et culturelle d'acceptation de la nécessité du développement.

Le terme de « pays développés » apparait au lendemain de la seconde guerre mondiale. Ce terme, vecteur d'actions de solidarité positive a néanmoins au fil du temps pris une dimension péjorative voire déterministe C'est ainsi qu'une pirouette sémantique nous a plus fait parler de pays « en voie de développement » que de pays « sous-développés ». Plus doux à l'oreille ce changement de vocable n'ôte pourtant pas à cette expression son essence intrinsèque. Ainsi nous pouvons nous demander vers quel développement tendent les pays en voie de développement. Lors d'un échange consacré à la crise du développement en 1977, Cornelius Castoriadis déclare que : « Le développement, c'est le développement de type occidental capitaliste, il n'y en a pas d'autre jusqu'ici, et on n'en connaît pas d'autre... ce qui importe, c'est d'économiser, de produire, de gagner. »

En somme, dans un oekoumène finit et dans un paradigme capitaliste c'est en sous développant d'autres qu'on se développe soi-même. Le socio-économiste Wilfriedo Pareto (1848-1923) à conceptualiser l'optimum de Pareto. Un optimum de Pareto est une allocation des ressources pour laquelle il n'existe pas d'alternative dans laquelle tous les acteurs seraient dans une meilleure position. L'optimum de Pareto est utilisé pour décrire un état de la société dans lequel on ne peut pas améliorer le bien-être d'un individu sans détériorer celui d'un autre.Selon cette considération, le « sous-développement » africain n'est donc ni un mystère, ni une malédiction mais bien une conjoncture. C'est un processus historique réparable, qui est induit en grande partie de l'extérieur et auto-entretenu par les africains eux-mêmes.

Après 80 ans de développement, bien que les pratiques, vocables, représentations et outils aient évolués, sommes-nous pour autant parvenus à transcender le développement ? Les citoyens africains et plus particulièrement ivoirien censés être consacrés par le développement sont-ils parvenus à une autonomie suffisante à l'autodétermination ?

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Avec l'avènement du « village monde » permis par le développement d'internet, les crises écologiques, environnementales et migratoires, le concept d'interdépendance s'est révélé à la conscience collective. Cependant cette représentation de l'interdépendance dans notre société occidentale dont le développement se fait bien souvent au détriment d'autres sociétés omet bien souvent qu'en l'occurrence, les uns sont plus interdépendants que les autres.

Si le développement se devait d'évoluer, n'irait-il pas dans le sens d'une co-responsabilité plus que d'une interdépendance ?

La pratique du développement met en confrontation deux représentations.

Si l'on prend pour critère la participation à la vie civique et citoyenne, elle serait d'un côté particulariste, les citoyens agissant selon des logiques « coutumières » et n'ayant d'intérêt que le bien familial et communautaire, tandis que dans la société moderne il est universaliste. La sanction de l'autorité, peut prendre une dimension divine ou sacrée pour le groupe traditionnel, mais demeure hérétique dans la société moderne.

Les motivations seraient d'un côté le conformisme à l'égard de la coutume et des traditions, et de l'autre l'innovation. Les critères de rémunération seraient, pour le monde traditionnel, le privilège du statut, et pour l'autre les performances contribuant à la réalisation d'un but objectivement défini.

Comme on a pu l'évoquer précédemment, tout cela n'est pas neutre. Les actions de développement s'inscrivent bien dans un schéma où la rationalité, la cohérence logique, l'objectivité et même la justice se trouvent du même côté, et ces critères sont très souvent adaptés aux citoyens des sociétés occidentales. Le terme d'élite sert souvent alors à désigner la minorité assez occidentalisée pour servir d'avant-garde à cet exode vers la terre promise de la modernité.

S'agissant de l'Afrique, la soi-disant modernité, que constituent les influences occidentales, n'est pas plaquée sur la tradition. Il s'agit de faisceaux de forces, mues par des intérêts ou des engagements individuels ou collectifs. Il n'y a pas de secteur qui ne soit uniquement traditionnel, dans le sens péjoratif qu'on donne à ce terme.

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Dans les conceptions de l'existence comme dans les forces et rapports de production, tous les secteurs sont ébranlés ou bouleversés par les principes du système capitaliste. En outre les principes de cohérence, de logique, de rationalité ne sont pas absents du monde dit traditionnel.

Si le terme de « modernité » se réfère à la période de la Renaissance et des grandes découvertes ou redécouvertes, sans référence à un Moyen Âge prétendument obscurantiste, nous pouvons prétendre qu'aujourd'hui le paysan africain, qui sait inventer et inventorier les 448 plantes présentes dans son environnement qui guérissent, qui sait les apprêter et les administrer et qui essaie d'améliorer ses méthodes est incomparablement plus moderne que le citadin scolarisé qui sait à peine déchiffrer l'ordonnance qu'on vient de lui remettre et avaler les comprimés. En fait, plus on est dépendant, moins on est moderne. Moins on applique son propre esprit à son propre progrès, moins on est moderne, car on ne développe pas, on se développe.

Enfin les apports du capitalisme ne sont pas tous pris par les sociétés africaines. Celles-ci assument et transforment la forme ou le fond des inputs venant d'autres systèmes mais la hiérarchie sociale, les unités d'innovation, la démocratie se moulent dans des réalités préexistantes. Dans les couloirs des bureaux de vote, on découvre parfois un homme placé là par le chef traditionnel pour aider les villageois, naguère des sujets, à voter correctement.

Sous son masque inoffensif, le vocable de modernisation recèle donc un double vice : au niveau de la connaissance et de l'action. Au premier plan, il empêche d'analyser en profondeur le rôle des citoyens africains. Au niveau de l'action, il impose cette idée que le salut se trouve dans l'imitation et dans les sacrifices nécessaires pour accéder au statut supérieur du modèle. Dans ces conditions, le développement consiste à élargir et à additionner les secteurs modernes. Ce terme contribue donc à entretenir, à maintenir la confusion entre deux réalités qui, même si elles se recouvrent partiellement, sont tout de même foncièrement dissemblables à savoir la croissance et le développement.

En somme nous pouvons constater que quatre terrains interconnectés constituent les sièges privilégiés de la dépendance de l'Afrique :

· la détention physique des ressources naturelles des pays et l'imprécision politique

·

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l'exploitation économique

· l'exacerbation des contradictions sociales

· l'aliénation culturelle

Mais après 75 ans d'exercice du développement, ne peut-on pas supposer que pour y parvenir au pire et le transcender au mieux, la solution ne pourra qu'être apportée par les ivoiriens eux-mêmes. Aujourd'hui il apparaît manifeste que les ivoiriens demeure plus spectateur qu'acteurs de leurs développements.

Si l'ivoirien n'est pas capable de se tenir debout...Laissez le tomber !

Pour conclure nous prendrons inspiration chez Venace Konan, journaliste ivoirien né en 1958. Il est depuis 2010 le directeur de publication du quotidien « Fraternité Matin ». Reconnu de ses pairs, il a plusieurs fois remporté le Prix Ebony10. Également écrivain et essayiste il a notamment écrit le best-seller « les prisonniers de la haine » en 2003 et fut récompensé par le prix de la presse panafricaine pour son essai qui se nomme Si le noir n'est pas capable de se tenir debout, laissez-le tomber (tout ce que je vous demande est de ne pas l'empêcher de se tenir debout) ».

Afin de parvenir à « transcender » le développement et à proposer un modèle de « vivre ensemble » sain et durable, il est primordial que pour devenir citoyen actif les ivoiriens se doivent de définir de manière autonome leur identité et leurs aspirations.

Le développement de l'engagement citoyen qui doit mener les ivoiriens à l'autodétermination de leur avenir passera inéluctablement par la réappropriation d'un ensemble d'éléments.

En premier lieu l'éducation civique et nationale afin que l'ensemble des ivoiriens ruraux comme urbains puissent bénéficier du minimum d'instruction et de valeurs citoyennes nécessaire à leur éveil citoyen. Nous pensons particulièrement à l'éducation dans les zones rurales, les plus impactées par les crises (économiques, migratoires, environnementales...). Ensuite, un processus de réappropriation historique doit être

10 Créé par le journaliste Ivoirien Essy Kouamé Noël et organisé chaque année par l'UNJCI (Union nationale des journalistes de Côte d'Ivoire)

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entrepris afin de connaitre et comprendre les divers systèmes de vivre ensemble et de gouvernance précoloniale. Ce retour aux racines peut permettre les prises de consciences sur la capacité collective à imaginer la société, sa gouvernance et son vivre ensemble. Ceci doit permettre, je l'espère, à la population de retrouver de la confiance en soi. Non pas de manière générale, mais bien lorsqu'elle doit s'affirmer pour conceptualiser et mettre en oeuvre des solutions pour améliorer son bien-être.

Tout ce que je vous demande est de ne pas l'empêcher de se tenir debout

Pour agir en ce sens deux dynamiques sont déjà présentes en Nouvelle-Aquitaine et en France mérite notre attention.

La première politique, est incarné par des organisations tel que Survie ou encore Tournons la page. Survie est une association loi 1901 créée en 1984 qui dénonce toutes les formes d'intervention néocoloniale française en Afrique et milite pour une refonte réelle de la politique étrangère de la France en Afrique. Survie propose également une analyse critique des modalités d'actions politique et militaire de la France dans le monde, encourageant chacun à exiger un contrôle réel sur les choix politiques faits en son nom. Elle rassemble les citoyens et citoyennes qui désirent s'informer, se mobiliser et agir.

La seconde citoyenne, est illustrée par l'émergence de l'éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale. L'Education à la Citoyenneté et à la Solidarité Internationale (ECSI) anciennement Education au Développement et à la Solidarité International (EAD-SI) vise à faire comprendre les interdépendances internationales dans le processus de mondialisation, la complexité des mécanismes qui sont sources d'inégalités sociales, économiques et culturelles, et à réfléchir à des solutions efficaces pour construire un monde solidaire.

L'ECSI se veut une éducation dynamique, ouverte à la participation active et créative, orientée vers le changement et l'action. Sa démarche pédagogique peut se résumer par la formule : s'informer - comprendre - agir, des éléments constitutifs de l'apprentissage de la citoyenneté.

Les acteurs intervenant dans le domaine de l'Éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale sont de plus en plus nombreux mais aussi de plus en plus divers :

·

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Les ONG et les associations. Elles sont engagées dans l'Education Au Développement de la solidarité internationale ou du développement durable.

· En France, une plateforme nationale regroupe les associations, campagnes et collectifs, pour lesquels l'ECSI est une des priorités d'actions : il s'agit d'EDUCASOL. Ce regroupement agit en faveur d'une concertation entre les acteurs de l'ECSI en France, organise des rencontres nationales et représente les acteurs auprès des pouvoirs publics français et dans les instances européennes.

· Les pouvoirs publics. Ils sensibilisent et informent les citoyens au sujet de leurs droits et devoirs. Ils soutiennent également des actions destinées à l'ECSI comme par exemple le Festival des Solidarités, la quinzaine du commerce équitable, la semaine du développement durable...

De la nécessité d'une interculturalité exigeante

Gustave Massiah évoque qu'à partir de la crise financière qui se transforme en crise alimentaire en Afrique de l'ouest en 2008, une nouvelle séquence de l'histoire du développement démarre. Il faut partir de cette situation et de ses contradictions pour identifier les questions et les défis principaux de l'Afrique du XXI ème siècle.

Dès 2011, les réponses des peuples à la crise du capitalisme se déclinent sous la forme d'insurrections populaires qui peuvent être qualifiées de révolutionnaires. Ce sont des dizaines de mouvements populaires sur l'ensemble qui mettent dans des dizaines de pays des millions de personnes sur les places. Rappelons les printemps arabes à partir de Tunis et du Caire ; les indignés en Europe du Sud, les « occupy » à Londres et New York, les étudiants chiliens, le parc Taksim à Istanbul, les carrés rouges au Québec, les parapluies à Hong Kong, les « gens ordinaires » à New Delhi et d'autres ... On retrouve partout les mêmes motivations : le refus de la pauvreté et des inégalités, le rejet des discriminations, les libertés et le refus des répressions, la revendication d'une démocratie à réinventer, l'urgence écologique. Et partout, un nouvel enjeu, le refus de la corruption, le rejet de la fusion des classes politiques et des classes financières qui annule l'autonomie du politique et entraîne la méfiance envers le politique des peuples. A partir de 2013, le paradigme néolibéral reprend le dessus et confirme les tendances qui ont émergé dès la fin des années 1970. Les politiques dominantes, d'austérité et

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d'ajustement structurel, sont réaffirmées. La déstabilisation, les guerres, les répressions violentes et l'instrumentalisation du terrorisme s'imposent dans toutes les régions. Des courants idéologiques réactionnaires et des populismes d'extrême-droite sont de plus en plus actifs en Europe.

Les racismes et les nationalismes alimentent les manifestations contre les étrangers et les migrants. Ils prennent des formes spécifiques comme le néo-conservatisme libertarien aux Etats-Unis, les extrêmes-droites et les diverses formes de national-socialisme en Europe, l'extrémisme djihadiste armé, les dictatures et les monarchies pétrolières, l'hindouisme extrême, etc. Dès 2013, commencent les contre révolutions avec la montée des idéologies racistes, sécuritaires, xénophobes. Le néolibéralisme durcit sa domination et renforce son caractère sécuritaire appuyé sur les répressions et les coups d'état. Les mouvements sociaux et citoyens se retrouvent en position défensive. Mais, dans le moyen terme, rien n'est joué.

Il nous faut revenir à cette situation pour prendre la pleine mesure des conséquences d'une période de contre-révolutions. Actuellement nous vivons une période de plusieurs contre révolutions conservatrices : la contre révolution néolibérale, celle des anciennes et nouvelles dictatures, celle du conservatisme évangéliste, celle du conservatisme islamiste, celle du conservatisme hindouiste. Elle rappelle que les périodes révolutionnaires sont généralement brèves et souvent suivies de contre révolutions violentes et beaucoup plus longues. Mais, les contre-révolutions n'annulent pas les révolutions et le nouveau qui a explosé continue de progresser et émerge, parfois longtemps après, sous de nouvelles formes. Le durcissement des contradictions et des tensions sociales explique le surgissement des formes extrêmes d'affrontement. Mais, il y a aussi une autre raison à la situation, ce sont les angoisses liées à l'apparition d'un nouveau monde. Trump aux Etats Unis, Bolsonaro au Brésil, Orban en Hongrie, Modi en Inde et Duterte aux Philippines, ..., en sont les visages grimaçants (Massiah,2019). Nous pouvons nous interroger sur les changements profonds qui construisent le nouveau monde et qui préfigurent les contradictions de l'avenir. Nous pouvons identifier cinq mutations en cours, des révolutions inachevées dont nous percevons déjà les premiers bouleversements :

·

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La révolution des droits des femmes remet en cause des rapports de domination millénaires ;

· La révolution des droits des peuples, deuxième phase de la décolonisation, après l'indépendance des Etats met en avant la libération des peuples et interroge les identités multiples et les formes de l'Etat-Nation ;

· La prise de conscience écologique, véritable révolution philosophique, qui repose l'idée d'un temps fini ;

· Le développement du numérique qui renouvelle le langage et l'écriture ainsi que des biotechnologies interrogent les limites du corps humain. Le bouleversement du peuplement de la planète est en cours ;

· Il ne s'agit pas d'une crise migratoire mais d'une révolution démographique mondiale.

Il y a plusieurs bouleversements en cours, des révolutions inachevées et incertaines. Rien ne permet cependant d'affirmer qu'elles ne seront pas écrasées, déviées ou récupérées. Mais rien ne permet non plus de l'affirmer. Elles bouleversent le monde ; elles sont aussi porteuses d'espoirs et marquent déjà l'avenir et le présent. Pour l'instant, elles

provoquent des refus et des grandes violences
A partir des contradictions révélées par la situation actuelle, nous pouvons identifier les défis et les questions. On peut proposer une liste des thèmes que devra prendre en compte

l'invention d'une nouvelle pensée du développement.
Plusieurs questions résultent des limites du système dominant ; l'épuisement du néolibéralisme et les hypothèses de renouvellement ou de dépassement du capitalisme. Plus directement aujourd'hui la question de la pauvreté et des inégalités mondiales, le lien entre la justice sociale et la justice fiscale.

Le nouveau paradigme écologique et le rapport entre l'espèce humaine et la Nature définit la rupture et pose aussi la question de la justice environnementale. Les grandes mutations identifiées autour de la révolution des droits des femmes, de la révolution des droits des peuples, du numérique et des biotechnologies, de la scolarisation des sociétés. Le nouveau schéma géopolitique, avec la tendance à la multipolarité, les guerres, le droit international et les multinationales, la nouvelle phase de la décolonisation après celle de l'indépendance des Etats, le rapport entre les Etats, les nations et les peuples et la redéfinition de la

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souveraineté. Aussi, la question de l'hégémonie culturelle, des idéologies racistes, xénophobes et sécuritaires, des droits fondamentaux et de l'universalité des droits. L'interrogation fondamentale sur le politique, la délégation et la représentation, sur la corruption, sur les formes de la démocratie. La définition et le rôle des acteurs du changement, la mutation des classes sociales et du rapport entre les classes, le genre et les origines. Le rôle des mouvements sociaux et citoyens et la stratégie internationale des mouvements de toute natures. Si la pensée du développement occupe une place aussi importante, c'est parce qu'elle se présente comme la référence pour comprendre et agir sur l'évolution des sociétés. Il faut tout de suite souligner le biais dans la place qu'a pris l'économie dans la compréhension des transformations sociales par rapport à la philosophie, aux sciences, aux technologies et aux sciences sociales (Massiah,2019).

Pendant les années soixante, la pensée du développement privilégiait des durées de vingt à quarante ans, celle de l'amortissement des investissements et le temps d'une génération. L'analyse de l'évolution des sociétés s'est beaucoup enrichie au cours des trente dernières années. L'analyse marxiste, celle des modes de production et des formations sociales, des rapports sociaux et des structures sociales, s'est dégagée des rigidités et des contre sens du soviétisme. L'étude des civilisations a progressé, à partir des progrès des recherches historiques et archéologiques, notamment celles des économies mondes et des système mondes. La rupture de la décolonisation a été prolongée par l'étude de l'accumulation à l'échelle mondiale. La rupture écologique amène à élargir l'échelle du temps à la géologie et à la Nature et l'échelle de l'espace à celle de la planète dans l'articulation entre le local, le national, les grandes régions et le mondial.

L'évolution des sociétés est représentée par des périodes de relative stabilité interrompues par des révolutions qui marquent le basculement vers une autre période. L'accent est mis sur la complexité des sociétés, définie non seulement par l'affrontement entre deux classes sociales, mais par l'articulation entre plusieurs modes de production faisant intervenir plusieurs classes sociales et des alliances de classes. L'attention a porté sur la transition qui caractérise des périodes longues et contradictoires d'une société à une autre.

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Cette démarche qui renouvelle la notion de transition, n'est pas la conception d'une démarche progressive et réformiste ; elle inclut la nécessité de ruptures et de révolution. Le rapport entre le temps long des transitions et les ruptures des révolutions doit être précisé. La transition n'annule pas du tout le rôle des révolutions, des moments d'affrontements et d'invention qui marquent l'évolution et les rapports de forces et dans lesquels s'imposent les idées nouvelles et se définissent les nouveaux rapports sociaux.

Les révolutions ne résument pas la transformation des sociétés. L'Histoire ne se réduit pas à une succession de « Grands Soirs » qu'il suffit de préparer ; tout deviendrait possible après et avant tout serait récupérable et même récupéré. Les historiens se sont beaucoup attachés à l'étude des transitions longues qui ont caractérisées certains grands empires et des transitions plus courtes et maîtrisées. Un exemple de ce type de transition caractérise le passage du féodalisme au capitalisme, maîtrisé par la bourgeoisie en moins de quelques siècles. Comme il est compréhensible, c'est cet exemple qui sert de référence quand on s'interroge sur les sorties du capitalisme. Car le capitalisme ne résume pas l'Histoire, il a eu un début, il aura une fin et elle n'est pas écrite.

La relecture de la transition du féodalisme au capitalisme permet quelques réflexions. L'Histoire n'est pas écrite à l'avance, et le dépassement du capitalisme ne va pas automatiquement déboucher vers une société idéale, plus juste, plus égalitaire. Il peut très bien déboucher vers un mode de production, une société, avec des rapports inégalitaires et de domination même s'ils ne sont plus capitalistes.

Mais il peut aussi, en fonction des luttes et des mobilisations permettre un pas vers l'émancipation. Comme on l'a vu, les rapports sociaux capitalistes existaient déjà, incomplets, dans les sociétés féodales. On peut donc faire l'hypothèse que dans les sociétés actuelles il existe déjà des rapports sociaux incomplets de dépassement du capitalisme. Ce qui donne un autre statut aux recherches d'alternatives qui peuvent préfigurer de nouveaux rapports sociaux. Comme on l'a aussi vu dans la transition du féodalisme au capitalisme, aucune des deux classes principales féodales, l'aristocratie et la paysannerie, ne l'a emporté ; ce sont deux nouvelles classes, la bourgeoisie et la classe ouvrière, nées dans le processus, qui se sont imposées comme classes principales. De nouvelles classes sont en gestation dans le dépassement du capitalisme. Pour illustrer

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cette hypothèse, par exemple, les managers pourraient disputer aux actionnaires la direction ; à l'inverse, les précaires pourraient formaliser une nouvelle classe antagonique, un nouveau prolétariat.

Pour caractériser la transition engagée, on peut mettre en avant l'énoncé par Gustave Massiah d'une transition sociale, écologique, démocratique et géopolitique. Une transition sociale pour une plus grande justice sociale et contre les inégalités nationales et mondiales. Une transition écologique pour une plus grande justice environnementale en « changeant le système et pas le climat ». Une transition démocratique par le refus de la confiscation des pouvoirs par des minorités et en inventant de nouvelles formes du politique. Une transition géopolitique en refusant toutes les formes de domination. La proposition de transition rappelle la nécessaire action dans le temps long ; elle n'élimine pas les indispensables accélérations que portent les révolutions.

L'enjeu est de s'engager dans une transition vers plus d'émancipation. Il s'agit pour cela d'articuler quatre formes d'engagement, à savoir :

· Les luttes et les mobilisations ;

· L'élaboration et la réflexion théorique ;

· La lutte contre l'hégémonie culturelle par la confrontation des idées et le débat public intellectuel, scientifique, artistique ;

· La mise en oeuvre d'alternatives concrètes à la logique dominante.

A partir de 2013, la situation internationale est, dans un très grand nombre de pays, marquée par la montée des idéologies racistes, sécuritaires et xénophobes. Elle se traduit par une double offensive : contre les migrants d'une part et par la criminalisation des mouvements sociaux et citoyens, particulièrement contre les mouvements de solidarité. La montée de ces idéologies n'annule pas les contradictions et les résistances qui sont très importantes dans toutes les sociétés. Mais, dans de nombreux pays des mouvements qui traduisent les volontés de souveraineté par des nationalismes conservateurs et des blocs d'extrême droite, voire fascisants, gagnent des majorités électorales.

Cette évolution peut être expliquée, en partie, par l'évolution de la mondialisation. Les travaux de Branko Milanovic sur les inégalités mondiales mettent en évidence l'évolution

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de la mondialisation et ses conséquences sur les inégalités exacerbées par les politiques d'austérité qui ont suivi la crise de 2008. Les travaux montrent le recul de l'extrême pauvreté, surtout en Asie, et l'explosion des inégalités avec le 1% des ultras riches et l'explosion de la corruption dans tous les pays. Mais, ces travaux mettent aussi en évidence le recul du pouvoir d'achat des classes populaires et moyennes des pays riches et émergents. Il s'agit d'un véritable appauvrissement, d'une paupérisation relative. Cette tendance permettrait d'expliquer, en large part, le désespoir des couches populaires et moyennes, comme par exemple le mouvement des gilets jaunes. Elle peut aussi expliquer l'écoute des discours nationalistes et extrémistes, les votes pour Trump, Bolsonaro, Modi, Orban, Duterte et autres réactionnaires.

Elle permet aussi de comprendre l'évolution autoritaire et violente du néolibéralisme : en perdant l'alliance avec les classes moyennes et certaines couches populaires qui avaient fonctionnées au temps du New Deal, le néolibéralisme, après la crise de 2008 tourne le dos à une option démocratique, même relative ; il s'engage dans une version austéritaire, mêlant l'austérité à l'autoritarisme et développe une violence d'Etat agressive.

Par rapport aux urgences et aux dangers des remontées totalitaires qui occupent l'espace philosophique et politique, l'alliance entre les humanistes et les alternatifs radicaux est essentielle. Elle nécessite un renouvellement et une réinvention de l'humanisme, au sens d'une philosophie qui vise à l'épanouissement de la personne humaine et au respect de sa dignité. Elle rappelle l'importance et la fécondité des débats qui ont illustré, parmi d'autres, l'humanisme chrétien et la théologie de la libération, la résistance au stalinisme dans la pensée marxiste, la critique de l'universalisme occidental, les propositions pour un humanisme évolutif et écologique.

La victoire des tendances totalitaires a été acquise au niveau des idées, des idéologies. L'extrême droite a commencé dès la fin des années 1970 son offensive contre l'égalité. En France, en lien avec des cercles aux Etats Unis, le Club de l'Horloge a mené, avec l'aide de scientifiques et d'intellectuels, une offensive pour affirmer que l'égalité n'est pas naturelle et que ce sont les inégalités qui le sont. Cette offensive a ciblé les libertés ne défendant que la liberté des entreprises et a combattu le droit international dans sa référence à la Déclaration universelle des droits humains (Massiah,2019).

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On retrouve ainsi les explications de Gramsci sur l'importance de l'hégémonie culturelle qui permet à un système de domination de s'imposer en étant accepté par les couches sociales dominées. Dans cette bataille culturelle, la définition d'un projet, porteur d'une alternative d'émancipation, est essentiel.

La solidarité internationale est interpellée par cette nouvelle situation. Il faut donc en rappeler les fondements et la manière de tenir compte des nouvelles conditions. Dans la mesure où la solidarité internationale concerne les rapports entre les sociétés, il faudra revenir sur la manière de comprendre le changement social et l'évolution d'une société ; il faudra aussi s'interroger sur les rapports entre des sociétés et sur les inégalités et les rapports de domination qui peuvent caractériser les rapports entre les sociétés ; il faudra enfin s'interroger sur l'évolution du système international. Les réflexions que nous avons proposé sur la pensée du développement, comme une manière de prendre en compte les changements des sociétés et de leurs rapports doivent permettre de prendre en compte la situation actuelle et son évolution par rapport aux ruptures qui ont été identifiées.

Considérons la solidarité internationale comme une valeur, une stratégie, des pratiques et un mouvement. Partons de la solidarité internationale en tant que valeur, examinons quelle stratégie permet de la développer, prenons en compte les pratiques qui la définissent, examinons enfin les acteurs qui portent cette solidarité et considérons qu'il existe des mouvements de solidarité internationale.

En tant que valeur, la solidarité internationale est la dimension internationale de la solidarité. Il faut donc partir de la solidarité comme valeur et de l'évolution de sa signification. La solidarité se distingue progressivement de la charité et de l'aide d'une part et de l'altruisme d'autre part. La solidarité traduit le lien entre des personnes qui se considèrent comme liées par leur appartenance commune à une communauté ou à un territoire. En cela, la solidarité internationale renforce et complète la solidarité en élargissant la communauté à l'Humanité et le territoire à la planète. La solidarité est souvent perçue dans les valeurs fondamentales comme le complément de la liberté et de l'égalité en étant plus générale que l'injonction de fraternité ou de sororité. L'actualité de ces valeurs est renforcée par les dérives dans l'explosion des inégalités, la remise en cause des libertés et le renforcement de l'égoïsme. Les sociétés sont confrontées à l'inverse de

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la solidarité avec la folle démesure dans la possession des richesses et dans l'ivresse de la puissance (ce qu'on a appelle l'hubris).

La solidarité, et la solidarité internationale, sont présentes dans des pratiques multiples. C'est ce qu'on a vu dans les relations de travail avec la solidarité dans les syndicats ouvriers et paysans. C'est ce qu'on a vu aussi avec le développement de l'ESS (Economie sociale et solidaire), et particulièrement avec les coopératives agricoles et ouvrières qui ont tenté d'organiser la solidarité à travers la coopération. C'est aussi le cas des mutuelles quand elles ont résisté à leur mutation dans le système bancaire. C'est le cas dans les territoires et dans l'Histoire des municipalités qui ont conservées pendant très longtemps des communs. Les pratiques de solidarité ont résisté à la marchandisation, la privatisation et l'étatisation. Elles sont à la base des propositions telles que les communs et la propriété sociale (Massiah,2019).

La solidarité internationale a mis en avant des pratiques spécifiques. D'abord pendant la décolonisation, la solidarité internationale a pris des formes actives dans le soutien, et même la participation sous des formes diverses, aux luttes de libération nationale des peuples colonisés, et aussi aux luttes contre les racismes, les ségrégations et les discriminations. Après les indépendances, la solidarité internationale a essayé de s'engager dans la coopération, mais l'évolution des Etats décolonisés a découragé ces tentatives. Les associations de solidarité internationale ont avancé une autre proposition, théorique et pratique, avec le partenariat (Massiah,2019).

L'hypothèse du partenariat, et son pari, c'est de parvenir à construire des relations d'égalité alors que les situations sont profondément inégales, du fait des inégalités et des dominations entre les sociétés auxquelles sont reliés les partenaires. C'est une option volontariste pour construire et inventer de la solidarité internationale en contradiction avec le marché, les puissances financières, les appareils d'Etat. Suivant les situations, ce partenariat peut être possible ou impossible, bénéficier des contradictions ou au contraire en être victime, permettre des marges de manoeuvre ou faciliter les récupérations.

La solidarité internationale est un mouvement qui s'inscrit dans l'ensemble des mouvements sociaux et citoyens. Faisons l'hypothèse que tous les mouvements de

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solidarité doivent prendre conscience de l'importance de la solidarité internationale comme prolongement et comme fondement de toutes les actions de solidarité. Plus généralement, la solidarité est constitutive de tous les mouvements sociaux et citoyens ; c'est dans chacun de ces mouvements que naît et que se construit le sentiment d'appartenance à des communautés de destin. Et c'est tout naturellement que se construisent les réseaux internationaux de familles de mouvements, confrontés à la mondialisation néolibérale d'une part, et d'autre part heureux de se retrouver en confiance, d'apprendre les uns des autres, de chercher des réponses, d'expérimenter des pratiques. C'est ce qu'on peut voir avec les mouvements paysans, les syndicats salariés, les mouvements pour les droits des femmes, les peuples indigènes, les mouvements d'habitants, ... Prenons l'exemple de La Via Campesina ; c'est au niveau international qu'elle a défini son programme et fait reconnaître l'importance des paysanneries. Chaque point de son programme est marqué par la solidarité et par la liaison entre le local, le national et le mondial : l'agriculture paysanne ; la biodiversité, les semences, et le refus des OGMs ; la souveraineté alimentaire et le refus de l'OMC ; la réforme agraire ; le respect des droits humains pour les communautés rurales et les militants ; les droits des femmes, des jeunes et des migrants.

L'altermondialisme est né de la convergence des mouvements sociaux et citoyens et des réseaux internationaux de mouvement. Ils ont rendu la solidarité internationale plus visible. Les forums sociaux mondiaux ont montré cette convergence ; ils sont encore présents en tant que processus. Une nouvelle phase du mouvement altermondialiste est à inventer. La mondialité, proposée par Edouard Glissant, permettrait de dépasser l'affrontement entre nationalisme et mondialisme. La multipolarité permettrait de dépasser les contradictions toujours vivantes entre le Nord et le Sud.

L'organisation de la continuité des échelles est à réinventer en prenant comme impératif la nécessité de la solidarité internationale. Le local implique la liaison entre les territoires et les institutions démocratiques de proximité, la redéfinition d'un municipalisme d'émancipation. Le niveau national implique la redéfinition du politique, de la représentation et de la délégation dans la démocratie, le renforcement de l'action publique et le contrôle démocratique du pouvoir d'Etat. Les grandes régions sont les espaces des politiques environnementales, géoculturelles et de la multipolarité. Le niveau

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mondial est celui de l'urgence écologique, des institutions internationales, du droit international qui doit s'imposer par rapport au droit des affaires, de la liberté de circulation et d'installation et des droits des migrants (Massiah,2019).

Le mouvement de solidarité internationale est formé par les mouvements sociaux et citoyens. Il met en avant le respect de la diversité des mouvements. La mise en avant de contradictions principales ne justifie pas la subordination de certains mouvements à d'autres. C'est ce que signifie l'intersectionnalité qui ne se limiterait pas aux rapports entre classes, genres et origines. L'évolution des mouvements est aussi à interroger. Dans les forums sociaux, le débat a été engagé sur l'« ONGéisation » des mouvements et la différenciation entre mouvements de mobilisations et mouvements d'influence par rapport à des pouvoirs étatiques ou d'entreprises. Cette tendance a été renforcée par les Fondations qui sont, avec leurs contradictions, les formes d'un capitalisme philanthropique. Le partenariat doit être interrogé en tant que concept et en tant que pratique. Des changements culturels considérables sont à l'oeuvre et vont marquer le mouvement de solidarité internationale. Particulièrement, les nouvelles formes générationnelles d'engagement et les changements dans le rapport individuel/collectif.

Repenser le développement, c'est redéfinir les stratégies de changement social. Le mouvement social de solidarité international rappelle que la transformation de chaque société ne peut pas être envisagée en dehors du changement du monde. Il s'appuie sur un droit international construit autour du respect des droits fondamentaux. Il propose, en lieu et place d'une définition du développement fondée sur la croissance productiviste, une concurrence illimitée et des formes de domination, une stratégie de la transition écologique, sociale, démocratique et géopolitique.

La démarche proposée est de partir de la stratégie des mouvements sociaux et citoyens. De proposer à tous les mouvements, et aux réseaux internationaux de mouvements, de définir leur stratégie par rapport aux changements et aux ruptures qui caractérisent la situation actuelle et de mettre en évidence la dimension internationale de ces stratégies. La nouvelle phase de l'altermondialisme pourra être définie et construite à partir des stratégies des mouvements sociaux et citoyens et de leurs réseaux internationaux (Massiah,2019).

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Il s'agit ici d'interpeller sur la nécessité de décoloniser la pratique actuelle du développement. Il ne faut cependant pas s'y méprendre. Je n'invective et ni ne mets à l'index qui que soit. Il s'agirait plutôt de se résoudre à accepter, que la solidarité internationale telle que nous la connaissons et la pratiquons actuellement s'inscrit, malgré nous, dans le paradigme néocolonial du développement.

La pratique de la solidarité internationale et de l'aide d'urgence se justifie dans la majorité des cas et il est important que nombre de nos concitoyens s'ouvrent au monde et partagent une considération universelle de rapports sains et raisonnés avec des populations dont ils sont éloignés et désirent si ce n'est collaborer, agir de concert avec elles. C'est justement parce que l'effort est conséquent, que les attentes relatives à l'efficacité de nos partenaires locaux doivent être équivalente.

C'est bien de cela qu'il s'agit, surtout dans un contexte où les jeunes leaders associatifs ivoiriens et ouest africain souhaitent tourner la page d'une Afrique en retard, d'une Afrique condamnée à la dépendance et docile. S'appuyant sur une volonté panafricaniste, elle prend en exemple des Sankara, Lumumba et d'autres pour façonner leurs luttes et engagements.

Bien que dans nos discours et nos intentions, la volonté de dépasser la pratique néocoloniale du développement domine, la réalité du terrain nous pousse bien souvent à s'adapter, à prendre en charge, en bref à « comprendre » nos partenaires.

En prenant la voie d'une « interculturalité exigeante », dont les conséquences seraient terribles dans un premier temps, nous ferons pression sur le levier fondamental du changement de mentalités et de pratiques en Afrique de l'ouest, à savoir le politique.

C'est en poursuivant cette voie, qui nous amène à demander plus d'excellence de nos partenaires locaux, et en se refusant à tout « afro-compatisme » qui ne fait qu'entretenir la dépendance africaine que nous pourrons « transcender » le développement.

Et la diaspora dans tout ça ?

Bien souvent toujours « affairé » (expression ivoirienne signifiant informé) de ce qui se passe au pays, elle contribue économiquement et oeuvre au développement de la Côte d'ivoire

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La priorité relative aux diasporas n'est-elle pas celle de la mise en oeuvre de dispositifs permettant la participation politique massive des diasporas via le scrutins depuis l'étranger ?

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand