Disparités régionales en matière de scolarisation en Guinéepar Mamadou Dian Dilé Diallo Université Yaounde II - DESS 2003 |
SYNTHÈSE ET CONCLUSIONL'objectif fondamental de cette recherche était de connaître les facteurs qui influencent la mise à l'école des enfants en Guinée surtout ceux qui expliqueraient les différences de niveaux de scolarisation observés entre les régions de la Guinée. Pour parvenir à ce but nous nous sommes fixés deux objectifs. Le premier était d'identifier la part de chacun des facteurs socio-économiques, socioculturels, sociodémographiques dans l'explication des disparités régionales de scolarisation. En deuxième lieu il s'agissait de voir si ces inégalités ne s'expliquent pas par la discrimination faite aux enfants de sexe féminin. Pour ce faire, nous nous sommes servie d'un cadre théorique et des analyses (descriptives et multi variées) quantitatives. Au niveau du cadre théorique, nous avons fait un tour d'horizon de la littérature sur la scolarisation. Ce qui nous a permis de formuler nos hypothèses et de construire nos schémas conceptuel et d'analyse. L'hypothèse principale était qu'en Guinée, la scolarisation varie en fonction des Régions. Cette différence est due aux facteurs socio-économiques, sociodémographiques et socioculturels. Pour tester la validité de nos hypothèses nous nous sommes servis des données de l'Enquête Démographique et de Santé (EDS) collectées en Guinée en juin 1999. Après l'évaluation de la qualité des Données, nous avons fait deux types d'analyses: une analyse descriptive et une analyse prédictive. L'analyse descriptive nous a permis d'une part de mesurer le niveau de la scolarisation des enfants selon les certaines caractéristiques démographiques, économiques et culturelles, d'autre part d'évaluer le degré d'association entre la mise à l'école (variable dépendante) et les certaines variables indépendantes retenues. Nous avons ainsi observé que certaines de ces variables (région, milieu de résidence, religion, ethnie, âge de l'enfant, sexe du chef de ménage) étaient liées avec la mise à l'école. Pour s'assurer que les liaisons observées sont stables, nous avons eu recours à une méthode statistique plus puissante, la régression logistique (méthode prédictive). Il est ressortit de nos analyses qu'il y a bien des inégalités régionales en matière de scolarisation en Guinée. Au niveau global, on trouve que: Les enfants des régions de Conakry (la Capitale), de la
Basse Guinée, de la Moyenne Guinée et de la Guinée
Forestière avaient les meilleures chances de scolarisation que leurs
camarades de la Haute Guinée. Les enfants résident à
Conakry ont 3 fois plus de chances de d'être mis à l'école
que les enfants de la Haute Guinée. Ceux vivant en Basse Guinée
avaient 2,5 fois plus de chances d'être scolarisés que leurs
camarades de la Haute Guinée. De même, les enfants de la Moyenne
Guinée et ceux de la Guinée Forestière avaient
respectivement 56% En plus de la région de résidence, d'autres variables sont restées significatives au cours de nos différentes analyses. C'est le cas des variables milieu de résidence, niveau d'instruction de la mère, activité de la mère, niveau de vie du ménage et religion de la mère.Les enfants du milieu urbain ont 3 fois plus de chances d'être scolarisés que ceux du milieu rural. Les enfants dont les mères sont sans niveau d'instruction sont nettement moins scolarisés que les enfants dont les mères sont instruites. Ces enfants avaient par rapport à leurs camarades dont les mères ont le niveau primaire 2 fois moins de chances de scolarisation et plus de 4 fois moins de chance que ceux dont les mères ont un niveau secondaire et plus. Du point de vue de l'activité économique de la mère, les enfants dont les mères exercent dans l'administration sont les seuls à se distinguer des autres enfants. Ils ont 57 % plus de chances de fréquenter une école que les enfants dont les mères travaillent dans l'agriculture. Comme dans d'autres phénomènes tel que la mortalité, le niveau de vie du ménage s'est avérée être un facteur de discrimination des enfants en matière de scolarisation mais à un degré moindre que le milieu de résidence et le niveau d'instruction de la mère. Les enfants des ménages riches ont 29 % plus de chances de subir l'événement scolarisation que les enfants des ménages pauvres. La différence entre les enfants des ménages pauvres et ceux des ménages moins pauvres n'était pas significative. Nous avons également trouvé que les enfants dont lesmères sont de confession musulmane avaient au seuil de 1 %, 65 % moins de chances d'être scolarisé que les enfants dont les mèressont non musulmanes (chrétiens et animistes). Les variables sociodémographiques (sexe de l'enfant, sexe du chef de ménage, âge du chef de ménage, taille du ménage, état matrimonial de la femme, statut de résidence du conjoint) n'ont pas d'effet significatif sur la mise à l'école des enfants. L'analyse par milieu de résidence a montré que les disparités régionales persistent quel que soit le milieu considéré. Pour le milieu urbain, on trouve que les enfants de la Basse Guinée ont 65 % plus de chances d'être scolarisé que leurs camarades de la Haute Guinée. Les enfants de Conakry, la Capitale ont 2,16 fois plus de chances d'être scolarisés que leurs camarades de la Haute Guinée. Les enfants vivant en milieu urbain en Moyenne Guinée ont quant à eux 2 fois plus de chances d'être scolarisés que les enfants de la Haute Guinée. Cependant, les enfants de la Guinée Forestière ont 33 % moins de chances d'être envoyés à l'école que les enfants de la Haute Guinée. Pour le milieu rural, on trouve les mêmes tendances sauf en Guinée Forestière. Les enfants vivant en milieu rural en Guinée Forestière ont 2,32 fois plus de chances d'être mis à l'école que ceux de la Haute Guinée. De même, les enfants de la Basse Guinée et ceux de la Moyenne Guinée ont respectivement 2,74 fois et 1,64 fois plus de chances d'être scolarisés que leurs camarades de la Haute Guinée.En plus des régions de résidence, d'autres variables se sont avérées discriminantes en ce qui concerne la mise à l'école des enfants. En milieu urbain, nous avons trouvé que les enfants des femmes sans conjoint ou celles ayant leurs conjoints hors du ménage présentent moins de chances de fréquenter une école que les enfants des femmes ayant leurs conjoints dans le ménage. De même, les enfants des femmes n'ayant aucun niveau d'instruction ont nettement moins de chances de fréquenter que les enfants des femmes ayant un niveau primaire ou secondaire et plus. En milieu rural, en plus du niveau d'instruction de la mère, les variables sexe de l'enfant, sexe du chef de ménage, activité de la mère, religion de la mère et niveau de vie du ménage sont apparues comme étant des variables discriminantes en matière de scolarisation en Guinée. Toutefois, le fait que des écarts subsistent entre les odds ratios (rapports de chances) des différentes régions indiquent que d'autres facteurs qui n'ont pas été pris en compte ici expliqueraient cette différence. Il s'agit par exemple des caractéristiques des conjoints, de l'activité économique dominant dans la région, du statut de la femme (prise de décision en matière de scolarisation), des facteurs environnementaux, etc. Nous entendons par facteurs environnementaux, l'environnement géographique et culturel de la région. Du point de vue historique, on remarquera que les régions de Conakry, Basse Guinée, Moyenne Guinée et Haute Guinée ont vu naître leurs premières écoles dès 1900, alors que la Guinée Forestière elle n'a été dotée que bien plus tard. Notons aussi que les régions de la Haute Guinée et de la Moyenne Guinée qui sont les région les moins scolarisées, font partie de la bande Soudano-Sahélienne de sous scolarisation et qui s'étend du Tchad au Sénégal en passant par le Niger, le Burkina Faso, le Mali et la Guinée. Ce groupe de pays est le moins scolarisés d'Afrique Subsaharienne tant pour les filles que pour les garçons. Les ethnies vivant dans ces pays sont en majorité musulmanes et font partie des sociétés qui se sont le plus illustrées dans la lutte contre la pénétration coloniale. L'on peut croire comme l'a écrit (PÈRE 1995), parlant des Lobi du Burkina Faso que le refus de l'école serait lié aux antécédents de la colonisation. Car la scolarisation était assimilée à l'époque coloniale à un acte d'avilissement aux colons. A l'opposé, la Guinée Forestière, région sud de la Guinée fait frontière avec la Cote d'Ivoire, le Libéria et la Sierra Leone. Trois pays qui ont des taux de scolarisation meilleurs8(*) que la Guinée. Les non musulmans (chrétiens, et animistes) y sont majoritaires. Le contexte environnemental est donc plus favorable à la scolarisation. En plus, la proportion des pauvres est plus faible dans cette région qu'en Moyenne et en Haute Guinée. En effet, d'après le Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP, 2001, p30-31), le pourcentage des personnes vivant avec moins de 300$ US par an était en 1995 de 7 % à Conakry, 42 % en Basse Guinée, 51 % en Moyenne Guinée, 62 % en Haute Guinée et 33 % en Guinée Forestière. En conclusion, nous pouvons affirmer que cette recherche a permis de dévoiler quelques aspects non connus de la scolarisation en Guinée. Bien entendu, les facteurs que nous avons identifiés comme étant responsables des disparités régionales ne sont pas exhaustifs et nos arguments loin d'être irréfutables. Car le fichier que nous avons exploité bien que très riche présente quelques limites. Le premier est le taux élevé des manquants au niveau de certaines variables que nous voulions intégrer dans nos régressions (les caractéristiques des conjoints par exemple). Le deuxième biais est lié à la collecte des informations. Nous savons que les questionnaires EDS sont des questionnaires lourds. Et, la section consacrée à la scolarisation était à la fin du document. Il n'est pas exclu que sous l'effet de la fatigue l'enquêtée donne des réponses non exactes à certaines questions ou que l'enquêtrice ne pose pas bien les questions. Les résultats que nous avons trouvénous incite à approfondir cette étude en utilisant d'autres données (recensement). * 8du moins avant les Guerres civiles qui ont ravagé ces deux derniers pays entre 1989 et 2003. |
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