Disparités régionales en matière de scolarisation en Guinéepar Mamadou Dian Dilé Diallo Université Yaounde II - DESS 2003 |
5.1.1. Effet brut de la région sur la mise à l'école des enfantsConformément aux résultats obtenus dans le chapitre précédent, on remarque que la région de résidence exerce un effet brut significatif sur la mise à l'école des enfants. Les enfants résidant dans les régions de la Basse Guinée, de la Moyenne Guinée, de la Guinée Forestière et de la Capitale Conakry ont respectivement 2,56 fois, 1,38 fois, 2,56 fois et 13,45 fois plus de chances d'être mis à l'école que les enfants de la Haute Guinée (modalité de référence). Mais avant de tenter toute explication, nous devons contrôler l'effet des autres variables. Tableau XV : Effet brut de la région sur la mise à l'école des enfants
5.1.2. Effets nets des variables indépendantes sur la mise à l'école des enfantsA partir du modèle du deuxième modèle (M1), nous intégrons de façon progressive les variables indépendantes (voir tableau XVI). Ainsi, l'introduction des variables liées à l'enfant dans l'équation de la régression entre la scolarisation et la région renforce légèrement les rapports de chances des régions, hormis Conakry. Les rapports de chances de cette région passent de 13,45 à 13,42. Dans le troisième modèle (M2), nous avons introduit le groupe de variables qui rendent compte des caractéristiques de la mère et des ménages. On constate que ces variables expliquent partiellement les disparités régionales en matière de scolarisation en Guinée. Les rapports de chances des différentes régions ont sensiblement baissés. Les rapports de chances qui ont le plus baissés sont ceux des régions de Conakry et de la Guinée Forestière. Les enfants résidant à Conakry n'ont plus que 10,33 fois plus de chances d'être scolarisé que leurs camarades de la Haute Guinée contre 13,42 fois dans le modèle précédent. Le sexe du chef de ménage et le niveau de vie du ménage sont des facteurs de différenciation en ce qui concerne la mise à l'école des enfants. Les enfants issus des ménages dirigés par des femmes ont 43 % plus de chances de fréquenter une école que les enfants des ménages dirigés par des hommes. Cette situation a été observée dans des nombreux autres pays africains. Et, selon Marc Pilon, les femmes chefs de ménages percevraient mieux que les hommes l'enjeu de l'instruction, car ayant été elles-mêmes victimes dans l'ensemble d'une sous-scolarisation. Mais pour WAKAM, quand on sait que les femmes chefs de ménages sont plus pauvres que les hommes chefs de ménages, il y a lieu de croire qu'elles bénéficieraient d'apports extérieurs qui leurs permettent de s'occuper des enfants sous leurs responsabilités. Les enfants des ménages de niveau de vie moyen et riche ont respectivement 20 % et 68 % plus de chances d'être mis à l'école que les enfants des ménages pauvres. Les variables état matrimonial de la mère, statut de résidence du conjoint et taille du ménage ne semblent pas différencier la mise à l'école des enfants des différentes régions. Dans le modèle 4 (M3) nous intégrons les caractéristiques socio-économiques dans l'équation de la régression. On note une forte variation des rapports de chances des différentes régions. Les enfants vivant à Conakry n'ont plus que 3,24 fois plus de chances d'être scolarisé que les enfants de la Haute Guinée. Les rapports de chances des enfants de la Basse Guinée et ceux de la Guinée Forestière ont également diminués. Cependant, les rapports de chances des enfants de la Moyenne Guinée ont augmentés, passant de 1,35 à 2,16. Les régions de la Basse Guinée et de Conakry sont les plus urbanisés de la Guinée et c'est dans ces régions qu'on retrouve un plus grand nombre de femmes instruites et travaillant dans le secteur non agricole. Dans ces régions, les ménages ont un meilleur niveau de vie et les rayons d'action scolaire5(*) sont plus petits. Et comme l'écrit (WAKAM, 1994) « les processus d'urbanisation et de scolarisation sont les plus susceptibles d'amener ceux qui y sont soumis à délaisser- consciemment ou inconsciemment et de gré ou de force-les comportements traditionnels et à devenir de puissants vecteurs de changement dans la société ». L'augmentation des rapports de chances des enfants de la Moyenne Guinée par rapport à ceux de la Haute Guinée signifie que si les enfants de ces deux régions étaient dans les mêmes conditions (même sexe, même âge, même milieu de résidence, des mères de même niveau d'instruction, etc.) les enfants de la Moyenne Guinée auraient 2,16 fois plus de chances d'être mis à l'école que leurs camarades de la Haute Guinée. Le milieu de résidence, le niveau d'instruction de la mère et l'activité de la mère restent des facteurs de différenciation des enfants en matière scolarisation en Guinée. En fin, dans le dernier modèle, nous avons intégré la religion de la mère. L'introduction de cette variable dans le modèle ne fait varier que légèrement les rapports de chances des différentes régions. Les rapports de chances qui ont le plus variés sont ceux des régions de la Guinée Forestière et de Conakry. Le fait que ces deux régions soient celles où on retrouve le plus de non musulmans pourrait expliquer la tendance à la baisse des rapports de chances de ces régions. En définitive, après contrôle de toutes les variables, l'effet de la région persiste. La région est donc une variable cruciale pour l'explication de la scolarisation en Guinée. Le fait que les écarts subsistent entre les rapports de chances des différentes régions laisse croire que l'impact de la région sur la scolarisation est médiatisé par d'autres facteurs que nous n'avons pas considérés ici. Toutefois, parmi les facteurs que nous avons pris en compte ceux qui semblent expliquer les différences de scolarisation entre les régions de la Guinée sont : le milieu de résidence, le niveau d'instruction de la mère, l'activité de la mère et le niveau de vie du ménage et la religion. Les variables âge de l'enfant et du chef de ménage, sexe de l'enfant et du chef de ménage, taille du ménage, état matrimonial de la mère, statut de résidence du conjoint sont des médiateurs de l'effet de la région de résidence. Tableau XVI : Effets nets des caractéristiques des enfants, des ménages, des caractéristiques socio-économiques de la mère et de la religion de la mère sur les disparités régionales
: Chances relatives de fréquentation scolaire avant (brutes) et après (nettes) Contrôle des effets des autres variables. Le pouvoir prédictif réel de notre modèle final est 51,6 %. * 5 Le rayon d'action scolaire est défini comme étant la moitié de la distance moyenne séparant deux écoles |
|