Disparités régionales en matière de scolarisation en Guinéepar Mamadou Dian Dilé Diallo Université Yaounde II - DESS 2003 |
2.1.6.2. Taille du ménage ou de la famille« Qui a moins d'enfants investit davantage dans leur santé et leur éducation » (FNUAP, 1999). La tradition dit : « épousez des femmes aimantes et prolifiques, car je serai fier de vous parmi les Nations (...). Néanmoins, le législateur2(*) a subordonné le mariage avec une femme prolifique, le mariage procréateur, à la condition de disposer des moyens matériels permettant d'assumer le coût du mariage ainsi que l'éducation et l'instruction des enfants... » Abd Allah Al Qalqili, grand mufti de Jordanie, The Population Council, 1974. L'étude de la relation entre la taille du ménage ou de la famille et la scolarisation des enfants demeure essentiellement dominée par les théories et modèles économiques de la fécondité. Dans ces théories et modèles (cf. BECKER & LEWIS, 1973), les ménages et les familles sont supposés réaliser des choix entre le nombre d'enfants (la « quantité ») et privilégier l'investissement moyen par enfant (la « qualité »). Dans ces modèles, l'enfant est donc considéré comme un bien économique dont l'utilité dépend de ses avantages et coûts perçus par les parents. Pour Becker, plus le nombre d'enfants est élevé, moins grandes seront les ressources disponibles en moyenne par enfant (ressources comprises au sens large : ressources matérielles telles que l'argent, mais aussi non matérielles, telles que le temps). Cette hypothèse (l'existence d'une relation négative) entre la taille de la famille et l'éducation moyenne reçue par enfant, a été vérifiée par les données statistiques des pays industrialisésnotamment celles de LINDERT (1977), BLAKE, (1981et 1989), HANUSHEK, (1992). Ainsi, partant de cette relation BECKER (1991) et KING (1987) ont postulé que la baisse de la fécondité s'accompagnerait d'une amélioration du bien-être des enfants. Dans leur processus, les pays en développement passeraient d'un stade caractérisé par des familles de grande taille avec des faibles niveaux d'investissement dans le capital humain des enfants vers un stade où les familles de petite taille avec des forts niveaux d'investissement dans le capital humain seraient la norme (BIRSDALL, 1988, cité par (KOBIANE J. F., 2002)). Cette relation a aussi été corroborée dans certains pays en développement notamment en Asie du sud-est. En revanche, les études réalisées sur l'Afrique subsaharienne, aboutissent à un tout autre résultat : la relation entre la taille de la famille ou du ménage et la scolarisation des enfants est plus inexistante, voire positive. C'est ce qui ressort des études de (WAKAM, 1999)sur les données du recensement du CAMEROUN (1987), de SHAPIRO (1999) sur la ville de Kinshasa, de (MONTGOMERY, KOUAME, & OLIVIER, 1995) dans une étude comparative sur la Cote d'Ivoire et le Ghana, de (LlOYD & BLANC, 1996) sur sept pays d'Afrique (Kenya, Tanzanie, Cameroun, Niger, Malawi, Namibie et Zambie), de (MARCOUX, 1994a)en Milieu urbain malien, de (CHERNICHOVSKY, 1985) en milieu rural au Botswana, de (GOMES, 1984) au Kenya. Cette différence entre l'Asie du Sud-est et l'Afrique subsaharienne quant à la relation entre la taille du ménage et le niveau de scolarisation des enfants est généralement expliquée par des différences dans les systèmes familiaux (KOBIANE J. F., 2002). L'existence des réseaux de solidarités familiales en Afrique subsaharienne, qui permettent bien souvent l'accueil de personnes extérieures au ménage (enfants comme adultes) ou l'envoi de certains membres du ménage vers d'autres unités résidentielles, aurait pour effet non seulement de réduire la pression du nombre d'enfants sur les ressources disponibles mais aussi de scolariser ces enfants. Pour (WAKAM, 1999) : « il y a lieu de penser que les ménages qui hébergent ces enfants ne sont pas les seuls à en supporter les frais de scolarisation, une partie de ceux-ci étant financés de l'extérieur par d'autres membres de la famille étendue ». (PARISH & WALLIS, 1993), (SHAPIRO & TAMBASHE, 1997)ont montré que les frères et soeurs aînés payent leurs crédits en prenant en charge l'éducation des plus jeunes. * 2 Législateur = le prophète, Mohamet |
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