2.1.4.3. Le niveau de vie du ménage
Des nombreuses études ont mis en exergue, l'existence
d'une relation entre le niveau de pauvreté des ménages et la
nécessité du travail des enfants (LANGE M. F., Cent cinquante ans
de scolarisation au Togo : bilan et perspective, 1991) (UNICEF, 2000).
En Afrique subsaharienne la culture scolaire ne participe pas
toujours à une large reproduction de la société. Dans bien
des cas, la scolarisation est plutôt apparue comme un acte de
conformité par rapport à une attitude générale
(GERARD, 2001). « Le fait de ne pas scolariser ses enfants
résulte souvent d'une impossibilité (notamment financière)
ou correspond à certains paramètres sociaux comme le statut de
l'enfant, ses rôles et ses fonctions au sein du groupe d'appartenance
véritable maillon dans l'organisation de la production, des rapports
matrimoniaux (comme la fillette), il n'est simplement pas libéré
par son groupe ». Car, « il est ainsi des rôles
rituels que lui seul peut remplir » (ERNY, 1987)Mais le petit
africain est aussi appelé très tôt à participer
à la marche de la société par son travail et les
responsabilités d'ordre économiques qu'on lui demande d'assumer.
« Avec l'âge qu'on appelle ailleurs traditionnellement de
`raison', et qui correspond en gros au moment de la deuxième dentition,
on assiste à un changement important dans l'attitude des adultes
vis-à-vis des enfants et dans l'attente qu'ils entretiennent à
leur égard. On les considère désormais comme soumis
à l'ensemble des obligations coutumières, on commence à
leur demander une participation réelle et souvent plus importante au
travail commun. Ils représentent aux yeux des adultes une main-d'oeuvre
nullement négligeable » (idem). Pour J. KENYATTA,
l'enfant doit rendre service, car « la prospérité
dépend des activités de tous les membres du groupe
familial ».
Ainsi, les caractéristiques économiques des
populations jouent un rôle particulièrement important dans la
détermination du volume de la demande scolaire, de nombreuses
contraintes économiques étant en effet liées à la
scolarisation. Les dépenses financières qu'implique l'envoi et le
maintien d'un enfant à l'école sont loin d'être
négligeables surtout pour des familles disposant d'un revenu aussi
faible que celui de la Guinée, s'y ajoute le coût
d'opportunité que représente la renonciation par les familles du
travail de l'enfant. La vie quotidienne est en effet ponctuée de
nombreuses corvées dévoreuses de temps et d'énergie pour
lesquelles les enfants sont mis à contribution dès leur plus
jeune âge : recherche d'eau au puits, collecte de bois de chauffe,
surveillance des enfants en bas âge, aide aux travaux champêtres,
aide à la surveillance des troupeaux ou du petit élevage, aide au
petit commerce et autres (RWEHERA, 1998). A ce titre, « les
conditions de vie et de travail dans lesquelles évolue la
société coutumière (africaine) lui interdisent de
sécréter des institutions du type scolaire classique qui
arracheraient l'enfant à la production et le transformerait ainsi en une
charge pour sa famille » (ERNY, 1987) D'où la
nécessité selon certains économistes dont GARY BECKER
d'employer la méthodologie de la microéconomie pour analyser les
décisions familiales comme le mariage, le divorce, le nombre d'enfants
désirés, la scolarisation,.... « L'idée
sous-jacente à cette démarche est qu'il y a des
éléments de choix dans le comportement démographique de
sorte que quelques-unes des considérations utilisées par les
économistes peuvent être pertinentes dans ce
domaine » (CADIER, 1990).
Il est aujourd'hui établit que :
« l'utilisation des enfants d'âge scolaire pour des
activités économiques n'apporte que des avantages à court
terme. En règle générale, un enfant ayant reçu une
éducation adéquate fera à la longue un travailleur
beaucoup plus utile et plus productif que s'il était
analphabète »(FAROOQ & AFOSU, 1992). Les études qui
ont cherché à établir une relation de causalité
entre la scolarisation et le travail des enfants sont parvenues à la
conclusion que l'influence négative du travail des enfants sur la
scolarisation varie suivant les modes de production.
(KOBIANE J. F., 1999)dans une étude sur le milieu rural
burkinabé a trouvé que la scolarisation croît lorsqu'on
passe des ménages pratiquant les cultures extensives aux ménages
engagés dans les cultures intensives d'exportations. Cela s'expliquerait
par le fait que les premiers demandent plus de main-d'oeuvre que les
seconds.
Au Botswana, (CHERNICHOVSKY, 1985) a montré que
l'importance des ressources dont dispose un ménage influence le
comportement de celui-ci en matière de scolarisation : les
ménages disposant d'un grand cheptel auraient la possibilité
d'embaucher des ouvriers et par conséquent, ne pas recourir à la
force de travail de leurs enfants. Ce qui est tout le contraire des
ménages ne disposant pas de suffisamment de terre et de cheptel.
La scolarisation des enfants constitue un coût
immédiat non négligeable. En effet, « la fille peut
être amenée à participer davantage aux travaux domestiques,
permettant ainsi à la mère de consacrer plus de temps aux
activités productives ou à appuyer celle-ci dans ses
activités génératrices de revenus »
(BAZZI-VEIL, 2000).
Dans le cas de la Côte d'Ivoire, (BAKAYOKO, 2002) trouve
que les enfants qui consacrent plus de deux heures par jours aux travaux
domestiques ont 41 % moins de chance de fréquenter une école que
ceux qui font moins de temps. Cette étude s'inscrit dans le sillage de
nombreuses autres études qui ont permis de conclure que « le
meilleur statut de l'enfant, en termes d'occupation, est la
scolarisation ».
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