2.1.3.2. La religion
La religion musulmane est souvent citée dans la
littérature comme étant l'un des freins à la scolarisation
des enfants. (CAPELLE, 1990)rapporte qu'au Soudan (actuel Mali) et en
Guinée, pendant la période coloniale, la propagande religieuse
dans les milieux islamisés avait conduit bien des familles à
penser que la fréquentation d'une école coranique rendait
superflu le recours à l'école française. L'école
des Blancs était considérée comme la voie la plus directe
pour aller en enfer ! « La majorité des chefs religieux
estimait que : ce qu'ils (les enfants) apprendront à l'école
les amènera à renier leur foi ; ils deviendront des
mécréants et des vauriens et seront mis au banc de la
société ! » (Chef traditionnel, cité par
(BÂ, 1991). Bien que cette position des érudits musulmans et des
chefs traditionnels ait évolué, des appréhensions
persistent toujours. Au FoutaDjallon, région Nord de la Guinée
les chefs religieux et les notables voient d'un très mauvais oeil un
enseignant qui ne s'acquitte pas de ses prières quotidiennes car il est
susceptible de donner le mauvais exemple.
Dans le département de Bani au Burkina Faso, fortement
islamisé, les ménages préfèrent envoyer leurs
enfants à l'école coranique, car pour eux
« l'école classique est sans valeur » ; et
« les enfants de la communauté qui sont allés à
l'école classique n'ont jamais été
récupérés par la religion musulmane. De tels
précédents font que nous ne sommes plus prêts à
assister au reniement de la communauté par nos enfants »
(extraits d'entretiens, (YARO, 1995).
Dans le département de Baya au Mali où
l'influence de l'islam, bien que relativement récente, est grandissante,
les familles se détournent de plus en plus de l'école formelle au
profit des medersas et des écoles coraniques (GERARD, 1997) cité
par (PILON & YARO, 2001). Ces auteurs affirment que si «
l'engouement pour l'école coranique et l'école franco-arabe
peut être considéré, dans certains cas, comme `une
stratégie de substitution ou d'évitement' de l'école
formelle, compte tenu des limites et contraintes qu'elle présente
(coût des études, conditions de scolarisation, etc.),
l'explication de cette `réorientation de la demande d'éducation'
se trouverait davantage dans l'islam, tel qu'il est pensé et
pratiqué et dans l'enseignement musulman lui-même »
(idem., p27).
(ALI & al, 1998) cités par (KOBIANE J. F., 2002)
expliquent aussi la sous scolarisation de certains arrondissements du Niger par
le facteur religieux. HYDE cité par (PILON & YARO, 2001)pour sa part
écrit que : « l'école occidentale est
considérée dans ces localités comme une menace aussi bien
pour les valeurs de l'islam que pour celles de l'ethnie Haoussa et à ces
titre affecte davantage les femmes ».
Mais les résultats des entretiens
réalisés par (ALI & al, 1998)cités par (KOBIANE J. F.,
2002) dans l'arrondissement de Bouza au Niger tendent à relativiser ce
conflit entre l'école formelle et l'islam. L'intérêt pour
l'école coranique répondrait davantage à une
nécessité d'intégrer l'enfant dans sa communauté,
car elle ne s'inscrit pas dans une logique d'opposition à l'école
traditionnelle formelle. Ce rôle négatif de l'islam dans la
scolarisation constatée en Afrique subsaharienne est d'autant plus
à relativiser que pour (ROBERTSON & BERGER, 1986)cités par
(KOBIANE J. F., 2002) l'islam ne devrait pas être tenu pour seul
responsable des faibles taux de scolarisation féminine en Afrique. Pour
preuve, ils citent le cas du Soudan où le Nord musulman présente
des taux de scolarisation significativement plus élevés que le
sud christianisé et traditionnel.
Même s'il est évident que c'est dans les
régions et les communautés islamisées d'Afrique
subsaharienne que les taux de scolarisations les plus bas sont
enregistrés, rien n'indique que ceux qui refusent de scolariser leurs
enfants puisent leurs arguments dans l'islam.
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