3- Prise de conscience des pauvres
La dénonciation de plus en plus virulente et
généralisée des conséquences sociales de
l'ajustement structurel des couches populaires fait progresser la
pauvreté dans de nombreux pays en développement. Les crises
financières des années 1997-1998 en Asie et en Amérique
latine notamment, l'aggravation du fardeau de la dette, et la crise de
légitimité des institutions de Bretton Woods qui en
résultent, amènent graduellement ces dernières à
recentrer leurs discours sur la question de la pauvreté.
L'éradication de la pauvreté devient le credo de l'ensemble des
organisations internationales dès la fin des années 1990, comme
en témoignent les sommets internationaux comme le sommet du
Millénaire à New York en 2000, le sommet sur le
développement durable à Johannesburg en 2002 ou la
conférence de Monterrey sur le financement du développement en
2002. La publication du Rapport sur le développement dans le Monde de
2000-2001 intitulée « Combattre la pauvreté » consacre
l'institutionnalisation par la Banque mondiale du mot empowerment dans ce
nouveau discours.
L'empowerment, traduit très approximativement par le
terme « insertion » dans la version française du rapport, il y
est, en effet, présenté avec les « opportunités
» et la « sécurité », comme l'un des trois piliers
de la lutte contre la pauvreté. Comme le note Wong, cette inclusion sans
précédent du terme empowerment a suscité de la surprise
mais aussi un certain enthousiasme parmi plusieurs professionnels de
développement. Longtemps accusée d'évacuer de son discours
sur la pauvreté toute notion de pouvoir ou de la cantonner au
20 Nations unies, 1995
21 Nations unies, 1995, § 13
22 Parpart, 2002.
23 2000, p. 26
25
manque de pouvoir économique des pauvres, la Banque
mondiale reconnaît explicitement avec la notion d'empowerment, la
dimension politique du pouvoir24 . D'après le rapport,
« L'empowerment signifie que les pauvres disposent de
moyens d'influer sur les institutions d'États qui jouent un rôle
dans leur existence en participant à la vie politique et aux processus
de décision locaux »25 . Les pauvres étant «
d'abord et avant tout des gens qui n'ont ni droit à la parole ni pouvoir
»26, la lutte contre la pauvreté est donc indissociable
de l'empowerment des pauvres.
En ligne avec le discours sur la « bonne gouvernance
» déjà en vogue au sein des institutions de Bretton Woods,
la promotion de l'empowerment nécessite de « rendre les
institutions d'État plus attentives aux pauvres par la
démocratisation, la décentralisation, le développement des
associations de pauvres, la collaboration entre les communautés et les
autorités locales, notamment ».
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