2- Les Mouvements féministes
C'est au mouvement féminisme des pays du Sud que l'on
doit l'apparition formelle du terme empowerment dans le champ du
développement international. La publication en 1987 du livre
Development, crises and alternatives visions : Third World women's
perspectives17 marque en effet un tournant dans la
généalogie du concept. Cet ouvrage, fruit de la réflexion
d'un réseau de chercheuses, de militantes et de responsables politiques
féministes du Sud, connu sous son sigle anglais DAWN (Development
Alternatives with Women for a New Era) qui voit le jour en 1984 à
Bangalore, en Inde, présente les grands principes d'une approche de la
question de la femme dans la problématique du développement qui
sera rapidement libellée « approche empowerment »18
.
La conférence internationale sur la population et le
développement du Caire en 1994 est une des premières
conférences onusiennes où le concept gagne une visibilité
internationale. Bien que la conférence ne porte pas
spécifiquement sur les femmes, le programme d'action qui y est
adopté, place les droits sexuels et génésiques et
l'empowerment des femmes au coeur des problématiques de populations. Les
réseaux d'activistes féministes, tels que la Coalition
internationale pour la santé des femmes (WHC) et DAWN,
très présents lors de la conférence mais aussi lors des
débats et réunions préparatoires, ont fortement
contribué à orienter l'agenda dans cette direction. Deux
chapitres du programme d'actions abordent spécifiquement les questions
de l'égalité entre hommes et femmes et du manque de pouvoir des
femmes à travers le monde. En matière de renforcement des
pouvoirs, un nombre important de sujets tels que la représentation
politique et la participation, l'éducation, l'emploi, la santé
reproductive et sexuelle, la violence et le viol, l'égalité face
à la justice, les droits de propriété, l'iniquité
des revenus, et la charge de travail y sont discutés. Selon Gita Sen,
« le chapitre 4 sur l'empowerment des femmes abandonne l'ancien langage
neutre de statut des femmes pour une reconnaissance plus proactive des
relations de pouvoir »19
17 Sen, Grown, 1987, p.32
18 Moser, 1989; p.78
19 Sen, 1995 in Halfon, 2007, p. 35
24
La quatrième conférence des Nations unies sur
les femmes qui se tient l'année suivante à Beijing marque une
autre étape décisive dans l'entrée du terme empowerment
dans le discours onusien sur les femmes et le développement. Ainsi,
d'après les documents officiels, la plateforme d'action adoptée
lors de la conférence constitue « un agenda pour l'empowerment des
femmes »20. Il y est clairement déclaré que :
« le renforcement du pouvoir des femmes et leur pleine participation
dans des conditions d'égalités dans toutes les sphères de
la société, incluant la participation aux processus de
décision et l'accès au pouvoir, sont fondamentaux pour
l'obtention de l'égalité, du développement et de la paix
»21. Suite à la conférence de Beijing, le
terme gagne rapidement les agences bilatérales d'aide au
développement comme l'Agence canadienne pour le
développement international (ACDI) qui, en 1999, fait de
l'empowerment des femmes un des huit principes de base de sa politique en
matière d'égalité des sexes22. À la fin
des années 1990, l'empowerment des femmes est devenu, comme le souligne
Bissiliat23, une des notions « politiquement correctes dont
tous les organismes internationaux, du moins sur le plan des
énoncés discursifs, ne peuvent se passer ». «
Promouvoir l'égalité des sexes et l'empowerment des femmes »
est d'ailleurs le troisième des huit objectifs du
Millénaire pour le développement (OMD) adoptés en
2000 au siège des Nations unies lors du sommet du Millénaire.
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