PARTIE I
LA GENÈSE DU POUVOIR AUX HABITANTS
1.La genèse du pouvoir aux habitants.
1.1La notion d'empowerment dans les politiques
publiques
Il me semble nécessaire pour commencer ce travail
épistémologique sur le terme de « l'empowerment » de
dresser un éventail, en l'état, des définitions et
courants de pensée existants autour de ce concept. Plusieurs chercheurs
et penseurs du XIX et XX siècle ont cherché à donner une
définition à la théorie de l'empowerment sous
différents mouvements de pensée. Ces extraits font partie d'une
courte prospection des interprétations faites en la matière
à travers les années et les territoires.
« Les origines du terme sont anciennes : le verbe to
empower apparait en Grande-Bretagne au milieu du XVII siècle pour
désigner un pouvoir ou une autorité formelle accordé par
une puissance plus élevée. Mais ce n'est qu'au milieu du XIXe
siècle qu'est formé le mot empowerment qui définit
à la fois un état et une action, celle de donner du
pouvoir2. Il faut attendre les années 1970 pour
qu'il soit utilisé de façon diffuse par la société
civile dans différents contextes. »
Marie-Hélène Bacqué et Carole Biewener,
l'empowerment une pratique émancipatrice ?
14
2 Lily HOFFMAN, The Politics of Knowledge. Activist
Movements in Medicine and Planning, State University of New York Press,
Albany,1989.
15
1.1.1 Origines d'un terme aux multiples définitions
Afin d'avoir une plus grande représentation de la
notion qu'est l'empowerment, j'ai décidé de synthétiser
les écrits de plusieurs spécialistes en la matière, qui
traitent du sujet, à travers différents domaines
d'étude.
Marc A Zimmerman est une psychologue qui
donne des cours en tant que professeur en autonomisation de la santé et
éducation sanitaire, au centre de recherche pour la croissance et du
développement humain du Michigan. Dans ses travaux, il donne une
définition de l'empowerment. D'après lui, «
l'empowerment est à la fois une orientation de la valeur pour le
travail dans la communauté et un modèle théorique pour
comprendre le processus et les conséquences des efforts pour exercer le
contrôle et l'influence sur les décisions qui affectent la vie, le
fonctionnement organisationnel et la qualité de la vie
communautaire3 . Il est nécessaire de faire une
distinction entre les valeurs qui sous-tendent une approche d'empowerment du
changement social et la théorie de l'empowerment. L'orientation de la
valeur de l'empowerment suggère des buts et des stratégies pour
mettre en oeuvre le changement. La théorie de l'empowerment fournit des
principes et un cadre pour l'organisation de nos connaissances. Le
développement de la théorie de l'empowerment contribue
également à avancer la construction au-delà d'un effet de
mode et d'une manipulation politique ».4
Zimmermann décompose l'empowerment comme une
orientation de valeur avant d'être une théorie. Il a pour but
d'améliorer le bien-être et non pas de résoudre les
problèmes.
Il identifie les facteurs de risques et ne fait pas seulement
que les lister. L'empowerment se matérialise davantage comme un langage
distinct pour comprendre les changements et influencer nos communautés.
Il suggère que le langage traditionnel utilisé à
l'égard des professionnels crée une relation entre expert et
client venant d'une même direction et réduit la probabilité
que les gens s'aident les uns les autres. Un langage plus axé sur
l'empowerment remplacera les relations « expert » et « client
» par « participation » et « collaborateur » dans une
vision multidirectionnelle.
L'empowerment théorique repose sur des processus et des
résultats5. Il affirme que la théorie suggère
que les actions, les activités et organismes peuvent être
habilitantes et que les résultats de ces processus se traduisent par un
niveau de cette habilitation. Ces deux facteurs varient pleinement en fonction
des individus et du contexte.
Il est important de distinguer l empowerment par les processus
et les résultats pour définir une théorie de
l'empowerment. Les processus d'habilitation sont ceux dans lesquels les
3 Perkins et Zimmerman, 1995 ;Rappaport, 1981 ;
Zimmerman et Watschausky, 1998
4 -Marc Zimmerman ; Empowerment theory, ;2000
5 Swift et Levine, 1987
16
tentatives pour obtenir les ressources nécessaires et
comprendre de manière critique son environnement social sont
fondamentales. Le processus est habilitant s'il aide les gens à
développer des compétences afin qu'ils puissent devenir
indépendants et décideurs. Les processus d'habilitation varient
selon plusieurs niveaux d'analyse. Par exemple, autorisant des processus
d'adhésion à une organisation participative communautaire,
adhérer à des directions de groupe (leadership) et à des
prises de décision communautaire. Un niveau d'adhésion possible
sur les médias, ressources communautaires et gouvernement.
Mary Follett, philosophe, a écrit,
dès les années 1890, sur la question de l'empowerment dans les
entreprises. La plupart de ses conférences ont eu lieu dans les
années 1920 mais son travail n'a été reconnu qu'à
la fin du XX siècle, elle fit parti des pionniers de l'empowerment
managérial. Ses travaux se confrontaient à une époque
où le taylorisme régnait comme modèle, ce qui a
entrainé une censure de ses travaux jusqu'au siècle
suivant.6
Elle soutient l'idée que les gens souhaitent,
s'autogouverner, ils veulent être en mesure de contribuer, de
réaliser et de grandir, idée qui est à l'opposé du
modèle de Frederick Winslow Taylor. Le taylorisme est une
méthodologie d'efficacité de production qui rompt chaque action,
travail ou tâche dans les segments les plus petits et les plus simples
qui peuvent être facilement analysés et enseignés.
Introduit au début du 20e siècle, le taylorisme vise à
obtenir une fragmentation maximale de l'emploi afin de minimiser les besoins en
compétences et les temps d'apprentissages. La conséquence de ce
modèle est que, lorsque les personnes étaient emmenées au
travail (pour une meilleure efficacité), les salariés n'y
allaient que physiquement, la part d'intérêt étant absente.
Mary Follett, souligne que ces mêmes salariés (majoritairement des
hommes) étaient très actifs dans leurs organisations sociales et
religieuses, très actifs dans leur famille, et qu'ils avaient beaucoup
à apporter mais que les organisations ne s'y prêtaient pas...
7
S'il était donné aux personnes l'occasion de
s'autogouverner du groupe et de participer à son développement,
cela ne se ferait pas aux dépens des autres, mais au contraire, avec la
contribution de tous. En utilisant toutes ses forces, ses réalisations
et ses caractéristiques, le groupe ou l'organisation se développe
dans un processus dialectique. Ce processus dialectique prendra naissance avec
la fusion de deux forces différentes, qui vont former une force
différente qui change alors la situation, puis une autre force entrera
et il y'aura de nouveau transformation.
« Parce que les gens veulent s'autogouverner le
rôle des entreprises est de développer les individus, non
seulement parce que la société sera mieux de cette façon,
mais parce que
6 Prof. Dafna Eylon, March 7, 2011, Mary
Parker Follett and empowerment
7 Mary Parker Follett ;Prophet of Management ;1995
17
l'organisation sera également meilleure, parce que
vous gagnerez de toutes les forces qui se seront rassemblées dans ce
processus dialectique ».
La philosophie de gestion de Follett repose sur la conviction
que le souhait de gouverner sa vie est un sentiment des plus importants qui
définit chaque être humain. Toutefois, elle soutient que le
désir d'autonomie gouvernementale n'est pas incompatible avec une action
collective. 8
Elle soutient que trop souvent l'individualité
a été étouffée par des pratiques organisationnelles
qui découragent la participation collective. Elle étaye
le fait que la tendance à penser en termes de dichotomies, tels que les
leaders et suiveurs, ou une préoccupation rigide, avec hiérarchie
plutôt que de fonction, a provoqué une défaillance.
Selon Marie-Hélène Bacqué
professeure d'étude urbaine à l'université de
Paris-Ouest Nanterre et Carole Biewener professeure
américaine d'économie et d'étude du genre «
l'empowerment s'articule autour de deux dimensions. Celle du pouvoir, qui
constitue la racine du mot, et celle du processus d'apprentissage pour y
accéder. Il peut désigner autant un état (être
empowered) qu'un processus, cet état et ce processus étant
à la fois individuels, collectifs et sociaux ou politiques même
si, selon les usages de la notion, l'accent est mis sur l'une de ces dimensions
ou au contraire sur leur articulation. »9
Il n'existe pas de terme français qui rend compte
de l'ensemble de ces dimensions, ce qui explique la quasi-impossibilité
de sa traduction et sans doute, pour partie, l'intérêt
qu'éveille cette notion pour le public.10.
Marie Hélène Bacqué l'explique par une
reconnaissance de chacun d'entreprendre une démarche
d'autoréalisation et d'émancipation des individus, de
reconnaissance des groupes ou des communautés et d'une transformation
sociale.
Marie-Hélène Bacqué et Carole Biewener
ont défini une typologie d'analyse de ce que représente
l'empowerment afin d'organiser les tendances que l'on peut retrouver
auprès de structures mêlant les processus d'empowerment. Dans ces
modèles pour traduire cette notion nous retrouvons un modèle
radical, un modèle libéral et un modèle
néolibéral.
Le modèle dit radical, se base sur la reconnaissance
des groupes pour mettre fin à leur stigmatisation,
l'autodétermination, la redistribution des ressources et les droits
politiques. L'objectif d'émancipation individuelle et collective
débouche sur un projet de transformation
8 L'intégration du hors-travail dans la
gestion des ressources humaines : entre paternalisme et empowerment Francoise
De Bry, Ariane Ollier-Malaterre,2016, HAL
9 Marie Hélène Bacqué et Carole
Biewener dans leur ouvrage ; l'empowerment une pratique émancipatrice ?
;2013,
10 Yann Le Bossé, « de l'habilitation
au « pouvoir d'agir » vers une appréhension plus circonscrite
de la notion d'empowerment » Nouvelles Pratiques sociales, vol 16,
n°2,2003, p30-51.
sociale qui, dans les approches les plus radicales, repose sur
une remise en cause du système capitaliste. « Elle se
matérialise par une chaine d'équivalences qui lie les notions de
justice, de redistribution, de changement social, de conscientisation et de
pouvoir, celui-ci étant exercé par ceux d'en bas.
»11
Le modèle dit libéral, au sens anglo-saxon (le
qualificatif libéral n'est pas utilisé dans le même sens en
France et aux États Unis. En France, la tradition libérale est
renvoyée au libéralisme économique, à un «
laisser-faire contrairement aux États Unis ou le libéralisme est
classé à gauche. Il renvoi aux libertés des individus dans
un contexte d'économie mixte dans lequel l'intervention publique est
nécessaire pour contrebalancer certains effets négatifs de
l'économie de marché capitaliste ». Cette fois-ci, dans
le contexte d'après seconde guerre, celui-ci se distingue par une forme
de libéralisme social, opposant le libéralisme économique
fondé sur le laisser faire et sur la loi des marchés. Il
s'articule autour de la défense des libertés individuelles avec
une attention à la cohésion sociale. « Dans ce
modèle, l'empowerment prend place dans une chaîne
d'équivalences aux cotés des notions d'égalité,
d'opportunité, de lutte contre la pauvreté, de bonne gouvernance,
d'autonomisation et de capacité de choix. »12
« Le modèle dit néolibéral est
défini dans une logique de gestion de la pauvreté et des
inégalités, pour permettre aux individus d'exercer leurs
capacités individuelles et de prendre des décisions «
rationnelles » dans un contexte d'économie de marché.
Devenir un entrepreneur de sa propre vie. Dans une chaine
d'équivalences, il ne lie pas automatiquement l'émancipation et
la justice sociale. Tout au plus est évoquée celle de
l'accès aux opportunités sans une remise en cause des
inégalités sociales ».13
18
11 L'empowerment une pratique émancipatrice ? ;
p.15
12 L'empowerment une pratique émancipatrice ? ;
p.16
13 L'empowerment une pratique émancipatrice ? p
.16
Deepa Narayan Parker est une auteure
américaine ayant écrit sur l'empowerment à destination des
femmes et des population pauvres. D'après ses écrits, elle
définit L'empowerment comme : « une valeur intrinsèque
et instrumentale. Elle semble être pertinente au niveau individuel et
collectif, et peut être économique, social ou politique. Le terme
peut être utilisé pour caractériser les relations au sein
des ménages ou entre les pauvres et d'autres acteurs au niveau mondial.
Il existe d'importantes différences entre les sexes dans les causes, les
formes et les conséquences de l'empowerment ou de l'incapacité.
Il y a donc évidemment de nombreuses définitions possibles de
celle-ci, y compris les définitions fondées sur les
droits.14
Dans un sens plus large, l'empowerment est l'expansion de
la liberté de choix et d'action. Il Signifie l'augmentation de
l'autorité et le contrôle des ressources et des décisions
qui affectent sa vie. Comme les gens font un véritable choix, ils
gagnent un contrôle accru sur leur vie. Les populations pauvres disposent
d'un choix extrêmement limité, à la fois par leur manque
d'actifs et l'impuissance à négocier de meilleures conditions
pour eux-mêmes avec une gamme d'institutions, formelles et informelles.
Puisque l'impuissance s'inscrit dans la nature, dans le contexte de la
réduction de la pauvreté, une définition institutionnelle
de l'empowerment est appropriée ».
Elle soutient l'idée que l'empowerment est «
l'expansion des atouts et des capacités des pauvres à participer,
négocier avec influence et de contrôle auprès des
institutions responsables qui les concernent »
19
14 Deepa Narayan Parker ; « EMPOWERMENT AND
POVERTY REDUCTION - A SOURCEBOOK » ; 2002
20
L'auteur explique que les femmes et les hommes pauvres ont
besoin d'un éventail d'atouts et de capacités pour
améliorer leur bien-être, ainsi que leur confiance en
eux-mêmes, afin qu'ils puissent négocier avec influence et
contrôle, et qu'ils disposent « d'actifs », « d'atouts
» et de « capacités » pour y parvenir. Ces indicateurs
sont aussi différents qu'est différent le phénomène
de pauvreté dans la société.
« Les Actifs » désignent les
actifs matériels, tant physiques que financiers. Ces actifs y compris
les terrains, le logement, le bétail, les économies et les bijoux
permettent aux gens de résister aux chocs et définissent leurs
horizons de choix. La limitation extrême des ressources physiques et
financières restreint grandement la capacité de
négociation et leurs horizons de choix. Cela aura tendance à les
rendre plus vulnérables dans leurs limites de choix personnels.
« Les capacités » à
la différence des actifs, elles sont inhérentes aux personnes et
leur permettent d'utiliser leurs singularités, d'améliorer leur
bien-être. Les capacités humaines comprennent une bonne
santé, l'éducation et la production, ou d'autres
compétences qui améliorent la vie. Les capacités sociales
incluent l'appartenance, le leadership, les relations de confiance, le sens de
l'identité et les valeurs qui donnent du sens à la vie et la
capacité d'organisation. La capacité politique comprend la
capacité de se représenter soi-même ou les autres,
d'accéder à l'information, de former des associations et de
participer à la vie politique d'une communauté ou d'un pays.
« Les atouts » et les
capacités peuvent être individuels ou collectifs. En prenant en
compte le manque de représentation des populations dites « pauvres
», même dans de nombreuses démocraties formelles, les pauvres
sont souvent non représentés et ne peuvent pas profiter des
occasions de s'investir dans leurs actifs ou d'exercer leurs droits
individuels.
21
Après avoir dressé un bref éventail des
différents courants de pensées autour de la théorie de
l'empowerment. Il me semblait important de synthétiser sous forme de
tableau les principales divergences entres les définitions 15:
Valérie Peugeot, présente sous forme d'un
tableau les différentes approches de l'empowerment en se focalisant sur
ces principaux promoteurs ; les objectifs poursuivis et leurs liens au
capitalisme.
En m'inspirant de son analyse par vecteur, j'ai pu
définir d'après celle-ci, une analyse non pas par approche de
l'empowerment mais par l'influence porté par différents corps de
recherche comme la psychologique ou bien la philosophie. En conservant certains
ce ces vecteurs de comparaison comme analyse.
Chacun des auteurs présentent une définition de
l'empowerment d'après leurs domaines d'étude :
Marc Zimmerman, par le champ de la
psychologique, là définit comme un langage distinct pour
comprendre les changements et influencer nos communautés. Un langage
plus accès sur l'empowerment remplacera les relations « expert
» et « client » par « participation » et «
collaborateur » entre les élus et les habitants. La relation qu'il
donne avec la puissance publique est une relation multidirectionnelle
directement en réaction avec l'État.
Mary Parker Follett dans une approche par la
philosophie, le conçoit comme donner aux salariés
l'occasion de s'autogouverner du groupe et de participer à son
développement, cela ne se ferait pas aux dépens des autres, mais
au contraire, avec la contribution de tous. Elle fait une approche vers la
relation employeurs, salariés. Contrairement à Marc Zimmerman, la
relation qu'elle donne avec la puissance publique est une logique ascendante,
d'auto-organisation faisant état à une impuissance de
l'État.
Marie Hélène Bacqué et Carole
Biewener par le champ de la sociologie et de l'économie,
l'expliquent comme la reconnaissance de la société
civile, d'entreprendre une démarche d'auto-réalisation et
d'émancipation des individus, de reconnaissance des groupes ou des
communautés et d'une transformation sociale. Là aussi la relation
avec la puissance publique est vue comme une logique ascendante mais
individuelle.
Deepa Narayan Parker on fait une approche du
développement international, fait un focus sur les populations
pauvres et les femmes pour le définir comme la collecte d'atouts et de
capacités pour améliorer leur bien-être. En augmentant leur
confiance en eux-mêmes, afin de négocier avec influence et
contrôle. La relation à la puissance publique reste ascendante
axée sur la capacité à collecter par les individus
marginalisés afin d'influencer les institutions.
15 Tableau de synthèse en Annexe
1.1.2 Quelle est la pertinence de l'empowerment en
aménagement et dans les instances participatives ?
1.1.2 Construction d'un modèle à travers les
mouvements sociaux
Selon l'analyse qu'Anne Emmanuèle Calvés
fait dans la revue Tiers Mondes, elle rédige une
généalogie constructive du mouvement de l'empowerment depuis ses
débuts. Elle nous explique que « les notions d'empowerment sont
multiples et peuvent être retracées dans les domaines aussi
variés que le féminisme, le freudisme, la théologie, le
mouvement black power ou le gandhisme16 ».
1- Les Mouvement des noirs
En 1976, Barbara Solomon, une travailleuse
sociale afro-américaine, titulaire d'un doctorat de travail social et
professeur à Southern California Université, publie l'ouvrage
Black Empowerment, qui s'adresse aux travailleurs sociaux en formation ou en
activité. L'auteur s'appuie sur ses expériences de praticienne
dans le champ de la santé mentale au sein d'organisations communautaires
noires à Los Angeles et de responsable de l'association des travailleurs
sociaux noirs. Le livre est issu d'un cours enseigné dans un centre
communautaire à Los Angeles. Il interroge les limites du travail social
dans la communauté noire, dénonce la bureaucratisation de la
profession, mais aussi l'internalisation par la population noire d'une image
stigmatisée qui est à la source du manque d'estime de soi et du
pouvoir d'agir des individus. Dès cette première tentative de
théorisation, la démarche d'empowerment est ainsi associée
à la reconnaissance de groupes « sans pouvoirs » et
stigmatisés ; elle pose les questions de
l'inégalité sociale, du racisme, du patriarcat et de la
marginalisation par la pauvreté ou par les handicaps physiques ou
mentaux. Les travaux de Lorraine Gutiérrez,
travailleuse sociale latino-américaine puis professeur de travail social
et de psychologie à l'université du Michigan, ont
contribué à faire reconnaître cette théorie et
à la développer davantage. Toutes deux appartiennent à des
minorités ethniques, l'une et l'autre travailleuses sociales et
théoriciennes des démarches d'empowerment ont fait évoluer
la notion vers la théorie et la théorie vers la pratique.
Étonnamment les écrits de Barbara Solomon dans son ouvrage «
Black Empowerment » ne représentent pas la base théorique
des mouvements noirs des années 60. La notion d'empowerment est parfois
associée au mouvement noir. Elle y est pourtant utilisée que de
façon minime, ce qui s'explique par la diversité des mouvements
noirs. Les mouvements se rapprochant de la reconnaissance de pouvoir aux
États Unis correspondent au mouvement civil right movement (mouvement
des droits civiques) et black power movement, tous deux traversés par
des débats importants sur le choix de logique d'intégration ou de
nationalisme, et par le clivage entre républicains et
démocrates.
22
16 Simon1994; Cornwall; Brock;2005
23
Dans le mouvement du Black Power, le terme empowerment
apparait dès la fin des années 1960, dans le vocabulaire de
certains dirigeants noirs. Prônant le black empowerment comme la prise
d'une place dans la société américaine, sous leurs
directions et par la constitution d'un leadership noir,
même si cela implique du séparatisme.
En fait, la notion d'empowerment ne fait pas école dans
le mouvement du Black Power. Il a été vu dans la presse entre
1960 et 1980, une utilisation diffuse du terme sans que celui-ci ne s'impose
véritablement.
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