PARTIE III
CRITIQUE D'UN MODELE DE GOUVERNANCE
TERRITORIALE
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3- Critique d'un modèle de gouvernance
territoriale
« Il n'y a pas de territoires sans avenir, seulement des
territoires sans projets ».
Philippe LANGEVIN
Dans cette dernière partie, il sera question de dresser
une critique sur les aspects qui opposent les conseils de développement
à une plus grande participation et concertation dans les phases de
décision. Nous nous proposerons une liste de constats et de leviers
d'actions, dans le but d'atteindre des structures participatives d'une nouvelle
génération, plus en phase avec les acteurs du territoire que sont
la société civile les habitants et les élus. Nous ferons
un premier constat sur les pistes d'amélioration des conseils de
développement d'après une vision à « l'empowerment
» avant de dresser une critique et énoncer des leviers provenant
d'un fonctionnement plus tourné sur les principes de démocratie
participative.
3.1- Vers un modèle plus participatif : les conseils de
développement avec un fonctionnement à « l'empowerment
».
Nous allons nous baser sur un des derniers travaux
réalisés par la sociologue Marie-Hélène
Bacqué accompagné de Mohamed Mechmache dans le projet
confié par la ministre délégué à la ville,
François Lamy. Pour faire une critique de l'application de l'empowerment
défini dans la partie 1 par Marie Hélène Bacqué et
Carole Biewener au sein de la politique de la ville. Nous verrons comment
l'empowerment veut s'organiser au sein de la nouvelle politique de la ville,
mais aussi les contraintes qui vont en découler.
55
3.1.1 L'empowerment dans les politiques de la ville
Le rapport Bacqué-Mechmache est un rapport
consacré à la participation des habitants dans les quartiers de
la politique de la ville. Marie-Hélène Bacqué et Mohamed,
responsable du collectif AC Le Feu veulent définir une politique autour
de l'empowerment « à la française » dans leurs rapports
à la ministre délégué à la Ville en Juillet
2013. Ce rapport est constitué de 30 propositions proposant une
réforme radicale, qui mettrait les habitants au centre d'une politique
de la ville co-élaborée. La stratégie proposée
s'appuie sur cinq principes expliqués par le Centre de ressource
politique de la ville et le centre de veille des ressources politique de la
ville, dans une synthèse faite sur le rapport de la nouvelle politique
de la ville en 2013.55
« Une politique d'empowerment à la
française suppose que la participation ne soit pas conçue comme
un moyen d'accompagner la disparition des moyens, de remplacer le droit commun
ou les services publics. Au contraire, elle s'accompagne d'une intensification
des politiques publiques, mais de politiques publiques
co-élaborées qui s'appuient sur les initiatives citoyennes. [...]
L'enjeu est d'encourager l'autonomie de la société civile
grâce à des garanties procédurales, des moyens, en
favorisant l'existence d'un réseau associatif et de collectifs
mobilisés dans une perspective de changement social et
d'émancipation »56.
Premiers enjeux : Appuyer le développement du
pouvoir d'agir ou une démarche d « empowerment »
Cette première orientation vise à encourager
l'autonomie de la société civile sous ses différentes
formes, à libérer l'initiative, à favoriser l'existence de
contre-pouvoirs c'est-à-dire d'espaces critiques et créatifs,
à favoriser une démocratie d'implication et à donner le
droit à l'interpellation.
On soutiendra la création d'un droit «
d'interpellation », sous l'initiative citoyenne participant au
débat public, sur des questions locales ou nationales, en
complément d'une démocratie de représentation, ainsi que
les enjeux de la place et de la reconnaissance du tissu associatif dans sa
diversité et les conditions de l'existence d'une démocratie
participative.
Cet enjeu s'applique de la même manière
au sein des conseils de développement et des conseils citoyens ou encore
trop d'individus ne se sentent pas reconnus.
55 Synthèse du rapport Bacqué Mechmache
(IREV et club de veille des Centres de ressources, sept. 2013)
56 Citation du rapport Bacqué -Mechmache,
p20
56
Deuxièmes enjeux : Mettre les citoyens au coeur
des services publics57
« Alors que l'insécurité sociale ne
cesse d'augmenter, les services publics constituent un enjeu fondamental dans
les quartiers populaires, à la fois comme espaces communs et comme
filets de protection. ».
La participation des citoyens ne saurait en aucun cas servir
à combler ce déficit ; elle peut par contre servir de levier vers
une transformation des logiques et des méthodes d'intervention des
services publics, afin de les transformer en outils d'émancipation. Il
ne s'agit donc pas de remettre en cause l'existence des services publics mais
de les interpeller dans leurs missions, dans leurs relations avec le public et
dans leurs recrutements.
Pour que les services publics puissent jouer leur rôle
et mieux prendre en compte les demandes locales, la prise en compte des points
de vue de leurs utilisateurs est indispensable au même titre que celle du
point de vue des agents, de même que leur contribution à
l'évaluation et au fonctionnement des services publics.
Il convient aussi de réaffirmer le rôle des
structures intermédiaires (centres sociaux, régies de quartier,
crèches parentales) qui participent à la production et à
la gestion des services publics. Elles peuvent constituer des points d'appui,
d'encouragement, de formation à l'organisation citoyenne sous
réserve d'éviter leur instrumentalisation et leur
institutionnalisation et de s'assurer pour cela des conditions
démocratiques de leur fonctionnement.
Troisièmes enjeux : Démocratiser la
politique de la ville
Au fil des réformes et de la superposition des
dispositifs, la politique de la ville est devenue une administration complexe ;
la multiplicité d'instances et de dispositifs (santé,
école, rénovation, justice...) la rend peu lisible pour les
citoyens et même parfois pour les professionnels. Ça marque une
limite d'une démocratie représentative dans la mission de
politique de la ville
Surtout, les habitants ne sont pas représentés
dans les lieux de décision. En particulier, la rénovation urbaine
s'est bien souvent faite sans eux, au prétexte de la complexité
des dossiers de financement à négocier avec l'ANRU. Hormis
quelques exceptions, les habitants ont rarement pu donner leurs avis sur le
bienfondé des projets de rénovation et sur leurs orientations.
C'est donc plutôt une démarche que nous
préconisons ici, qui donne une place aux habitants à toutes les
étapes et à toutes les échelles de la décision et
qui s'engage vers la voie de la co-construction des projets
57 Enjeux du rapport Bacqué Mechmarche au
Ministre délégué chargé de la ville, Juillet 2013 ;
p.27-30
57
Il convient donc de :
- Profiter de la négociation des contrats pour engager
en amont une démarche de co- construction des projets de
territoire,
- Assurer la représentation des habitants vivant
à proximité, dans les instances de discussion et de
décision, pendant la durée des contrats, et mettre en place des
dispositifs de codécision,
- Donner les conditions concrètes de la participation
citoyenne, à la fois en moyens financiers et en favorisant la
constitution de collectifs habitants, au niveau local comme national. De
façon générale, permettre une participation large, en
particulier des groupes sociaux les plus défavorisés et des
femmes, dont une des conditions de base est de mettre en place des
modalités de défraiement et de rémunération des
bénévoles.
L'aspect que soutient la participation dans la
politique de la ville n'est pas très loin que celle que porte les
conseils de développement par une complexité de
compréhension de la participation par les habitants.
Quatrièmes enjeux : Changer l'image des
quartiers58
Les médias participent, pour une grande part, à
façonner ces représentations et à alimenter les peurs
sociales et raciales qui sont à la source d'incompréhensions, de
tensions et fermetures. Les quartiers populaires y sont à la fois mis en
avant et en retrait.
- Mis en avant quand il s'agit de décrire des faits
divers et de mettre en scène la violence ou l'insécurité
;
- Mis en retrait quand il s'agit de traiter de la vie
quotidienne ou de la réussite individuelle et collective.
Face à l'oubli des mémoires des quartiers
populaires. Nous proposons de :
- Favoriser et aider au développement et à la
diffusion de médias locaux et d'expressions culturelles issus des
quartiers populaires,
- Reconnaître ces médias comme de vrais
médias,
- Faire évoluer la culture des médias nationaux et
y favoriser l'accès de « paroles des
quartiers populaires »
- Travailler sur les expressions culturelles et sur les
mémoires sociales des quartiers populaires.
La reconnaissance d'évènements
passés sur les quartiers populaires, ou bien sur l'histoire d'un
territoire, reprend le besoin de rappeler, aux acteurs, l'origine des actions
et l'intérêt que celles-ci portent au sein des individus se
mobilisant.
58 Enjeux du rapport Bacqué Mechmarche au
Ministre délégué chargé de la ville, Juillet 2013 ;
p.27-30
58
Cinquièmes enjeux : Renverser la démarche
par la formation et la co-formation
Les freins à la participation des citoyens, de
façon générale et dans les quartiers populaires, ne sont
pas seulement institutionnels ; ils sont aussi liés à des
cultures politiques et professionnelles, à des fonctionnements
hiérarchiques au sein des institutions qui favorisent les
démarches d'encadrement plus que d'accompagnement, et reconnaissent peu
les savoirs citoyens. Ils sont aussi liés, dans le cas de la politique
de la ville, aux représentations négatives des quartiers
populaires et à une méconnaissance sociale de leurs habitants.
La formation des professionnels et des élus,
l'ouverture d'espaces de dialogue et de co-formation aux échelles
locales, régionales et nationales, constituent autant de leviers
indispensables pour transformer en profondeur les pratiques.
Ce dernier enjeu rappel le fossé qu'il existe
entre les membres bénévoles des conseils de développement,
et les membres institutionnels et professionnels, suivant une démarche
de travail et brouillant le langage de travail.
3.1.2 La limite de l'empowerment dans les instances de
participation.
Les orientations formulées par Bacqué et
Mechmarche dans le rapport rendu à la ministre font plus
référence, non pas aux processus propres aux quartiers, mais
à des causes reposant essentiellement sur des faits externes aux
quartiers
La grande majorité des propositions relève sur
d'autres actions publiques et d'autres autorités publiques que le
ministre délégué à la Ville. La liste des questions
soulevées par le rapport, dont la solution se trouve en dehors de la
politique de la ville, est extensive : droit de vote des étrangers aux
élections locales, modes d'interventions de la police compris comme un
« service public », relations entre école et parents,
composition des conseils d'administration des organismes d'HLM, ....
Le fait d'avoir pu formuler cet état des lieux de la
participation dans les quartiers, nuira davantage à sa totale
application. La politique de la ville a certes une vocation
interministérielle, mais sa capacité à réformer les
autres politiques publiques est étroitement dépendante de la
coïncidence entre les objectifs transversaux qu'elle porte et les
objectifs sectoriels des autres organisations publiques.
Si le rapport Bacqué- Mechmache devait avoir des
retombées réellement significatives, ce serait parce que les
habitants des quartiers populaires auront su s'en saisir grâce à
leurs capacités propres d'organisation autonome.
59
3.2- Identification des limites des conseils de
développement face à la participation attendue
« Les procédures légales aboutissent
à des impasses et à des échecs en termes de participation
des habitants. La vie quotidienne des habitants dépend de plus en plus
des échelons, qui ne sont plus ceux de la commune traditionnelle. Il y a
le territoire où l'on vit, celui où l'on vote, celui où
l'on décide et ces échelons coïncident de plus en plus
rarement. Il faut inventer de nouvelles manières de créer du
dialogue utile pour les projets. L'usage des technologies modernes
d'information change la donne. Les modèles classiques de participation
ne sont pas intégrés par les jeunes générations.
Les appartenances territoriales sont multiples. Les conseils de
développement participent au passage d'une démocratie
participative à celui d'une animation territoriale
59».
Citation de Gabriel Vitré, animateur du conseil
de développement de Nantes Métropole
3.2.1 Limites des conseils de développement vers une
meilleure participation
Les habitants, grands absents de la société
civile
Les conseils de développement reproduisent les
schémas de représentation classique de la société
française : peu de femmes, peu de chômeurs, peu d'immigrés,
peu de jeunes et beaucoup de retraités, qui ne traduisent pas la
réalité démographique et sociale de leurs territoires.
Une méthode de fonctionnement difficile
Les difficultés rencontrées par les CD, pour
maintenir et enrichir le dialogue et la confiance entre ses membres, sont de
plusieurs natures. Les membres actifs, qui exercent des responsabilités,
dégagent difficilement le temps nécessaire à l'exercice de
leurs missions. Les représentants du secteur associatif sont souvent
experts dans leurs activités et fortement impliqué dans la vie
civique. Les représentants de l'État, de la région, du
département et les consulaire rencontrent les mêmes
problèmes, car ils sont sollicités par plusieurs territoires. Les
habitants peuvent vite être dépassés sur des questions
qu'ils ne maitrisent pas.
De ce fait, l'absentéisme est de règle. De plus,
certains acteurs peuvent vite se démobiliser s'ils estiment être
peu entendus, s'ils sont déçus des réponses
apportées par les élus à leurs questions ou, tout
simplement, s'ils se sentent marginalisés par les membres intentionnels
ou les leaders associatifs. Il faut aussi revenir sur le caractère
entièrement bénévole du statut de membre de conseil de
développement, qui peut constituer un handicap lorsque la charge de
travail est importante.
59 Citation de Gabriel Vitré, animateur du
conseil de développement de Nantes Métropole, Conseils de
développement de Pays et d'agglomération, Modes d'emploi,
ADELS
60
Les faibles relations avec les autres acteurs du
développement, local ou régional
Il est important de considérer le territoire, Pays ou
agglomération, comme un espace de cohérence à
géométrie variable entre les diverses initiatives dont il est
l'objet, à tous les niveaux : local, régional, national ou
international. Il ne faut pas tomber dans la caricature d'un espace
fermé, organisé sur un système productif principalement
local, disposant de toutes les ressources nécessaires pour son
développement et opposant son propre projet à ceux des autres.
Certes, les articulations ne vont pas de soi, mais les Pays et les
agglomérations doivent tenir compte de tous leurs environnements et ne
pas se positionner en concurrence par rapport aux territoires voisins mais en
complémentarité.
Dans l'accueil de nombreux habitants, dans le choix des zones
d'activités, dans l'offre d'équipements collectifs il serait
incompréhensible que chaque Pays ou agglomération
prétendent au niveau d'équipements : le projet du territoire
n'est pas la somme des demandes des communes ou des EPCI qui le constituent.
Les relations avec les conseils de développement
voisins sont évidemment primordiales. Elles restent pourtant largement
à construire. Peu de conseils, en effet, ont le réflexe de
s'intéresser à ce que font leurs voisins.
- Le statut et la composition des Conseils
Le statut informel des conseils. Un certain nombre d'entre eux
ne sont pas constitués en association, ne bénéficient pas
du droit d'auto saisine et dépendent totalement des élus
auprès desquels ils rendent des comptes. Ils ne sont pas
indépendants et risquent de perdre, de ce fait, tout « esprit
critique » sur les politiques locales de développement.
La composition des conseils est variable. Si les associations
de développement sont fortement représentées, les
entreprises le sont beaucoup moins, et les habitants rarement. Les élus
en sont souvent membres (parfois ils en assurent la présidence), ce qui
leur enlève une partie de leur autonomie. D'une façon
générale, les femmes, les jeunes, le secteur sanitaire et social
ou les associations culturelles sont faiblement impliqués. Les
entreprises se mobilisent difficilement. Les membres des conseils
éprouvent des difficultés pour instaurer des relations avec les
structures qu'ils représentent.
- Les moyens
Les moyens mis à disposition sont
généralement insuffisants pour leur permettre de fonctionner
efficacement. Ils se limitent le plus souvent à la mise à
disposition par la structure politique d'un technicien, davantage occupé
à des tâches administratives que d'animation. Les membres des
Conseils sont bénévoles. Ils n'ont pas les moyens de voyager, de
commander des études ou de mobiliser des experts.
- Des missions très inégales
Elles sont précisées dans le cadre de
règlements intérieurs, le plus souvent de façon
très générale. Tous les conseils ne
bénéficient pas de la capacité d'autosaisir sur les
questions estimées importantes. Mais beaucoup ont vu leurs missions
évoluer vers l'animation du territoire. Quelques-uns, après avoir
donné un avis sur le projet de territoire, n'ont plus eu de missions
clairement définies. Très peu ont été
sollicités pour participer à l'élaboration des
61
contrats de territoire. La majorité d'entre eux n'ont
pas de mission de communication et d'animation. Peu saisis par les élus,
ils s'estiment insuffisamment associés à la définition et
au suivi des actions.
Vers une évolution de l'organisation des conseils
développement
Les conseils de développement s'installent dans
la démocratie. Même s'ils n'ont pas été
créés à cette fin, beaucoup ont su conquérir la
confiance de leurs élus, sont entendus et suivis par le pouvoir
politique. Ils prennent progressivement leur place dans les structures de
concertations mises en place à différents niveaux par certaines
communes et conseils généraux.
Le statut des conseils se précise
progressivement. Après quelques temps de fonctionnement sous
forme informelle, certains conseils se structurent en association et deviennent
davantage autonomes. Leurs règlements intérieurs sont plus
précis, leur fonctionnement davantage démocratique. Ils
fonctionnent par délégation à leur bureau et à leur
conseil d'administration.
La composition des conseils évolue vers
davantage de représentativité. Ce sont rarement les
premiers membres qui sont toujours en place. Non seulement ces membres se
renouvellent, mais les nouveaux sont plus représentatifs que les
anciens. De nouvelles dimensions de la société civile font leur
entrée dans les conseils de développement qui s'efforcent de
s'ouvrir aux jeunes et aux représentants d'activités
spécifiques du territoire. Les élus interviennent moins
fréquemment dans leur désignation.
Les missions des conseils de développement
évoluent plutôt favorablement. Certains d'entre eux
bénéficient maintenant de la capacité d'auto-saisine et se
penchent sur les grandes questions du développement de leur territoire.
Aprés la période de doute qui a suivi la réalisation des
projets de territoire, les conseils se sont mobilisés dans l'animation
des territoires. Ils s'engagent vers d'autres missions que le projet de
territoire. Ils se mobilisent sur les SCOT, les programmes LEADER, l'insertion.
Ils explorent de nouveaux sujets : services à la personne,
problématiques du temps, impacts du vieillissement sur le territoire.
Les conseils de développement ont davantage de
moyens. Les élus comprennent qu'ils ont besoin de moyens de
travail et sont moins réservés sur leurs budgets. Ils ont
quasiment tous maintenant un agent de développement local qui ne se
limite plus à des tâches administratives. L'appui des
régions est déterminant à cet égard.
62
3.2.2 Propositions pour faire évoluer les conseils de
développement et les rendre plus participatifs
1- Construire une véritable fonction d'animation
partagée :
L'animation se réduit souvent à
l'animateur ou l'animatrice, qui construit sa pratique comme il le
peut, face à une commande publique le plus souvent floue. La situation
des professionnels est parfois intenable, « entre le marteau et l'enclume
». C'est notamment le cas lorsque l'instance de participation n'est pas
son employeur, mais qu'il est le salarié d'une collectivité et
des élus locaux. Les animateurs ne disposent pas toujours de mandat
explicite, de marge de manoeuvre suffisante pour mettre en dialogue les
représentants élus et la population.
Plus qu'un animateur, il convient de mettre en place une
« fonction animation » responsabilisant également les non
professionnels ; concevant l'animation comme un processus d'évolution de
la démocratie et plus seulement comme un outil de conduite du projet.
Là encore, l'animation doit être le produit d'un travail
collectif, identifiant les tâches, les responsabilités et les
rôles de chacun en fonction de leurs disponibilités. La fonction
animation est la garante de la qualité du processus participatif.
À ce titre, elle doit veiller à ce que le groupe participatif
puisse acquérir les moyens de son organisation et de son autonomie. Elle
doit être vigilante, afin que les règles soient respectées.
Elle est garante de la qualité de l'accueil et du respect des personnes
; de l'équité et de l'égalité de la parole ; de la
qualité de la délibération ; de la recherche du bien
commun. Concernant la production du groupe participatif, la fonction animation
doit orienter son rôle vers la mise en débat en traduisant, en
reformulant et en favorisant l'organisation et la confrontation des points de
vue.
63
2- Définir une organisation efficace :
L'organisation et le suivi de la participation du conseil de
développement, aux projets du territoire, sont indispensables pour
être efficaces, et surtout donner aux participants l'assurance que leur
implication est importante, que les règles du jeu sont claires et que
les travaux auxquels ils sont associés amènent à des
résultats.
La rigueur, si elle s'accompagne de
convivialité, est un facteur d'efficacité de l'action du conseil
de développement, donc de reconnaissance et de lisibilité. Elle
ne vise pas la formalisation à l'excès des modes de
fonctionnement, qui peut rapidement conduire à l'institutionnalisation,
mais d'avantage à une force de travail et à la définition
d'une méthode de travail.
Les relations avec les élus
apparaissent comme complémentaires à la finalité
du rôle des conseils de développement. Celles-ci peuvent prendre
diverses formes, selon les territoires et les habitudes de travail. Il peut
s'agir, par exemple, de programmer à l'avance les apports attendus du CD
(saisines) sur l'année à venir, d'obtenir une formalisation de
cette demande par l'instance élue (cahier des charges à
l'élaboration auquel le conseil de développement peut être
associé), d'obtenir une mise à disposition de ressources
documentaires et techniques pour traiter la demande, gérer les
rencontres avec les instances élues du Pays ou de
l'agglomération.
Les activités du CD doivent être
proposées et décidées par ses membres de manière
démocratique, en toute autonomie. Les sujets de travail du CD
ne doivent pas être décidé à huit clôt,
réunissant seulement le président du CD et le président de
la structure élue, mais proposés par les membres
eux-mêmes.
Le fonctionnement démocratique doit également
être la règle dans la manière de traiter des sujets, des
projets, le plus souvent dans des commissions librement composées. Tous
les points de vue doivent pouvoir s'exprimer librement, en confiance et dans un
esprit de respect mutuel. Les débats doivent conduire à faire
émerger des points de convergence, qui ne doivent pas conduire, à
tout prix, à gommer les divergences de points de vue.
64
3- Donner des moyens d'actions :
Il ne peut pas y avoir de CD efficace sans
moyens. Les conseils informels sans moyen financiers ou en personnel
tombent rapidement en sommeil. La loi ne fait aucune obligation aux élus
sur ce point, mais dans l'idée d'atteindre les objectifs de production
assignés aux conseils, les moyens dont ils disposent sont primordiales
pour son efficacité
La possibilité de procéder à des
auditions, de commander et de financer des études et des travaux, la
prise en charge des frais de fonctionnement et notamment de déplacements
des membres du conseil qui sont tous bénévoles ne sont pas des
mesures optionnelles. Ces outils doivent se définir dans le cadre d'une
convention pour mettre en rapport ce qui est demandé au conseil et les
moyens dont il dispose. Cette disposition a toute sa place comme partie
intégrante des contrats de territoire.
Toutefois, les conseils ne doivent pas simplement attendre
qu'on leur donne des moyens de fonctionnement, Ils doivent aussi les rechercher
eux-mêmes. Beaucoup d'entre eux ont su, à cet égard,
mobiliser des fonds européens de programme comme INTERREG ou LEADER.
La question du caractère bénévole de
l'implication des membres des CD doit être clairement posée. Elle
écarte tout un ensemble de personnes aux ressources modestes. Elle
limite les implications et décourages les mobilisations pour un travail
important. Il doit être envisageable, à l'image des conseils
économiques et sociaux régionaux, de rémunérer les
membres du conseil au prorata de leur implication et de prendre en charge leurs
frais de déplacement.
Il n'y a pas d'animation sans animateur.
L'organisation du travail du CD, la recherche et la diffusion à ses
membres d'informations et de documentation, la rédaction des
comptes-rendus et des synthèses, la mobilisation des membres du conseil
et des citoyens, la coordination entre les membres du conseil et les
élus relevant d'une mission difficile que l'animateur partage avec son
président. Les compétences requises, pour exercer ce
métier difficile d'acteur du développement local, doivent
être tout à la fois techniques dans sa connaissance du territoire
et des stratégies d'acteur, relationnelles pour savoir être
à l'écoute des membres du conseil et de passer les conflits pour
construire du débat public, mais surtout personnelles : diplomatie,
accueil, curiosité, polyvalence, organisation, neutralité,
ténacité, dialogue, ouverture, écoute. L'animateur du CD
doit avoir un engagement fort sur le sens de son métier, croire
évidemment aux démarches participatives qu'il organise et veiller
aux exigences démocratiques d'une assemblée consultative. Il doit
aussi pouvoir faire face à toutes les situations par de fortes
capacités d'adaptation et ne pas confondre animation et
décision.
65
Conclusion de partie : Comment les conseils de
développement ne jouent pas un excellent rôle d'empowerment dans
la mise en oeuvre de projet urbain.
Dans cette dernière partie il a été
question de pouvoir dresser une critique sur les aspects qui opposent les
conseils de développement à une plus grande participation au sein
de ces structures. Pouvoir définir une liste de constats et de leviers
d'actions dans le but d'atteindre des structures participatives d'une nouvelle
génération, plus en phase avec les acteurs du territoire.
Le premier constat provient de la politique de l'empowerment
menée autour de la politique de la ville en 2013 par la ministre
délégué à la ville, pensant pouvoir apporter des
solutions novatrices sur des questions de mixité sociale et
d'équité mais la réalité est tout autre.
L'application des nouveaux dispositifs apportés par Bacqué et
Mechmache sont encore trop irréalistes pour une mise en action et une
prise en compte des autres ministères sur des questions de droit commun,
service publique et sécurité intérieure.
Les Conseils de Développement pourraient se comprendre
comme un outil de plus, susceptible de rencontrer les mêmes limites que
les conseils de quartier, les commissions extramunicipales, etc. Ce n'est pas
le cas. En les rendant obligatoires, pour pouvoir prétendre à des
financements contractualisés, la loi leur reconnaît un rôle
majeur, sans pour autant leur garantir de devenir, de ce fait, un outil de
dialogue social territorial. Il faut d'abord que les élus, maîtres
du jeu, le souhaitent, il faut ensuite que les conseils eux-mêmes
s'organisent en conséquence. Car les conseils ne sont pas uniquement des
instruments de démocratie participative, se sont aussi des lieux de
débats susceptibles de déboucher sur des choix collectifs. La
qualité des CD dépend de nombreux outils tels que ses
compétences d'ingénierie portées par son animateur et par
la formation de ses membres, apportant une plus grande autonomie dans le
fonctionnement et la recherche de financement. La qualité du dialogue,
entre les membres du CD et leur capacité à faire émerger
des idées partagées vectrices d'amélioration de la vie sur
le territoire, dépend de l'esprit dans lequel ils travaillent, des
membres impliqués, de son organisation et de l'écoute dont il
bénéficie auprès des élus du Pays ou de
l'agglomération.
De nombreuses incohérences existent et nous
questionnent sur l'évaluation et la mise en commun des travaux
menés par les différentes instances, en sachant que leurs
fonctionnements restent très individualistes. De nombreuses solutions
existent pour arriver à définir et poser un socle commun dans le
fonctionnement des conseils de développement. Il semble évident
d'instaurer des directives claires, mais aussi de laisser une certaine
souplesse d'action dans l'identité des dispositifs
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