V.3.1 Le football : une activité rituelle
Le football en tant que produit de l'action humaine, met en
relation plusieurs accomplissements. C'est ainsi que le football tel que
pratiqué au sein du CSY fait intervenir l'aspect rituel collectif et
l'aspect rituel individuel ante et post préparation des matches.
V.3.1.1 Au niveau collectif
Au niveau de la préparation collective des rencontres,
les membres sportifs arrivent en rang dispersé au stade et à la
fin des entrainements, ils se regroupent au milieu du stade pour dire une
prière de séparation et de rencontre le lendemain en faisant le
signe de croix. Ce signe, symbole de la croix chrétienne, exprime selon
nos informateurs qui le pratiquent le rapport entre eux et celui entre eux et
Dieu, source de toute inspiration. Ils prononcent aussi le pater
noster, symbole de la trinité (Dieu-Père-Fils) d'où
ce Dieu créateur de l'homme est incontestable ; le Père
entendu ici comme coach, est celui là qui prend des décisions sur
les Fils ou joueurs. De même, lors d'une compétition, à la
descente du bus, de l'eau bénite est aspergée par l'intendant du
Club et avant d'entrer au stade, il le fait également aux alentours du
banc de touche afin de « démystifier » ce qui aurait
été fait par les âmes de mauvaise foi. Une fois les joueurs
sur le stade, un alignement est fait dans les goals signifiant selon certains
joueurs le barrage de tout but de l'adversaire.
De plus, un rassemblement sous forme de cercle est fait dans
l'optique de prier Dieu afin que sa volonté ne soit faite sur le stade
en leur faveur. Aussi, cela ragaillardie non seulement les joueurs
eux-mêmes mais aussi les fans. Suite à un match perdu, de
parité ou gagné, tous les membres sportifs se rencontrent au
siège du CSY afin de faire le point sur les manquements observés
sur le stade par joueur. Cela se termine toujours par une courte prière
de séparation symbole de l'union et de la paix. Un patriarche du club
signale qu'avant les années 2000, les joueurs du CSY se faisaient laver
le tibia avec une décoction faite à base des os du gorille afin
de fortifier cette partie du corps et éviter toute fracture, entorse ou
déboitement et donc, symbole de la force et de la résistance. A
cette époque, la presque totalité des joueurs étaient
béti. Cela expliquerait la toute puissance du Kpa-Kum et
justifierait ainsi ses multiples titres nationaux et continentaux. Par
ailleurs, la renonciation à cette pratique pour embrasser le chemin de
l'Eglise, ajouter à cela la pluriethnicité dans ce club explique
sa défaillance parce qu'il y a rupture culturelle, non
compréhension linguistique et gestuelle. Nous pouvons dire à cet
effet que la colonisation continue à porter ses fruits au Cameroun car
selon les joueurs, il est plus facile d'apprendre le français et
l'anglais que nos langues nationales, raison pour laquelle dans le CSY, les
joueurs allogènes se sentent étrangers. La langue est le premier
élément de socialisation d'une famille et d'un peuple. C'est
à travers celle-ci qu'on nomme les productions humaines et naturelles.
Depuis les années 1980, le CSY est toujours
resté en première division selon la première appellation.
C'est en 2008 qu'on parle de MTN Elite One et Two. Ce club en tant que produit
de la socioculture Ewondo de Nkolndongo, a résisté et continue de
résister grâce aux prouesses de l'anthropisation du milieu par
l'homme. Pour cela, l'animal ecock'le kùlù ou carapace
de tortue symbolise chez les Ewondo la défense par le fait que cette
carapace est physiquement très solide mais aussi et surtout
résistante. En effet, la tortue pour eux, est comme un système de
défense des joueurs qui réunissent leurs boucliers au dessus de
leur tête pour se protéger des attaques physiques et magiques de
l'adversaire. C'est pour cette raison que le logo du CSY est sous forme de
bouclier et identique au dos d'une carapace de tortue. Plus loin, la
résistance d'ecock'le kùlu est conséquente
à sa protection elle-même par celui qui la garde. Sur la photo que
nous avons présenté au chapitre trois, nous avons vu que cette
carapace était accrochée sur un mur peint aux couleurs du club
sous le toit du domicile d'un informateur. Le fait pour cet objet d'être
à l'abri du soleil et de la pluie justifie le maintien du CSY en MTN
Elite One. Cela expliquerait la position des Mekok-Me-Ngonda dans le
classement du championnat c'est-à-dire ni dans la zone de
relégation, ni en tête et par là, justifie leur
longévité. C'est dire cette carapace est le porte-bonheur de
cette équipe car comme le détenteur de cette carapace aime
à le dire, « le jour que cette carapace tombera, le CSY
descendra en MTN Elite Two ». Il ajoute « Lorsque ma
grand-mère me l'a remis, elle a dit `'Nnon, canon a ne ahop'' ca veut
dire va, canon toujours en haut, ensuite est décédée
quelques jours après, et depuis cette période, le Kpa-Kum n'est
plus jamais descendu en deuxième division». C'est dire les
membres du CSY doivent gratitude à cette famille et c'est pour cette
raison qu'elle est la plus respectée non seulement par les joueurs, mais
aussi par tous les autres membres du club. Outre les pratiques collectives, il
y en a des pratiques individuelles car c'est la somme des parties (joueurs,
supporteurs, gestionnaires etc.) qui constitue le tout (l'équipe).
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