Culture et football au Cameroun. le cas du canon sportif de Yaoundé dans la région du centre; une contribution à l'anthropologie du football( Télécharger le fichier original )par Mouafo Nopi ARNOUX Université de Yaoundé I - Master en Anthropologie 2014 |
V.2.1 Le football : une activité récréativeEn général, les exercices physiques tels que le handball, le basketball, le rugby, le football etc., contribuent à la libération du cerveau, au maintien et au développement des organes du corps humain. Le football permet tel que pratiqué par les joueurs du CSY est un football qui va au-delà d'une activité récréative pour intégrer la sphère d'un capital marchand car plus le joueurs est performant, plus il se vend cher. La notion de récréativité constitue pour ainsi dire la base de toute carrière sportive ou footballistique. Ceci pour la simple raison que c'est lors des entrainements que le plaisir de jouer est accentué et l'effort est fourni. Pour 2/6 des joueurs interviewés, le football récréatif jouent plusieurs rôles à savoir baisser l'adrénaline, dégraisser les muscles du corps, perdre le temps avec les connaissances. Le football n'est pas que récréatif mais permet aussi de gagner de l'argent par les acteurs qui le pratiquent et qui le mettent en scène. V.2.2 Le football : une activité économiqueLe football loin d'être un sport récréatif est aussi et surtout une activité économique donc marchande. Dans ce mouvement footballistique, on observe les trois étapes d'un système économique à savoir la production, la distribution et la consommation. Au CSY, les joueurs à former ou à produire à travers les entrainements sont principalement ceux qui n'ont pas de licences et ce dans l'optique de recruter uniquement les meilleurs. Le principe d'organisation de l'économie étant basé sur la production, plusieurs amateurs viennent se former au CSY afin d'être vu par les entraineurs d'autres clubs. Cette production passe par un travail intense que Margaret MEAD (1973) distingue en trois instances : l'individualisme ; la coopération et la compétition. -L'individualisme dans le football consiste pour un joueur à se préparer personnellement afin de se maintenir en forme, relever le défis sur ses coéquipiers en pratiquant des exercices physiques tels que la course de fond, de vitesse et en jonglant le ballon ; il y ajoute aussi des exercices intellectuels en jouant au PS FIFA. Force à été de constater que deux jours avant une rencontre de championnat, chaque joueur veut donner le meilleur de lui-même afin de prétendre être sélectionné parmi les onze entrants. Il s'agit tout aussi de la production des moyens par divers types de cotisations et de membres, des allocations de MTN et de la LPFC afin de poursuivre le championnat jusqu'en fin de saison. En revanche, cette somme connait toujours un retard, ce qui sclérose le fonctionnement le mouvement sportif de la MTN Elite One et Two. -La coopération quant à elle a trait au jeu collectif c'est-à-dire aux entrainements de groupes par les gestes physiques, tactiques et techniques, plus précisément les séances de décrassages, les microcycles de préparations, les matchs de groupes en fonction du système de jeu à développer. C'est ici que la concorde, la cohésion et la complémentarité sont actualisées. Selon Julien GREIMAS dans Du sens : Essais sémiotiques, cité par Jacques FAME NDONGO (2005 :14) dans Medias en enjeu des pouvoirs, le pouvoir est un texte ou un système de signes constitué de six actants. A ce niveau, nous pouvons déjà évoquer une distribution car les joueurs en tant que produits ou sujets héros, sont mandatés par le coach ou destinateur et positionnés ou répartis sur l'air de jeu en fonction des postes et, le ballon l'objet à distribuer aux coéquipiers afin d'assurer par les actions de buts concrétisées la victoire ou l'objet-valeur. Les supporteurs ou adjuvants forces bénéfices, via cris et chants apprécient les gestes des uns et des autres au détriment des adversaires y compris supporteurs ou opposants traitres. Ainsi, tous les membres du club ou destinataires jouiront des retombées des actions des joueurs. -Parlant de compétition, elle est la plus actualisée entre coéquipiers car le stade devient un lieu d'arène où se battent les joueurs pour une éventuelle sélection parmi les onze du coach en vue d'une rencontre. C'est un spectacle. Ce qui génère très souvent des conflits allant jusqu'aux affrontements manuels entre joueurs d'une seule et même équipe où chaque acteur ne vise que son intérêt personnel, rendant ainsi le stade en une zone d'incertitude. L'anthropologie ajoutera comme sémantique au football le symbole de l'ambivalence fondamentale de l'être humain, écartelé d'une part entre sa solitude et son besoin de solidarité, d'autre part entre son affirmation de soi-même comme un autre et son désir d'anéantir l'autre comme obstacle sur le chemin de son auto-réalisation. L'accomplissement et la destruction, l'altruisme et l'égoïsme, la création et la violence, l'habitation et la décomposition du monde. Le football serait alors une formidable parabole de notre destinée individuelle et collective, dans son ambiguïté constitutive, expression d'un partage jamais résolu entre le désir de bonheur et le retour cyclique du malheur et des inégalités. C'est ainsi qu'en 1831 en Angleterre et dans un ses réminiscences, un jeune leader britannique de Eton College, une école publique Britannique pour garçon fondée par Hernri VI, roi d'Angleterre, déclare « I cannot consider the game of football as being gentlemany; after all, the Yorkshire common people play it ». C'est dire que puisque le bas-peuple y joue, il ne saurait avoir du prestige dans le football car selon lui, il fallait que ce sport-jeu soit l'exclusivité des gentlemen. Ce qui devrait être antithétique aux objectifs du football par son caractère ouvert, festif et émotionnel. La distribution se fait sous plusieurs aspects. Comme nous l'évoquions ci-dessus, elle commence par le positionnement des joueurs sur le stade, la répartition des salaires en non seulement en fonction des joueurs titulaires ou irremplaçables et des joueurs non titulaires ou remplaçables, mais aussi et surtout du montant du négoce ou du transfèrement d'un club à l'autre d'une part et entre chaque employé (joueur) et l'employeur (administrateur) du club d'accueil d'autre part. Dans cette seconde étape du système économique, il nous a été donné de constater que le salaire des joueurs n'est pas payé du début à la fin du championnat parce qu'en début de saison sportive, les frais de signature représentent officieusement le salaire d'un joueur pendant deux à trois mois. En fin de saison, si l'équipe est en pole position pour son maintien et loin de la zone de relégation à quatre journée de la fin du championnat, le salaire devient une selon les joueurs de champ comme « les selles d'un enfant au la'kam24(*) ». Au CSY, la consommation des biens ou des produits générés par le football ne sont pas consommés de façon ostentatoire car la structuration du club n'est pas effective, raison pour laquelle ces revenus sont gérés approximativement. Ce qui laisse croire qu'il existe des centres de pouvoirs et de conflits entre dirigeants, entraineurs et joueurs en ce qui concerne aussi la productivité d'un joueur acheté, vendu, échangé où doit intervenir la monnaie comme moyen de paiement, mesure et réserve de valeur. Sur les six joueurs enquêtés, seuls trois jouent d'abord par passion, deux par contrainte ; ensuite quatre jouent pour gagner et enfin tous jouent pour de l'argent et pour maintenir leur place au sein de l'équipe. Cela signifie que ceux qui jouent pour l'argent et le maintien dans l'équipe sont des commerçants qui vendent leurs talents aux meilleurs offrants et détruisent par là la notion de patriotisme et de sacrifice. En ce qui concerne ceux jouant par contrainte, de profonds entretiens avec deux informateurs25(*) nous ont montré que ces joueurs sont en stand by parce que n'ayant pas eu de meilleurs club en terme de salaire et jouent sous prescriptions des dirigeants pour ne pas perdre les automatismes. Pour ceux qui jouent par passion, force a été donnée de constater que le football est comme la sève qui coule dans un arbre ou pour qui le football est dans le sang donc inné. Pour faire carrière dans le Kpa-Kum, il faut d'abord « être » par l'individualisme, ensuite « vaincre » non seulement les coéquipiers pour être sélectionné parmi les onze entrants mais aussi l'adversaire afin de marquer les trois points et, enfin, « convaincre » le coach et le public dans la qualité de prestation du jeu. C'est cela la devise du CSY « Etre-Vaincre-Convaincre ». Cela semblerait incomplet pour un encadreur car en plus de ces verbes, il a souvent coutume d'y ajouter le verbe « mourir » signifiant ainsi un sacrifice éternel pour le club. * 24 Adage bamiléké qui veut dire rareté ou le non paiement des salaires puisqu'au la'kam ou village d'initiation des chefs, l'on ne retrouve jamais un bébé encore moins ses selles. * 25 Données collectées le 17 Septembre 2012 au stade malien de Nkolndongo |
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