II.1.5 Le football comme un système
économique
On distingue trois postulats dans le système
économique : les substantialistes, les formalistes et les marxistes. Il
est important de noter que ces trois postulats sont présents au
Cameroun. Le football s'érige en une entreprise, un business pour les
pratiquants, pour les dirigeants et pour les supporteurs. Selon Evariste
TSHIMANGA (2001), la vente des joueurs est due au déficit des moyens
financiers pour les besoins de fonds de roulement. A cet effet ils prennent
directement attache avec les clubs d'accueil et négocient les prix et
les conditions de transfert, ou, préfèrent passer par les
managers ou recruteurs qui connaissent mieux le marché. Tandis que les
clubs affiliés sont soumis à la réglementation, ceux non
affiliés ou associations sportives n'ayant pas de licence ni
répertoires, font l'objet d'une corruption et pillage
systématique des jeunes joueurs. Ce sont les présidents, coachs,
joueurs et leurs familles qui eux-mêmes se constituent en vendeurs et
prennent contact avec d'autres clubs. C'est la raison pour laquelle les jeunes
footballeurs préfèrent la clandestinité, à l'insu
des dirigeants sportifs. Les principales motivations ont
trait à:
- l'argent, qui détruit les valeurs humaines et
culturelles voire la suprématie sportive ;
- la libéralisation des marchés d'achats
(prêt, vente et revente) ;
- l'insertion des hommes d'affaires dans le football ;
- la priorité au niveau qualitatif et à la
plus-value.
Cela a comme incidences positives l'image des joueurs dans le
club d'accueil, son intégration sociale (bonheur familial), les
retombées financières et matérielles. Quant aux incidences
négatives, on note l'affaiblissement de la qualité et de la
quantité de joueurs, le non paiement des indemnités de formation
par les clubs acheteurs et l'insuffisance des retombées
financières. En clair, Evariste TSHIMANGA
(2001) veut faire ressortir les différentes
phases d'un système économique : la production ou la formation
des joueurs ; la distribution ou la vente ou encore le prêt, l'emprunt
ou le transfèrement des joueurs ; et la consommation ou utilisation
de ces derniers. Le club qui produit ou achète les joueurs n'est pas
forcément celui qui utilise. L'argent du football tel que vu par Patrick
MIGNON (2002) dans L'argent du football, mérite d'être
dichotomisé selon l'évolution du temps :
- avant 1920, l'argent du football était destiné
aux propriétaires des grandes sociétés (Peugeot), et aux
hommes nantis, buveurs de grands vins, pour les dépenses au profit du
club afin de recherché la paix, le prestige.
- de nos jours, de Guy ROUX à Alex FERGUSON en passant
par Nicolas ANELKA, le football n'a rien à voir avec l'affectif, ce
n'est plus un passe-temps pour les hommes fortunés car l'argent du
football est aussi professionnalisé. C'est dire que la logique
rationaliste de la rentabilisation a pris le pas sur celle du prestige et de la
dépense. C'est devenu le « foot business »
ou « foot mafia » (Charles NGUINI : 1996).
Dans ce foot-commerce, plusieurs couches de la population y trouvent leurs
comptes car lorsqu'il y a rencontre entre deux équipes, les caves
réalisent d'énormes revenus par les fans actifs et passifs et
l'on constate que le match se joue non plus au stade ou sous le petit
écran, mais autour d'une table couverte de bière.
Aussi, ce jeu présente une relation patrons-clients,
identique à celle du parent à l'enfant en ce sens que plus le
revenu du président du club augmente, plus la situation du joueur se
stabilise. Ce système capitaliste fait penser aux joueurs, dont la paie
serait sous forme de salaire ou d'aumône. Force est aussi de constater
que l'activité footballistique favorise le développement des
infrastructures telles que les routes, les stades et hôtels, ainsi que
la multiplication dans la fabrication des gadgets pour joueurs et supporteurs.
L'intensification de l'activité touristique, de transport, culinaire et
surtout des relations interculturelles n'est pas en reste. (Charles ATEBA
EYENE : 2011).
D'après Nkou MVONDO (2009) « le sport
au Cameroun est en péril parce que l'argent à lui destiné
est détourné y compris celui des clubs ». Il met en
scène selon MANIRAKISA (2002) des rapports de force entre
aînés et cadets, patrons et clients, parrains et
protégés, puissants et faibles. C'est ce qui pourrait aussi
expliquer les contres performances des formations sportives. Le fait de
l'imprécision du jour de la finale du championnat au Cameroun, amenuise
la rentrée des devises en matière de tourisme. Pour Evariste
TSHIMANGA (2001) agit dans son ouvrage intitulé Le commerce et
la traite des footballeurs africains et sud-américains en Europe
que « les officiels commettent souvent des erreurs lors de
l'exercice de leur fonction, ce à cause de l'ethnocentrisme et de
l'atmosphère du jeu ». Le club d'accueil a souvent
développé climat peu clément, défavorable à
l'intégration des joueurs allochtones, qui ne savent ni
mentalités, ni moeurs et coutumes, ni langues du milieu. Cela suscite
aussi un enjeu local lié aux rapports territoriaux car d'après
Olivier Le NOE (2002), « le sport le instrumentalisé aux
fins économiques et politiques. »
La force de la croyance dans ce support d'images et
d'identités, conclut à l'acceptation de l'utilité sociale
du football au plan local, l'impact sur la propriété culturelle
du football (animation des spectateurs et groupes de danse) et la
responsabilisation des collectivités locales (rencontre entre les
communautés locales dont les socles peuvent être socioculturels,
religieux ou ethniques) qui entretiennent des relations de concurrence et
d'incertitude liées aux statuts individuels et collectifs. Ce sport
devient dans de nombreuses cultures un symbole de modernité et
l'expression idéale d'un sentiment ethnocentrique. Dans les bars
arborant les effigies des joueurs, leurs noms (clubs et joueurs) ou
numéros sur la muraille, montrent un certain repli sur
l'identité culturelle.
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