1.1.2. Origine du fossé
croissant entre les agriculteurs
Au milieu du XIXè siècle, la plupart
des paysans du monde pratiquaient une agriculture strictement manuelle (houe,
bêche, hache, machette, etc.), avec une productivité du travail ne
dépassant pas une tonne d'équivalent-céréales par
actif. À la même époque, les systèmes de culture
attelée lourde sans jachère en Europe, ainsi que les
systèmes hydro rizicoles de culture attelée de certains deltas
d'Asie, permettaient d'obtenir une productivité brute de l'ordre de 5
tonnes par actif. Les agricultures du monde s'inscrivaient donc dans un
écart de productivité de l'ordre de 1 à 5 tonnes.
Dès la fin du XIXè siècle,
l'industrie commença à produire de nouveaux matériels
mécaniques à traction animale, qui furent adoptés par les
fermes bien dimensionnées dans les colonies agricoles d'origine
européenne et, plus lentement, en Europe. Les exploitations les mieux
équipées atteignirent ainsi une productivité brute du
travail de quelque 10 tonnes par actif agricole.
Au XXèsiècle, la révolution
agricole contemporaine stricto sensu (motorisation, grande mécanisation,
sélection, chimisation, spécialisation) a triomphé dans
les pays développés, et dans quelques secteurs limités des
pays en développement. En quelques décennies, on est ainsi
passé à des superficies pouvant aller jusqu'à 200 hectares
par actif en grande culture céréalière, et des rendements
pouvant atteindre plus de 10 tonnes par hectare. En conséquence, la
productivité brute du travail peut aujourd'hui, dans les régions
les plus favorisées, atteindre 2000 tonnes par actifagricole.
Mais, la situation de l'agriculture mondiale est violemment
contrastée : seuls quelques millions d'agriculteurs ont
été touchés par cette révolution agricole. Parmi
les agriculteurs non motorisés, deux tiers environ ont été
touchés par la révolution verte, dans les régions
favorables des pays en développement, et produisent entre 5 et 10 tonnes
de grains par actif agricole, selon qu'ils bénéficient ou non de
la traction animale.
L'écart de productivité du travail entre
l'agriculture manuelle non chimisée et l'agriculture la plus lourdement
motorisée et chimisée du monde est aujourd'hui de l'ordre de 1
à 2 000 en productivité brute. Dans ce contexte où
l'Afrique subsaharienne n'a bénéficié ni de la
révolution agricole contemporaine, ni de la révolution verte et
dont l'agriculture reste principalement manuelle. Il reste à
s'interroger sur les voies possibles pour combiner au mieux les divers
progrès agricoles possibles (KABONGO, Op. Cit.).
|