SECTION II : les effets pervers des politiques
commerciales des établissements de crédit
Les banques sont soumises à des contraintes de
rentabilité qui les amènent à mettre en oeuvre des
politiques commerciales, lesquelles ne tiennent pas toujours compte des
difficultés bancaires qui en découlent pour les particuliers.
Ainsi que nous allons le montrer, la sélection de clientèle et la
rentabilisation des difficultés des clients en constituent
d'édifiantes illustrations.
II.1- La sélection de clientèle
Il s'agit d'une stratégie commerciale qui consiste pour
les banques, à déterminer parmi les clients, ceux qui
méritent d'être servis et ceux qui ne devraient avoir aucun
accès aux services proposés. La sélection de
clientèle, qui est alors au coeur de l'activité bancaire, peut
être appréhendée à travers la pratique du
redlining et la segmentation de clientèle.
II.1.1- La pratique du redlining
Forgée par le sociologue McKnight dans les
années 1960 pour faire référence au marquage par une ligne
rouge des zones dans lesquelles les banques ne devraient pas investir,
l'expression anglaise redlining est une stratégie qui vise
à maintenir à l'écart du système bancaire classique
les franges les plus défavorisées de la population.
Plus spécifiquement, ce terme désigne le
caractère systématique de l'exclusion de certaines zones
géographiques par les banques (Tasqué, 2011/3). L'objectif
étant de décourager les personnes vivant dans ces zones de
recourir aux services bancaires en mettant en place des mécanismes
dissuasifs.
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Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
Dans une étude visant à appréhender
l'impact du déploiement géographique bancaire sur la
cohésion sociale, Ayoub (2006/1) parvient au résultat selon
lequel les banques sont concentrées dans certaines localités,
notamment celles abritant les couches sociales financièrement
aisées, au détriment des plus pauvres. Or, souligne-t-il, la
concentration géographique des banques ne favorise pas le
développement économique mais donne plutôt lieu à
l'exclusion bancaire et accentue les inégalités
socio-économiques.
Comme nous l'avons déjà relevé, la
répartition géographique des établissements de
crédit au Cameroun n'échappe pas à cette tendance à
la concentration. Il en résulte inéluctablement une exclusion
géographique au sens de Leyshon et Thrift (1995), laquelle se traduit
par la mise à l'écart d'une importante frange de la population
contrainte à limiter ses déplacements pour la banque en raison
des coûts que cela implique.
Par cette méthode, les banques s'assurent de ne pas
avoir affaire à une clientèle indésirable et
financièrement limitée. Sachant que de telles personnes se
rendent plus souvent à leur banque que les autres, ne pas être
présent sur leur lieu de vie est un moyen de ne pas les avoir comme
client (Gloukoviezoff, 2003). De la sorte, les institutions bancaires peuvent
alors se concentrer sur les clients les plus rentables, en raison de leur
pouvoir d'achat élevé et leurs fortes capacités
d'investissement.
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