I.2. L'exclusion par les mécanismes de
détermination des coûts des services bancaires
Deux aspects seront abordés dans ce point, à
savoir : la non rémunération des dépôts à vue
et l'encadrement du coût du crédit par la loi.
I.2.1- Le non-respect de la réglementation : le
cas de la non rémunération des dépôts à
vue
Cette mesure est souvent considérée comme la
contrepartie de la gratuité de certains services bancaires : tenue de
compte, gestion de chèques etc. (Chiappori, 1991). Au Cameroun, elle est
consacrée par l'article 8 de l'arrêté n°224/MINFI/DCE
du 5 avril
16
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
1989 portant conditions de banque, modifié et
complété par l'arrêté n°00001/MINEFI/CSB/REP du
4 janvier 1995.
Cependant, on observe dans les faits qu'en dépit du
fait que les dépôts à vue ne soient pas
rémunérés, certaines banques font supporter les charges
relatives à la tenue des comptes à leurs clients. Pour le
justifier, elles allèguent que la suppression de ces frais remet en
cause l'existence même de certaines agences dont l'exploitation et la
rentabilité sont en partie assurées par la perception desdits
frais (COBAC, 2010).
Par ailleurs, pour les établissements bancaires qui
appliquent effectivement cette mesure, la tendance est plutôt à la
revue à la hausse des tarifs des autres services proposés, ainsi
qu'à la création de nouveaux produits (mise en place de nouvelles
commissions, révision de la facturation de certains services...), en vue
de compenser ce qu'ils perçoivent comme un manque à gagner.
En fin de compte, il revient au consommateur de supporter ces
charges dont l'addition sur un an donne généralement des montants
élevés et de nature à favoriser chez les personnes les
plus démunies, une renonciation progressive aux services bancaires.
Au total, on observe deux cas de figure : premièrement,
certaines banques observent le principe de la non rémunération
des dépôts en contrepartie, entre autres, de la gratuité de
la tenue des comptes. En compensation, elles revoient à la hausse les
prix d'autres produits existants et mettent sur pieds de nouveaux services.
Deuxièmement, d'autres banques observent le principe de non
rémunération des dépôts mais perçoivent
néanmoins les frais de tenue de compte.
I.2.2- L'exclusion par la détermination
arbitraire du coût des services bancaires
Au Cameroun, les coûts des services bancaires ne font
pas toujours l'objet d'un encadrement adéquat. Le recours aux
institutions bancaires formelles est conditionné par la capacité
du client à pouvoir payer des frais, notamment un montant minimum
17
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
exigé pour conserver un compte, supporter le taux
d'intérêt et apporter les garanties requises afin de pouvoir
bénéficier d'un crédit (Avom et Bobbo, 2013).
Si les banques sont tenues d'ouvrir des comptes à toute
personne qui en fait la demande13 en vertu des dispositions du
Règlement de la CEMAC relatif aux systèmes et moyens de paiement
(mars 2003), il n'en demeure pas moins qu'en 2008 il était
particulièrement couteux d'ouvrir un compte au Cameroun en 2008. Il
fallait pour cela débourser plus de 700 dollars américains, soit
plus que le PIB par tête du pays à la même date (Beck et al,
2008).
C'est véritablement avec l'arrêté du
Ministre des Finances portant institution du Service Bancaire Minimum Garanti,
que la gratuité de l'ouverture des comptes a été
consacrée et est réellement observée par les banques. Ces
dernières ne disposent dorénavant que d'une seule marge de
manoeuvre qui consiste à fixer de façon arbitraire les
coûts de maintien de compte et les frais associés à la
détention des cartes de paiement.
De même, le coût du crédit est
déterminé de façon quelque peu arbitraire sur le
marché bancaire camerounais. En effet, depuis la suppression du
TDM14, les banques pratiquent des taux de base et des taux effectifs
annuels dont les modalités de calcul ne sont pas toujours transparentes.
Le graphique ci-après présente l'évolution des taux
d'intérêt créditeurs au Cameroun de 2006 à 2010.
13 Cette obligation est consacrée par
l'article 7 du règlement qui stipule que «toute personne physique
ou morale domiciliée dans un Etat membre de la CEMAC et dépourvue
d'un compte de dépôt, a droit à l'ouverture d'un tel compte
dans l''établissement assujetti de son choix ».
14 Les autorités monétaires régionales
ont supprimé ce taux dans la perspective de poursuivre le processus de
libéralisation financière entamé au début des
années 1990.
18
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
Graphique I.1 : évolution des taux
d'intérêt créditeurs des banques camerounaises de 2007
à 2010
18,00%
16,00%
14,00%
12,00%
10,00%
4,00%
8,00%
6,00%
0,00%
2,00%
15,80%
2007 2008 2009 2010
11,60%
8,70%
9,30%
Source : COBAC, 2011.
Ce graphique suggère que le coût du crédit
a diminué sur la période considérée. Cela
s'explique par la volonté des autorités monétaires de
mettre un terme au désordre observé en matière de
tarification des services bancaires. Celles-ci ont en effet
procédé à la détermination d'un TEG des
différents crédits consentis à la clientèle et d'un
taux d'usure calculé périodiquement sur la base des coûts
historiques desdits TEG. Ces mesures ont contribué à
réduire sensiblement le coût du crédit qui a atteint son
niveau le plus bas en 2009. Toutefois, le Cameroun reste l'un des pays
marqués par le caractère dispendieux du coût du
crédit (Avom et Bobbo, 2013).
S'agissant des garanties nécessaires pour obtenir un
crédit bancaire, peu d'individus disposent de ressources suffisantes
pour pouvoir les apporter. En effet, certaines banques exigent du client qu'il
présente un titre foncier ou d'autres formes de caution (cautionnement,
hypothèque d'une maison, d'une voiture etc.), ce qui exclut un grand
nombre d'individus. Ce d'autant plus que le montant des garanties est souvent
supérieur ou au moins égal à celui du crédit
sollicité.
19
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
En fin de compte, la non rémunération des
dépôts à vue et le coût élevé de
l'endettement au Cameroun érigent donc des barrières à
l'entrée du marché bancaire, en même temps qu'ils
engendrent des difficultés d'usage liés services bancaires.
Outre poids du cadre réglementaire du secteur bancaire,
il convient également d'examiner le rôle joué sur
l'exclusion bancaire par certaines politiques commerciales des
établissements de crédit.
|