I.1.3- La prise en compte du lieu de résidence,
du niveau d'instruction et du secteur socioprofessionnel
S'agissant du lieu de résidence, elle constitue un
facteur déterminant que l'on peut mesurer par le degré de
proximité des agences bancaires. Ainsi, résider en milieu urbain
ou en milieu rural, peut être un atout ou constituer un handicap. A
l'observation, les zones rurales sont moins fournies en infrastructures
bancaires, ce qui oblige les villageois à parcourir de longues distances
pour effectuer des transactions bancaires.
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Le graphique ci-contre présente la densité bancaire
du Cameroun.
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Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
Graphique 3.2 : densité bancaire du
Cameroun
ouest : 7,37%
Grand Nord : 9,67%
Nord-ouest/Sud-ouest : 14,74% Centre/Sud/Est : 28,57% Littoral :
39,63%
Source : Conseil National du
Crédit, BEAC, janvier 2014.
Sur ce graphique, on peut voir que sur un total de 217 agences
que compte le Cameroun à la date sus indiquée, les régions
de l'Ouest et du Grand Nord27 (Adamaoua, Nord et Extrême-Nord)
n'en possèdent respectivement que 16 et 32. Cela s'explique, entre
autres, par le fait que la pauvreté est un «
phénomène rural » dans ce pays (Fambon, 2005/1). Les banques
ne trouvent aucun intérêt à s'y installer.
En fin de compte, il est plus avantageux de résider en
milieu urbain car les villes sont relativement bien pourvues en infrastructures
bancaires et les distances à parcourir pour y accéder sont moins
longues et moins pénibles que lorsqu'il faut partir de la campagne.
Pour ce qui est de l'éducation, plusieurs travaux
démontrent l'existence d'une corrélation négative entre
cette variable et l'exclusion bancaire : plus un individu est instruit, plus
fortes sont ses chances d'être bancarisé. Selon Allen,
Demirguc-kunt, Klapper et Peria (2012), les adultes avec un niveau
d'éducation tertiaire ont en moyenne deux fois plus de chances de
détenir un compte bancaire. En revanche, ceux n'ayant
27 Le Grand Nord est lui-même composé de
trois régions, à savoir le Nord, l'Extrême-Nord et
l'Adamaoua.
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Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
reçu absolument aucune éducation ou ayant
quitté le système éducatif précocement, sont
généralement plus en proie à l'exclusion bancaire
(Anderloni, Bayot, Bledowski, Iwanicz-Drozdowska et Kempson, 2008).
Le système éducatif joue un rôle majeur
dans l'édification d'un système bancaire plus inclusif, notamment
à travers la culture financière qu'il permet d'inculquer aux
individus (Kempson, 2000) et les débouchés qu'il leur offre en
termes d'emploi28.
Cela tient au fait que l'instruction est réputée
faciliter :
- d'une part la compréhension de l'importance des
banques au plan socioéconomique (les banques mettent à
disposition des produits (constitution d'une épargne, crédits
etc.) qui permettent, entre autres, de réaliser des projets, de faire
face à des aléas ;
- et d'autre part, l'usage des produits et des services que
proposent les banques. Le manque de culture financière donne lieu
à une « exclusion de l'intérieur », laquelle est la
caractéristique des personnes financièrement incluses mais qui ne
comprennent rien au fonctionnement des services et à l'usage des
produits proposés par les banques (Ebermeyer et al, 2003).
Par ailleurs, on pourrait apporter une explication
supplémentaire aux écarts liés à la densité
bancaire entre régions observés sur le graphique, par le fait que
les régions les plus désertes en infrastructures bancaires sont
également les moins alphabétisées. Avec les taux
d'alphabétisation et de scolarisation les plus faibles du pays en 2007,
les régions l'Extrême-Nord, le Nord et l'Adamaoua29
constituent difficilement des zones propices à l'émergence des
établissements bancaires. On comprend pourquoi seulement 9,7% des
agences bancaires camerounaises se retrouvent dans le Grand-Nord.
28 L'éducation offre des opportunités
d'emploi et donc des possibilités d'acquérir des ressources
financières, sans lesquelles il est impossible de prétendre
à l'usage des services bancaires.
29 En 2007, ces trois régions connaissaient
des taux d'alphabétisation de l'ordre de 28,3%, 40,7% et 42,4%
respectivement et des taux de scolarisation qui étaient de moins de 6
enfants sur dix inscrits à l'école (INS).
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Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
Enfin, il convient de s'intéresser au secteur
professionnel, au niveau duquel des disparités sont observées
relativement à l'exclusion bancaire. En effet, la probabilité
d'être inclus varie selon qu'on exerce dans le secteur privé,
public ou informel. Les deux travailleurs des deux premiers secteurs ont une
plus forte vraisemblance à être inclus en raison de la
stabilité de l'emploi et de la régularité des revenus. A
contrario, la précarité et la forte incertitude qui
caractérise le secteur formel, n'est pas de nature à encourager
les banques à servir ceux qui y travaillent. Si l'on se
réfère au cas camerounais, c'est alors 92% de la population
active camerounaise qui serait exclue. En effet, la population active
camerounaise s'élevait à environ 8 millions d'individus en 2007
(INS) ; au même moment, le secteur informel concentrait 92% de la
population active occupée, contre 8% qui exerçaient dans le
secteur privé ou public.
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