Section 2 - Tentative de définition
juridique
La question du drone est vraiment récente. La
technologie apparaît à une rapidité telle que le droit n'a
pas nécessairement eu le temps de se saisir de la question. Il existe
malgré tout des juristes avant-gardistes qui tentent d'approcher cette
nouvelle notion.
Pour le Professeur Eric Van Hooydonk, la
majorité des définitions des navires ne prennent pas en compte
l'équipage ou même le capitaine comme un élément
essentiel du navire. Selon lui le drone pourrait venir s'incorporer tout
naturellement à la définition de navire sans en modifier le
statut. L'approche ne prend pas en compte les différentes
définitions nationales et même si les conventions se trouveraient
applicables, la question resterait entière dans l'ordre juridique
français.
Le législateur français a par ailleurs
commencé à aborder la question. C'est ce qui se dégage de
l'article L 5111-1-1 du CT21 qui dispose, sans le mentionner
clairement d'un « engin flottant de surface [...], à
bord duquel aucune personne n'est embarquée, commandé à
partir d'un navire battant pavillon français ». Le
critère déterminant du drone à l'instar du drone
aérien ou « les aéronefs sans personne à bord et
opérés par un télépilote »22
est bien celui de la non habitabilité de l'engin quel qu'il soit. Mais
pour être qualifier de navire, il doit être
19 Convention de Bruxelles
du 25 août 1924 (Ou règles de la Haye) Pour l'unification de
certaine règles en matière de connaissement modifiée par
le protocole du 23 février 1968 (Visby) et par le protocole du 21
décembre 1979.
20 Convention internationale
de Londres du 28 avril 1989 sur l'assistance.
21 Issu de la loi n°
2016-816 du 20 juin 2016 pour l'économie bleue
22 Supra Partie 1 Chapitre 1
du mémoire.
29
autonome ce qui écarte l'article
précité de nos intérêts car dans ce cas, le drone
est l'accessoire du navire. La définition actuelle est très
limitée et ne prend en compte qu'un objet précis parmi l'ensemble
des drones qui peuvent exister.
Il existe des définitions plus larges, telle
que celle avancée par le Professeur PRITCHETT. Mais elle est plus
technique dans ses termes et sa définition n'est pas
nécessairement juridique car il parle bien de « unmanned
vessels that operate on the surface of the water and navigate by remote
control, autonomous means, or a hybrid of the two », ce qui semble
être une proposition bien trop large mais qui a le mérite de
reprendre des critères du navire telle que la capacité à
opérer sur l'eau et la capacité de naviguer ce qui induit dans le
milieu maritime et donc inclues les périls de mer.
Quant au Professeur Awa SAM-LEFEBVRE, la
définition est plus pragmatique et viendrait même englober la
technologie nouvelle dont le drone sera équipé. Celui-ci se
confondrait alors comme un « ensemble de dispositifs technologiques
interconnectés à très forte valeur ajouté,
destiné à la navigation maritime et à bord duquel des
personnes peuvent ou non embarqué ». Les critères
principaux du navire sont alors remplis et la définition est
précise afin d'englober les spécificités du drone
maritime, notamment l'absence de personnes à bord avec la
possibilité pour ce dernier d'être télépiloté
depuis le rivage.
Au regard des définitions internationales, il
n'en faudrait sûrement pas beaucoup plus pour qualifier le drone dans la
multitude des bâtiments de mer.
Le législateur français de son
côté tente des approches timides mais présentes
malgré tout. Pourtant un terme vient pourtant émettre beaucoup de
doute quand à l'adaptation de l'article L5000-2. C'est le terme «
équipé » qui induit une certaine autonomie. Cette
dernière n'est pas sans rappeler une autonomie vis-à-vis de la
présence humaine qui permettrait d'inclure le drone maritime. Il
s'agirait alors de l'autonomie au sens de la non-habitation du navire qui
tomberait alors dans la qualification de navire sans
équipage.
D'un autre point de vue « équipé
» peut signifier le besoin exprès d'un équipage. Cette
question sera réglée par la présence de règles
contraignantes à l'existence d'un navire fantôme23. La
question se pose alors de savoir si cette autonomie peut se passer
d'équipage.
23 Infra conclusion du
mémoire.
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Il est possible de proposer une définition
alternative à celle existante. Le drone maritime serait « Tout
engin flottant, construit et équipé matériellement pour la
navigation maritime opéré par un télépilote ou IA
pouvant ou non accueillir des personnes à son bord. », ainsi
tous les éléments essentiels du drone son présent et il a
été vu que la dimension ou l'affectation importait peu dans la
qualification de navire.
Que le choix soit d'opter pour une définition
du statut ou simplement considérer que le drone maritime est un navire,
la doctrine est unanime quand au fait que ce dernier est un navire s'il n'est
pas l'accessoire d'un autre navire. Ce qui implique une application du droit
maritime mais la question est de savoir si ce droit ne méritera pas des
modifications profondes. Finalement, le drone peut-il juridiquement naviguer
comme le navire fantôme que la technologie actuelle est en phase de nous
offrir ?
Il faudrait créer un régime complet des
drones car tout est à faire mais pas sans inspiration. Il faudra alors
prendre en compte le droit maritime existant et inclure les droits nouveaux qui
vont faire leurs apparitions avec les nouvelles technologies. Peut-être
alors que le drone totalement autonome pourra être
considéré comme un robot doué d'une intelligence
artificielle. Les champs sont ouverts mais la qualification à des
conséquences qui semblent parfois atténuées par des
nécessités actuelles.
Mais il existe un obstacle juridique à
l'avènement du drone maritime sur les océans du globe à
des fins commerciales de transports de marchandises, de passagers mais encore
pour des activités de plaisance. Cette présence est
imposée par de nombreux instruments juridiques mais les conventions
internationales sont en première ligne et voient ainsi des applications
avec de légères variantes au sein des ordres juridiques
nationaux.
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