Section 3 - Des exigences humaines contestables
Ces exigences relèvent notamment de la demande
d'un effectif minimum détaillé à l'article L.5522-1 du
Code des transports et de la convention international dont il s'inspire (I).
Cette présence se situe dans le Code des transports dans le même
chapitre inhérent au devoir de veille, ce qui pose la question de savoir
si la présence humaine est requise pour cette veille (II).
I. Un effectif minimum contraignant
En France, il s'agit d'une codification récente
de règles internationales notamment présentes dans les principes
de l'OMI. Ces principes se dégagent de la résolution
d'Assemblée n°890
31
adopté le 25 novembre 199924. On y
trouve des lignes directrices concernant la détermination de l'effectif
minimum, il y a notamment une série de critère afin de
déterminer cet effectif comme la taille et le type de navire, le nombre
et le type de propulsion, la construction et l'équipement du navire, la
méthode de maintenance utilisée, les marchandises
transportées, la nature et la longueur du voyage, les eaux dans
lesquelles le navire évolue, l'extension des formations
effectuées à bord et enfin le besoin de repos de
l'équipage25.
Ces principes, non contraignants, invitent donc
à la présence d'un équipage quand bien même
certaines de ces règles s'appliquent directement à
l'équipage lui-même. Il faut alors se demander si la règle
concernant le repos de l'équipage ne pourrait pas être
évincée pour l'accueil du drone maritime. En parallèle les
règles de maintenance devraient être nécessairement
renforcées car les caractéristiques d'un navire sans
équipage et qu'il doit être parfaitement opérationnel et
fonctionnel afin de naviguer. Le point 3 de ces lignes directrices vise donc
l'objectif d'assurer la bonne direction du navire ainsi que de prévenir
les risques pour l'environnement. L'annexe 2 de ces principes détermine
également un devoir de formation de cet équipage26.
Encore une fois, l'OMI aura tout intérêt à
s'intéresser à ce nouvel objet afin d'en tirer les
conséquences.
Antérieurement à ces principes la
Convention SOLAS du 1er novembre 1974 établie des
règles qui s'intéressait non pas directement à
l'équipage ni aux passagers mais aux embarcations de sauvetage. Il faut
donc s'interroger pour savoir si l'imposition de ces embarcations ne
sous-entendrait pas l'obligation d'un équipage à bord. La
règle 27 dispose notamment que « navires à passagers
effectuant des voyages internationaux [...] devront porter des embarcations de
sauvetage de chaque bord » ce qui une fois de plus crée le
doute dans la possibilité d'action d'un drone maritime.
En France le Code des transports est plus claire
même s'il limite d'autant plus la possibilité de voir naviguer un
navire sans équipage. Il faut noter que l'article27 n'a
été incorporé qu'en 2013 et s'inspire probablement des
conventions existentes. Ce dernier dispose que « Tout navire est
armé d'un effectif de marins [...] pour garantir la
sécurité et la sûreté du navire
».
24 RESOLUTION A.890(21) adopted on 25 November 1999
PRINCIPLES OF SAFE MANNING
25 Paul W. PRITCHETT,
Ghost Ships: Why the Law Should Embrace Unmanned Vessel Technology, 40 Tul.
Mar. L.J. 197, 226 (2015)
26 Infra Partie 2, chapitre
1.
27 Article L5522-2 du Code
des transports
32
Ainsi un autre obstacle est évoqué au
sein de cet article car la présence humaine doit permettre de
répondre au « respect des obligations de veille
».
II. Un devoir de veille trop exigent pour le drone
maritime mais essentielle
La Convention SOLAS établit de multiples
veilles qui permettent une surveillance et une attention portée aux
aléas qui pourraient générer un risque pour le navire
entier ou ses passagers. Ainsi par exemple la présence humaine est
requise lorsque le navire est en mer pour « au moins un officier
radioélectricien et, s'il n'est pas muni d'un auto-alarme
radiotélégraphique, doit, sous réserve des dispositions du
par. d de la présente Règle, faire assurer un service
d'écoute permanent sur la fréquence
radiotélégraphique de détresse par un officier
radioélectricien utilisant un casque », c'est-à-dire
qu'une veille radiographique existe d'après la Convention.
La Convention COLREG28 à des
objectifs de veille sur la conduite même du navire. C'est au sein d'une
section 1 dénommée « Conduite du navire dans toutes les
conditions de visibilité » que la convention énonce des
règles qui prête à confusion et demande une forte
interprétation juridique afin de connaître ou non la
possibilité d'établir cette veille via d'autres moyens que la
vision humaine. La Convention dispose que « Tout navire doit en
permanence assurer une veille visuelle et auditive appropriée, en
utilisant également tous les moyens disponibles qui sont adaptés
aux circonstances et conditions existantes, de manière à
permettre une pleine appréciation de la situation et du risque
d'abordage », ce qui est assez ambigüe car s'il est
accordé une convention dans les instruments de veilles non-humains
disponible de nos jours, la Convention ne semble pas aller à l'encontre
de l'absence d'équipage.
L'article L.5522-4 du Code des transports reprend
presque mot pour mot cette définition de la veille et dans les deux
définitions c'est le terme « appropriée » qui pourrait
faire tout basculer car ce dernier est fortement soumis à
interprétation. Il dépend donc du degré des
possibilités techniques et doit être soumis à des
appréciations scientifiques plus que juridique. Ces règles n'en
restent pas moins des barrières pour le lancement du navire sans
équipage à des fins commerciales ou
plaisancières.
28 Convention de Londres le
20 octobre 1972 sur le règlement international pour prévenir les
abordages en mer.
33
De plus les qualifications de veilles sont
encadrées par la Convention STCW29 notamment par voie de
délivrance de brevet de veille. Elle permet de remplir des objectifs de
formations et la question est de savoir si elle pourra s'appliquer au
télépilote ou à défaut de celui-ci à un
auxiliaire de pilotage affecté à la
veille30.
29 Convention on Standards
of Training, Certification and Watchkeeping for Seafarer, de l'OMI, en date du
7 juillet 1978.
30 Infra Partie 2 Chapitre
1
34
|