L'identification juridique du navire sans équipagepar Pierrick ROGE Université de Nantes - M1 Droit européen et international 2018 |
Section 2 - Une approche juridique issue des aéronefsIl est possible d'appréhender juridiquement le drone maritime en l'inspirant des définitions existantes provenant du domaine aérien (I) avant de tenter d'y ajouter des critères du droit maritime sans pour autant s'attacher strictement au navire (II). I. L'existence de définitions Comme il a été vu dans l'introduction le drone est une notion qui s'est développée dans le domaine de l'aéronautique. Le droit anticipe rarement l'apparition des nouvelles technologies et ce dernier se trouve bien souvent dans l'obligation de s'adapter rapidement face aux problèmes qui surviennent. Mais le drone s'adapte-t-il aux aéronefs ? En vérité, l'adaptation est aujourd'hui plutôt avancée concernant les aéronefs. D'une part, l'article définissant les aéronefs est probablement assez large pour englober le drone en tant que tel. En effet l'article L 6100-1 du Code des transports dispose que « Est dénommé aéronef [...] tout appareil capable de s'élever ou de circuler dans les airs ». Cette définition ne fait 5 R V BAGGETT, Justice Toy of BC's Supreme Court adopted the Shorter Oxford Dictionary; «Moyens de transport avec roues ou sur rails», traduction de P.ROGÉ 6 P. W. PRITCHETT, Ghost Ships: Why the Law Should Embrace Unmanned Vessel Technology, 40 Tul. Mar. L.J. 197, 226 (2015); «Technologie de véhicule non habité» 19 pas non plus état de l'obligation pour l'aéronef d'être, ou non habité. Les lois applicables n'avaient plus qu'à ajouter les dispositions précises sur le drone. D'autre part, le drone à fait une apparition progressive et continue de s'étendre dans ce domaine. La première évolution s'accorde à définir le drone comme « des aéronefs qui circulent sans aucune personne à bord » ou plus simplement des drones aériens. C'est un arrêté en date du 11 avril 2012 qui vient donner la première approche d'une définition légale de ce type de véhicule en France7. Notamment dans son article deux qui vient établir et lister les différentes définitions relatives aux drones et aux notions qui l'entourent. Ces dernières sauront probablement trouver une place en étant adaptées au sein d'une législation concernant le drone maritime. L'article 2 de l'arrêté, dans son premier point, dispose qu'un « aéronef télépiloté est un aéronef qui circulent sans personne à bord. », c'est-à-dire que la première définition d'un drone en France limite ce dernier dans le champ d'action de l'espace aérien sans prendre en compte de futures extensions à d'autres milieux (Terrestre mais surtout maritime) et intègre l'unique critère de la non-habitation de ce dernier. Mais qu'en est-il du pilotage ? Le deuxième point de l'article deux vient répondre à cette question en intégrant les accessoires du drone. Ces accessoires comprennent notamment « les éléments servant à sa commande et son contrôle depuis le sol », le tout forme le « système d'aéronef télépiloté ». Enfin le dernier point intéressant est la requalification du pilote en télépilote qui sera abordée plus tardivement8. En revanche ces appareils ne trouvent pour le moment aucune application commerciale possible et reste cantonné à des applications civiles. Il en est de même pour les anglo-saxons qui viennent établir une définition similaire du drone comme « device used or intended to be used for flight in the air that has no on-board pilot »9. En 2016, l'évolution est devenue législative, est à en conséquence intégrée le Code des transports. La loi 24 octobre 2016 relative au renforcement de la sécurité de l'usage des drones 7 Arrêté du 11 avril 2012 relatif à la conception des aéronefs civils qui circulent sans aucune personne à bord, aux conditions de leur emploi et sur les capacités requises des personnes qui les utilisent 8 Infra Partie 2 Chapitre 1 du mémoire 9 Aviation Safety Unmanned Aircraft Programme Office, 2008, in McBride Paul. Beyond Orwell: the application of unmanned aircraft systems in domestic surveillance operations. Journal of Air Law and Commerce Summer 2009;74(3):627-62, 628 20 civils10 vient intégrer officiellement un encadrement de l'aéronef non-habité. Ainsi il est possible de retrouver à diverse articles les termes d'aéronef circulant sans personne à bord et de télépilote qui risque fort d'être les éléments centraux de la notion de drone maritime. Mais la question se pose de savoir si un drone, d'après la définition que nous en avons vue jusqu'alors peut être maritime. C'est une approche qui vise pour le moment à se détacher de la notion de navire et de permettre éventuelle une approche constructive sur le drone et son adaptation juridique au milieu marin. II. La possibilité d'un drone maritime En France l'article L. 5000-1 du Code des transports dispose de ce qui est considéré comme maritime. Il précise donc que pour appliquer les règles du droit maritime il faut une navigation de surface ou sous-marine. La navigation elle-même est donc une obligation à remplir pour l'application des règles spécifiquement édictées en droit maritime. Alors qu'est ce que la navigation ? Il faut donc définir ce qu'est la navigation. Communément, le dictionnaire définie la navigation comme l'action ou le fait de déplacer sur l'eau, dans l'air ou dans l'espace11. En droit la notion est un peu plus indirecte car il n'est fait aucune mention de cette notion de déplacement. En revanche, elle est très orientée sur deux critères qui trouveraient une application à la qualification française de drone. D'une part la navigation maritime est d'après l'article précité « celle pratiquée en mer, estuaires et cours d'eau », il s'agit donc d'une détermination de l'environnement dans lequel le véhicule évolue, ce qui permet d'imaginer que si un véhicule est affecté à la pratique de la navigation en mer ce droit s'applique alors à lui. L'article précise encore « du premier obstacle à la navigation des navires », cette formulation est large mais listés par voie règlementaire vient peut-être limiter une éventuelle définition autonome du drone maritime. L'article vient rappeler, peut-être maladroitement que les environnements qui sont décrit au sein de cet article et de la liste issues du règlement viennent s'appliquer au navire. C'est un premier obstacle à une création juridique indépendante car le législateur oblige pour le moment à raisonner sur le navire lui-même. 10 Loi n° 2016-1428 du 24 octobre 2016 relative au renforcement de la sécurité de l'usage des drones civils 11 Larousse, définition de navigation, http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/navigation/53946. 21 D'autre part, le critère habituel. La question se pose savoir si ce critère pourrait annuler l'effet de la mention du navire dans l'article concerné. La navigation maritime semble celle qui se pratique habituellement en mer quelque soi son objet12. Ainsi un drone qui se déplacerait en mer habituellement pourrait alors se voir appliquer les règles de droit maritime. Il serait alors un drone maritime qui évoluerait juridiquement indépendamment de la définition de navire qui est la notion clef qui déclenche l'application de ce droit dérogatoire. Ainsi pour prendre en considération l'article complètement, si un drone est affecté principalement à la navigation maritime, à l'instar du navire, sa navigation fluviale sera accessoire. Le droit maritime est-il applicable au drone maritime ? Le Doyen RODIÈRE disait que le droit maritime était « l'ensemble des règles juridiques relatives à la navigation qui se fait sur mer ». Comme il a été vu en amont, la navigation plutôt que de se concentrer comme pour le véhicule sur l'aspect de déplacement prend, en droit, une considération de l'environnement plus que de l'objet lui-même. Cela n'est pas surprenant compte tenu que ce qui fait la spécificité du droit maritime n'est pas l'objet lui-même tel que serait le drone ou le navire mais bel et bien les risques que la navigation en mer engendre. Il faudrait alors juxtaposer la notion de drone maritime comme cela a été fait pour le drone aéronef civil mais il faudra alors que la définition et ses règles spécifiques soient beaucoup précises car le drone maritime aurait une application commerciale relativement développé13. Mais l'évocation de l'existence de ces risques n'est pas un critère sans notion. Si on établit la liste des critères on s'approche probablement de la définition de navire de l'article L 5000-2 du Code des transports. Il faudra alors opérer un choix entre modifier des règles de droit existantes aux fins de les adapter à une notion totalement nouvelle. Celle-ci se verrait alors doté de règles spécifiques au-delà du droit maritime. Au-delà des risques le Code de commerce lui, vient limiter la matière commerciale de la navigation. Ainsi est un acte de commerce « Toute entreprise de construction [...] de bâtiments pour la navigation intérieure et extérieure »14. L'article est intéressant car il ne 12 Alain LE BAYON, Dictionnaire de droit maritime, Presse Universitaires de Rennes, 2004, Navigation maritime. 13 Supra, Introduction 14 Code de commerce 2016, article L 110-2. mentionne pas le navire en tant que tel mais la notion de « bâtiment » qui elle est beaucoup plus large et permet d'accueillir diverses engins ou installations maritimes. Ce qui pourrait être une approche supplémentaire de la notion de drone si celle-ci devait complètement se détacher de celle du navire. Pour terminer, il est possible de dire que l'absence de définition générique du drone permettrait une application répartie entre les différents domaines15. Ainsi d'après ce qui a été vu il est permis de croire qu'une définition d'un drone maritime soit tout à fait possible mais cette dernière peut-elle s'accommoder, à l'instar du droit aérien, d'une approche qui reprend la définition même du véhicule concerné ? Un aéronef peut être non habité depuis peu mais du point de vu du navire il convient d'étudier les critères pour savoir comment les définitions s'articulent. De manière plus précise, il faut envisager de juxtaposer le drone maritime à la définition, encore discutée de navire. 22 15 Ces domaines étant : Terrestre, maritime ou aérien voir même spatiale. 23 |
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