L'identification juridique du navire sans équipagepar Pierrick ROGE Université de Nantes - M1 Droit européen et international 2018 |
Section 2 - Les enjeuxLes avantages sont probablement plus nombreux que les inconvénients. Il s'agit de voir de manière différenciée quels sont les avantages que peut apporter le drone maritime dans une application mercantile, ou plus précisément pour les drones qui seraient utilisés pour le transport de marchandises ou encore le transport de passagers. Sa polyvalence n'est donc pas à démontrer contrairement à la possibilité d'en faire un objet juridiquement viable pour le commerce et les inconvénients sont alors plus juridiques que techniques. I. Les avantagesL'avantage le plus important, même s'il sera à nuancer avec le transport de passagers c'est la suppression du risque humain en mer. Le drone qu'il soit contrôlé à distance par un opérateur sur le rivage ou qu'il soit complètement autonome ne fait pas prendre pas de risques à un équipage et son capitaine. Cette absence de risque nous permettra dans ces développements d'écarter la question des responsabilités renforcées d'autres acteurs tel que l'armateur, le propriétaire du navire et le régime de limitation de responsabilité qui s'en trouvera probablement changé. L'aspect social du droit maritime est également visé. La question se posera de savoir si, en conséquence le droit social maritime est voué à disparaître, notamment au travers de la question du statut du télépilote6. Mais concernant l'avantage humain en particulier, cela 5 « Véhicule de surface sans équipage », traduction de Pierrick ROGE 6 Infra Partie 2, Chapitre 1 du mémoire 10 éviterait ou évitera, non seulement aux marins et également les travailleurs en mer de faire face aux dangers que nous pouvons qualifier de courants dans le milieu maritime. Ces dangers ont de multiples origines : ils sont d'abord des dangers de mer qui s'apparentent aux tempêtes ou aux collisions avec certains obstacles. Les dangers de mer ne sont pas moins nombreux qu'avant si ce n'est le contraire avec l'augmentation des catastrophes naturelles en raison des changements climatiques, impactant directement la vie à bord. D'autres risques sont d'ordre humains, comme la pollution ou des actes de banditismes (qui peuvent recouvrir la piraterie). Mais il peut être également relevé l'isolement vécu par les gens de mer. Concernant les collisions, ces dernières ne sont pas que la conséquence d'aléas climatiques ayant entrainé une avarie. Il peut également s'agir de la collision entre deux navires soit en des termes maritimes : un abordage7 qui très souvent relève d'erreurs humaines8. Mais les collisions ne sont pas nécessairement entre deux navires et les questions relatives à l'abordage ainsi qu'au régime de responsabilité seront écartées de l'étude du drone maritime. Ces risques et dangers ont pour réponse un ensemble de règles de navigation et de sécurité maritime qui économiquement entrainent des coûts plutôt élevés afin de prévenir les dangers et préparer les comportements à prendre en cas de crise. Il faut donc former un personnel marin, des gens de mers capable de réagir selon les règles établies. Ces règles ont pour objectif de protéger à la foi les personnes à bord, marins, travailleurs en mer ou le capitaine mais également la cargaison qui revêt une importance économique capitale pour l'expédition maritime. Le navire sans équipage pourrait éviter les collisions qui sont du fait des erreurs humaines. Ces erreurs relèvent notamment de la fatigue, de communication inadaptée et d'un manque de connaissances malgré les formations spécifiques9. Ces collisions interviennent malgré des espaces mieux contrôlés avec une règlementation admise et appliquée10 qui servirait d'ailleurs aux drones maritimes de surface. Mais la question se pose de savoir si les textes juridiques 7 Loi du 7 juillet 1967, en application de la Convention du 23 septembre 1910 sur le régime de l'abordage. 8Voir également : Règlement international pour prévenir les abordages en mer (COLREG), établi par la Convention de Londres du 2 octobre 1972. 9 Voir Anita M. Rothblum, Human Error and Marine Safety, BOWLES-LANGLEY TECH.1, http://bowles-langley.com/wp-content/files mf/humanerrorandmarinesafety26.pdf 10Convention internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS), adoptée le 1er novembre 1974; entrée en vigueur : 25 mai 1980 à propos des normes minimales de construction, d'armement et d'exploitation du navire 11 internationaux et nationaux du droit maritime permettent au navire sans équipage de faire son arrivée pratique sur les océans. Dans un second temps le drone se fera l'économie de l'équipement de sécurité qui est nécessaire à l'application des règles de sécurité précitées. Cet équipement obligatoire est un coût supplémentaire dans l'expédition maritime mais il reste, bien heureusement nécessaire à la sécurité de vies humaines à bord. Peut-être est-il envisageable que ce dernier puisse être remplacé aux fins de répondre au devoir impératif d'assistance. Ce point nous amène donc à la question de la simple économie de l'équipage. L'équipage est parfois engagé pour une durée de plusieurs mois à bord du navire ce qui induit un certain nombre d'obligation de la part de l'employeur qui est bien souvent l'armateur du navire. Ces obligations concernent un devoir d'alimentation des marins, un cadre de vie permettant le repos du marin ce qui signifie un lieu de couchage et de vie dans un but de bien être pour le marin. Ces obligations sont d'ailleurs encadrées et renforcées par la Convention du travail maritime de 2006 dont l'application se pose pour le télépilote, qui lui est un opérateur à terre. Economiquement l'équipage représente donc sûrement l'un des coûts les plus élevés. Mais son absence permettrait également un gain de place dans la conception du navire. Il y aurait alors une augmentation de la capacité du navire en termes de transport de marchandises. Des « sous-avantages » se présente alors aux développements déjà effectués. Mais ce n'est pas parce qu'ils s'ajoutent à ces notions qu'ils sont pour autant moins important. Bien au contraire ces « sous-avantages » s'inscrivent dans des objectifs aujourd'hui majeurs de l'économie mondiale qui ne sont pas uniquement maritimes. Il s'agit de l'aspect environnemental. Alors l'absence d'équipage à bord éviterait l'installation de systèmes qui permettent la vie à bord et qui ne sont pas sans consommer le carburant nécessaire à l'expédition ce qui induit nécessairement une pollution atmosphérique. De plus, les infrastructures nécessaires à la vie à bord font un certains poids, ce poids ne serait pas équivalent à une quantité supérieure de marchandise. Il est également prouvé qu'un engin moins lourd consomme moins de carburant11. Autrement, les conceptions à venir s'inscrivent dans la volonté d'un navire du futur bien plus propre ou même complètement propre. Cela suppose donc que dès la conception, il soit prévu 11 Voir Evan Ackerman, Unmanned Cargo Ships Face Industry Resistance, Are a Good Idea Anyway, IEEE SPECTRUM (Feb. 27, 2014, 4:27 PM), http://spectrum.ieee.org/automaton/robotics/industrial-robots/unmanned-cargo-ships-face-industry-resistance-are-a-good-idea-anyway 12 que le navire pourra être démantelé proprement. C'est alors que le navire ou le drone sera conçu en compartiments imbriqués les uns aux autres permettant un montage tout aussi bien qu'un démontage facile accompagné de matériaux respectueux de l'environnement. Le recyclage des drones ne devra pas renforcer le problème actuel des démantèlements qui déjà couteux et peu pratique entrainent des dérives catastrophiques pour l'environnement. La propulsion elle aussi est concernée par cet aspect car le drone en tant que navire du futur est envisagé aujourd'hui comme devant être propre tant pour l'atmosphère que l'environnement marin. Ainsi il est envisagé des drones maritimes avec une propulsion électriques alimenté par panneaux solaires. Evidemment la rapidité en devient alors un des inconvénients mais face aux enjeux actuels la question se pose à chacun de savoir s'il préfère un voyage long et couteux tant sur le plan financier ou environnementale ou s'il ne sera pas préférable d'envisager un choix plus responsable. Un des objectifs est la réduction des accidents maritimes qui aurait pour origine, concernant 75% à 96% d'entre eux, des erreurs humaines12. Ces erreurs proviendraient notamment de la fatigue du personnel et résulterait d'une communication inadaptés entre les opérateurs. S'ajoute également un apprentissage inadapté des connaissances techniques13. Un drone maritime connecté serait donc un avantage. Le fait d'être attaché à des ordinateurs permet un calcul constant de la vitesse nécessaire afin de gérer les flux et la capacité des moteurs. De plus le contrôle des pannes devra s'effectuer d'un poste à terre. Ce qui dans un sens laisse penser que le drone totalement autonome n'est pas encore une réalité abordable contrairement au drone maritime télépiloté. En termes d'utilités autres qu'économiques, il existe une volonté de transformer certaines zones en patrimoine commun de l'humanité. C'est notamment la volonté de certaine ONG qui voudraient la création et la protection de ces zones en haute mer14. La protection pourrait alors être effectuée par une surveillance d'un ou plusieurs drones maritimes qui effectueraient des circuits en étant accompagné de systèmes de vidéosurveillances à leurs bords. Finalement les désavantages des navires d'aujourd'hui pourront être effacés ou limités. C'est peut être là l'aspect à retenir du drone maritime. Tout est à construire et il semble que ce 12Dr Anita M. Rothblum, Article « Human Error and Marine Safety : http://bowles-langley.com/wp-content/files mf/humanerrorandmarinesafety26.pdf 13 Paul W. Pritchett, Ghost Ships : Why the Law Should Embrace Unmanned Vessel Technology, 40 Tul. Mar. L.J. 197, 226 (2015) 14 Intervention de Serge Beslier sur la gouvernance des océans au Séminaire International HUMAN SEA du 26 octobre 2017 à Nantes. 13 nouveau départ soit l'occasion d'envisager un environnement marin plus respectueux de l'environnement et moins risqué pour l'Homme. |
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