Section 2 - Un statut assimilable à celui du
capitaine
Dans la configuration envisagée jusqu'ici le
télépilote sera le seul opérateur à avoir la
direction du drone maritime ce qui permet d'émettre une comparaison avec
la qualité de pilote qu'il s'agira d'appréhender en
corrélation avec la qualité de capitaine au regard des
responsabilités qui existent afin de déterminer si un changement
ou une évolution sera nécessaire.
A cette fin il est obligatoire d'envisager l'ensemble
des fonctions et attributions qui pourront être dévolues au
télépilote (I). Ces dernières permettent de
déterminer à quel degré de responsabilité ce nouvel
acteur sera soumis (II).
I. L'étendue des compétences du
télépilote
Il ne s'agit plus de refaire l'histoire et
d'évoquer les circonstances qui ont fait que le capitaine est un acteur
aussi important de nos jours même si cela doit être
relativisé avec la réduction de
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ses attributions commerciales qu'il conserve
malgré tout16. Cette réduction provient du fait que le
capitaine est devenu le préposé de l'armateur au sens de
l'article 1242 alinéa 5 du Code civil17, et que ses pouvoirs
fussent limités tant sur sa capacité à agir concernant le
degré de « besoins normaux du navire »18
ou encore sur les possibilités d'engagement au nom de
l'armateur19.
L'apparition du télépilote ne pourrait
qu'achever la perte de cette fonction qui disparaît peu à peu,
conséquence des nouvelles techniques de communications.
Au-delà de la perte de cette attribution le
télépilote ne pourra reprendre l'intégrité des
fonctions qui sont aujourd'hui assignées au capitaine. Les raisons
semblent logiques car du fait de l'absence des personnes à bord, ce
dernier n'aurait pas à avoir des fonctions relatives à
l'organisation du travail à bord entre les marins. Ainsi il en sera de
même des exigences relatives à leur sécurité
à bord.
Quid alors des attributions judiciaires ? Concernant
ces attributions il suffit de reprendre l'adage latin « Ubis societas, Ibi
jus »20 afin de conclure sur l'absence de ces dernières
pour le télépilote, à considérer que
l'équipage forme une micro société à bord du
navire.
Concernant la nationalité la règle est
en vérité relativement simple car l'article L. 5522-1
alinéa 2 prévoit que le capitaine peut être un
ressortissant d'un Etat-membres de l'Union européenne.
La question de la représentation du pavillon
reste entière mais il est possible d'imaginer que le navire sans
équipage soit attaché à une exigence de commande depuis le
territoire d'un Etat-membres de l'Union européenne. Il s'agirait donc de
faire du télépilote et du drone maritime un ensemble unique afin
de simplifier l'articulation entre ces régimes.
En revanche les attributions dites techniques ou
relatives à la conduite et à la sécurité du navire
entre évidemment de plein droit dans les fonctions qui vont être
dévolu au télépilote. La particularité étant
que ces attributions permettent également de prendre « toutes
les mesures nécessaires et adaptées en vue d'assurer la
préservation du navire et sa cargaison et
16 Article L. 5412-8 du Code
des transports
17 Statut du capitaine,
Civ. 18 juin 1951 sous l'article L. 5412-2 du Code des transports sur la
désignation du capitaine par le propriétaire du navire ou
l'armateur et de la répartition des responsabilités entre ces
derniers et lui-même.
18 Article L. 5412-3 du Code
des transports
19 Article L. 5421-4 du Code
des transports
20 Traduction «
Là où il y a une société, il y a du droit »
par P. ROGÉ
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des personnes se trouvant à bord
»21. S'en déduit logiquement une attribution
relative à la conduite même du navire durant le voyage qui sera
l'apanage du télépilote. Néanmoins la question de
l'absence d'un pilote à bord pour l'entrée dans les zones
portuaires reste entière même si pour des raisons évidentes
de sécurité, la présence de ce dernier accompagnée
d'une communication stable avec le télépilote pourrait permettre
de respecter les règles actuellement en
vigueurs22.
De manière plus pragmatique, le capitaine est
« le patron ou toute autre personne qui exerce le commandement de
faire du navire »23 ce qui correspond en partie à
la fonction essentielle qui sera accordée au télépilote
même si cette dernière se fera à distance.
Il reste néanmoins à dégager la
responsabilité de ce dernier qui sera probablement à l'instar du
droit social imaginé, hybride car il ne saurait être admis dans
une des cases existantes.
II. Des responsabilités quasi-identiques à
celles du capitaine
D'une part il convient d'opérer des
comparaisons avec les régimes de responsabilités contractuelles
et extracontractuelles :
Contractuellement, le principe issu de l'article L.
5412-2 du Code des transports est qu'il « répond de toute faute
commise dans l'exercice de ses fonctions », ce qui signifie que le
capitaine est responsable envers l'armateur lorsqu'il manque à ses
obligations, c'est-à-dire en cas de faute lourde24, ce qui
dans le droit commun s'exprime par une intention de nuire à l'employeur
et donc en l'espèce à l'armateur. L'hypothèse est
malgré tout rarement envisagée car le capitaine est
considéré comme étant le préposé de
l'armateur au sens de la jurisprudence de 195125. La
responsabilité contractuelle devrait alors être parfaitement
calquée pour le télépilote car il existe peu de
différence entre le droit social maritime et le droit social
terrestre.
Concernant la responsabilité
extracontractuelle, la question est également simple puisque le
capitaine est considéré comme étant un
préposé tel que le sera le télépilote. En
conséquence le régime applicable sera celui de l'article 1242
aliéna 5 du Code civil dont on peut tirer que le capitaine et par
projection le télépilote exerce le commandement, non la garde de
la chose. Il
21 Article 28 du code
disciplinaire et pénal de la marine marchande abrogé par
l'ordonnance du 2 novembre 2012 mais qui illustre bien cette
attribution.
22 Article D. 5412-6 du Code
des transports
23 Article L.5511-4 du Code
des transports ; Soc. 15 mars 1972
24 Soc.18 janvier
2011
25 Civ. 18 juin 1951, Navire
Lamoricière
ne faudrait pas oublier la prise en compte de la
jurisprudence Costedoat26 de la Cour de Cassation qui précise
que le préposé n'engage pas sa responsabilité à
l'égard des tiers s'il n'excède pas les limites de ses missions.
C'est-à-dire que le télépilote, à l'instar du
capitaine n'engagerait pas sa responsabilité civile en cas d'abordage
s'il a agit dans la mission de commandement du navire sans équipage.
Cela signifie que la responsabilité civile pourra être
considérée si le télépilote commet une
infraction27 ou une faute intentionnelle.
D'autre part, la responsabilité pénale
peut être recherchée dans le cadre de cette infraction qui peut
être par exemple le non-respect du RIPAM28. Concernant la
responsabilité pénale issue d'atteintes à l'environnement
la question ne devrait pas se poser considérant que le drone maritime
dans l'idéal se voudra comme répondant aux objectifs
environnementaux recherchés dans le domaine maritime. Néanmoins
le télépilote ne pourrait être tenu pour responsable de
rejets polluants directement de son fait et encore moins concernant
l'évacuation d'ordures en mer29. Il faudra alors se reporter
exclusivement sur l'armateur ou le propriétaire du navire sans
équipage qui n'aura pas été assez diligent dans
l'entretien de ce dernier mais le sujet de cette responsabilité ne sera
pas abordé ici.
Une dernière infraction peut faire l'objet de
sanction pénale grave. Il s'agit du refus d'assistance qu'il s'agira
d'étudier sous ses différents aspects. Néanmoins la
question restera à traiter sur le bénéfice de la
limitation de responsabilité.
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26 Assemblée
Plénière, 25 février 2000, Costedoat
27 Assemblée
Plénière, 14 décembre 2001, Cousin
28 Supra Partie 1 du
mémoire
29 Article L. 218-11 et L.
218-15 du Code de l'environnement
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