E - REVUE DE LA LITTERATURE
« La revue de la littérature vise à
identifier les auteurs et surtout les ouvrages et les articles scientifiques
(...) qui ont façonné la connaissance dans une discipline
donnée sur un sujet précis »39. L'ascension
des conflits armés dits non internationaux et les préoccupations
d'ordre économique, politique, sécuritaire, humanitaire, et
surtout juridique ont inéluctablement poussé les
théoriciens du droit à se pencher sur ce type de conflit.
Le Professeur KATIA BOUSTANI, dans un article intitulé
« la qualification des conflits en droit international public et le
maintien de la paix » éclaire. Les acteurs majeurs dans un
conflit armé à caractère non international sont les
combattants et les groupes armés. Mais « combattants et groupes
armés ne sont pas nécessairement les seules parties
impliquées dans des affrontements se déroulant sur le territoire
d'un Etat : les ingérences et les interventions extérieures dont
ils bénéficient revêtent des formes variées qui
rendent plus délicates l' identification matérielle de ces
parties, l'étendue de leur participation au conflit et, en
conséquence, une qualification de la guerre sur des bases rendant compte
des réalités qui intéressent le maintien de la paix
»40 Cet auteur axe pour l'essentiel son analyse sur deux
points. Premièrement, il fait le contour des notions de guerre civile et
de conflit interne en droit international. Ensuite, il rend compte des
insuffisances et imprécisions voire même de l'inadéquation
de la distinction entre conflits armés internationaux et non
internationaux. Secondement, il récence les différentes parties
à un conflit intra étatique. A ce propos, il distingue les
insurgés de l'armée nationale laquelle peut cliver. Ainsi, une
partie dite loyaliste
38 WECKEL (P), « Le chapitre VII de la Charte et son
application par le Conseil de Sécurité. », A.F.D.I,
vol37, 1991. p. 166.
39 OLIVIER (L), BEDARD (G), et FERRON (J),
L'élaboration d'une problématique de recherche, Paris,
L'Harmattan, coll. « Logiques sociales », 2008, p.31.
40 BOUSTANY (K), « la qualification des
conflits en Droit international public et le maintien de la paix »,
R.Q.D.I, vol Québec, no 1, (1989-90), op.cit., p.39.
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Le régime juridique de l'insurrection: une
étude à partir des cas libyen et syrien
conserve son allégeance aux institutions et au pouvoir
en place, l'autre partie de l'armée tombe dans la dissidence. Cette
dernière est souvent qualifiée de rebelle, et s'unit aux
insurgés.
Le professeur SADIA TABASSUM, dans un article intitulé
« Des combattants, non des bandits : Le statut des rebelles en droit
islamique » fait la démonstration suivante. Il fait la
pertinente remarque selon laquelle, « le régime juridique qui
régit aujourd'hui les conflits armés non internationaux se heurte
à trois problèmes importants. »41 Tout
d'abord, les Etats n'aiment pas reconnaitre l'existence d'un conflit
armé à l'intérieur de leurs frontières. Même
quand ils en sont confrontés, ils préfèrent évoquer
des problèmes d'ordre public, et disent envisager de simples mesures de
police pour y remédier. Ensuite, le droit international est
généralement envisagé comme ne liant que les Etats. Il
apparaitrait donc difficile d'attendre des groupes armés et autres
acteurs non étatiques, un comportement conforme au droit des conflits
armés. Car « les groupes armés affirment eux-mêmes
qu'il est contre-productif de labelliser les acteurs armés
non-étatiques comme organisations terroristes et en même temps
d'attendre d'eux qu'ils respectent le droit international humanitaire.
»42 Enfin, le droit n'accorde pas la plupart du temps le
statut le statut de combattants aux insurgés. Ils restent donc soumis au
droit pénal de l'Etat contre lequel ils ont pris les armes.
Poursuivant son analyse, il explique que le droit islamique
opère la distinction entre une insurrection ou rébellion de type
Baghy et l'insurrection ou rébellion de type
Hirabah
Dans le premier cas, les insurgés armés,
récusent la légitimité du gouvernement ou du
système. Ils « se considèrent comme les
défenseurs de la justice, et ils affirment vouloir substituer au
système existant illégitime et injuste, un ordre nouveau
légitime et juste. »43 Cette insurrection de type Baghy,
est assujettie à deux conditions :
1) Qu' « un groupe puissant établit son
autorité sur une portion de territoire en défiant le gouvernement
(ce groupe dispose d'une capacité de résistance appelée
mana'ah), et
2) ce groupe conteste la légitimité du
gouvernement (son action possède une justification juridique, ou
ta'wil). »44 Ce type conflit est régit par le droit
de la guerre.
41 TABASSUM (S), « Des combattants, non des
bandits: Le statut des rebelles en droit islamique », R.I.C.R, Vol
93, 2011, op.cit. , p107.
42 KELLY(J), « Respecter et faire respecter
» : La mise en oeuvre des obligations du droit international
humanitaire par des groupes armés non-étatiques.
Mémoire de Master 2 Droit international public, Aix-Marseille
Université, 2012-2013, p.12.
43 TABASSUM (S), « Des combattants, non
des bandits: Le statut des rebelles en droit islamique », R.I.C.R,
Vol 93, 2011, op.cit., p.112.
44 Ibid. p.112.
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Le régime juridique de l'insurrection: une
étude à partir des cas libyen et syrien
Dans le second cas, les insurgés de type Hirabah
bien que prenant aussi les armes, ne contestent pas la
légitimité du Gouvernement. Cette rébellion est
traitée comme un délit de droit commun, et le droit pénal
du pays est appliqué à ceux qui y participent.
Le droit islamique reconnait la qualité de combattants
aux insurgés. Ces derniers bénéficient ainsi de tous les
corollaires de cette reconnaissance et peuvent ainsi d'une part, exercer leur
autorité notamment la collecte des taxes, l'exercice la fonction
juridictionnelle entre autre, sur la partie du territoire soumis à leur
contrôle (dar al-baghy ou pays des rebelles) et d'autre part
jouir de l'irresponsabilité à la fin des hostilités. Bien
que le droit islamique attribue la qualité de combattants aux
insurgés, il distingue néanmoins les insurgés musulmans
des insurgés non musulmans. Les règles relatives à
l'insurrection de type baghy ne sont pas applicables quand tous les
insurgés sont des non-musulmans. Ces règles ne s'appliquent que
quand des insurgés non musulmans sont rejoints par des insurgés
musulmans, ou quand tous les insurgés sont musulmans. Quand les
insurgés sont non musulmans, il est fait application du code
général de la guerre comme dans un conflit armé
international. Ainsi, ces insurgés non musulmans sont traités de
la même manière que le seraient les combattants d'une armée
ennemie quelconque. Mais qu'ils soient musulmans ou non musulmans, les
insurgés sont traités comme des combattants, et le droit de la
guerre leur est appliqué dans sa totalité. Cependant, si tous les
insurgés ou une partie d'entre eux sont musulmans, le droit impose un
certain nombre de restrictions à l'autorité du gouvernement. Par
exemple, il est interdit en droit islamique tant par le code
général de la guerre que par ses règles spéciales
relatives à la rébellion (baghy) de prendre des femmes
et des enfants pour cibles par contre, les règles applicables aux biens
pris à l'ennemi (ghanimah) ne s'appliquent pas à la
propriété des insurgés, qu'ils soient musulmans ou non
musulmans.
Le reproche que l'on peut faire aux arguments du Professeur
Sadia TABASSUM développés dans cet article est qu'il porte
uniquement sur le droit islamique, un droit qui est l'inspiration et
l'expression d'une confession religieuse. Or à la différence du
droit international, le droit islamique n'est pas de source conventionnelle
mais confessionnelle. Toute chose qui ne permet pas de faire la lumière
sur quelle sécurité juridique le droit international
réserve au phénomène insurrectionnel. Aussi, le Professeur
TABASSUM semble faire profil bas sur la question du jus ad bellum dans
les conflits armés non internationaux. Pourtant, cette question apparait
d'une indéniable importance car, elle donne de savoir si le recours
à la force armée est autorisé en droit interne. Dans
l'affirmative, qui est titulaire de ce droit et quelles sont les règles
qui encadrent son exercice.
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Le régime juridique de l'insurrection: une
étude à partir des cas libyen et syrien
Le Docteur ZAKARIA DABONE quant à lui dans un article
intitulé : « les groupes armés dans un système de
droit international centré sur l'Etat » a tablé sur ce
qu'il faut entendre par groupes armés. Ce sont ces derniers qui
s'insurgent contre les autorités gouvernementales. Pour cet auteur,
« Il n'existe pas en droit international un jus ad bellum
réservé aux conflits armés non internationaux (CANIs).
L'absence d'un jus ad bellum adéquat relatif aux situations internes
crée un transfert de la réglementation de l'usage de la force au
droit interne des États. Alors, c'est le droit interne qui fait office
d'un certain jus ad bellum13. Or, toute insurrection est interdite en droit
interne. Les insurgés seront en principe les violateurs du droit.jus ad
bellum13. Or, toute insurrection est interdite en droit interne.
»45 Dans son analyse, il montre que le groupe armé
est un élément déclencheur du jus ad bellum, mais
que ce dernier n'est pas titulaire d'un droit à la paix. Ce qui veut
dire que le groupe armé peut subir un recours à la force de la
part des forces gouvernementales.
Dans l'ordre juridique interne, le droit est du coté
des forces gouvernementales eu égard de la volonté du droit
international, de promouvoir l'unité et de l'indivisibilité de
l'Etat. Cette volonté est également manifestée afin de
protéger ce sujet principal du droit international qu'est l'Etat, dont
l'affaiblissement et les menaces à son existence ne vont pas sans
conséquences. C'est pour cette raison que les forces gouvernementales
répriment sévèrement les mouvements insurrectionnels. Dans
cette répression, « il arrive fréquemment qu'un Etat
consente à ce qu'un autre Etat mène une opération
militaire sur son territoire »46. Toutefois, le
caractère interne du conflit, n'empêche pas l'application du Droit
international humanitaire. Bien que ce droit « travaille à
sauvegarder le droit des autorités au pouvoir de réprimer le
simple fait de s'être rebellé »47
En dépit de sa pertinence, l'article du Docteur ZAKARIA
DABONE n'éclaire pas toutes les zones d'ombre définitionnelles
que peuvent encore cacher les notions d'insurgés, et de groupes
armés. Encore faut-il savoir quelles sont les règles de droit qui
doivent réellement s'appliquer dans cette circonstance. C'est ce
à quoi nous convie ERIC DAVID.
ERIC DAVID quant à lui, nous renseigne abondamment sur
les règles qui doivent s'appliquer en cas de conflit armé non
international. Il s'agit de : L'article 03 commun aux quatre conventions de
Genève de 1949, l'article 19 de la convention de la Haye de 1954 sur les
biens culturels, le protocole additionnel II aux conventions de Genève
de 1949, le
45 ZAKARIA (D), « les groupés dans
un système de droit international centré sur l'Etat »,
RICR, vol93, Genève, No 882, juin 2011, op.cit., p.88.
46 CORTEN (O), Le droit contre la
guerre, 2ème éd, Paris, éditions
A.Pédone, 2014, p. 193.
47 ZAKARIA (D), « les groupés dans
un système de droit international centré sur l'Etat »,
RICR, vol93, Genève, No 882, juin 2011, op.cit., p.88.
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Le régime juridique de l'insurrection: une
étude à partir des cas libyen et syrien
protocole II à la convention de 1980, tel que
modifié en 1996, et l'article 8 §2 c-f du statut de la CPI
adopté à Rome le 17 juillet 1998
Selon cet auteur, il existe deux types de conflit armé
interne qui en fonction du degré d'intensité, sont régis
soit par le protocole II aux conventions de Genève de 1949 et les autres
groupes de règles sus citées, soit par celles-ci à
l'exclusion du protocole II.
Les règles applicables à ces conflits internes
se modulent sur l'intensité du conflit. « Les conflits
visés par le protocole additionnel II et ceux visés par le statut
de la CPI ne sont pas identiques »48
Toutefois, pour que toutes ces règles s'appliquent, le
groupé armé devrait remplir trois principales conditions à
savoir : Avoir un contrôle effectif sur une partie du territoire,
être suffisamment organisé sous un commandement responsable,
capacité de mener des opérations militaires continues,
concertées, et enfin être capable de respecter le droit
international humanitaire
Dans le cas contraire, on serait simplement en présence
des situations de tensions internes ou de troubles intérieurs. Ces cas
au regard de l'article 1 paragraphe 2, du Protocole II aux conventions de
Genève de 1949 relatif à la protection des victimes des conflits
armés non internationaux, « ... ne sont pas
considérés comme des conflits armés
»49 et n'intéressent pas ledit Protocole. L'on
s'accorde donc avec ERIC DAVID, qui fait observer qu' « on regrettera
que les critères d'application du Protocole II soient
particulièrement restrictifs et que, concrètement, leur
réalisation soit quand même à une évaluation
fatalement subjective de la situation par l'organe qualifiant
»50.
La littérature reste dans l'ensemble assez critique sur
le droit d'ingérence et sur les conséquences de la guerre civile
syrienne et surtout libyenne. L'intervention de l'OTAN en Libye sous la
bannière du Conseil de sécurité avait pour mission comme
le réaffirme GUILLAME NICAISE, de « défendre une zone
d'interdiction de vol et protéger la population des effets d'une guerre
civile »51 . Mais cette mission « a manifestement
évolué, à mesure que divers dirigeants, comme les
présidents français et américain, la chancelière
allemande et le Premier ministre britannique, indiquaient que le maintien en
place du régime
48 ERIC (D), principes de droit des conflits
armés, 2ème éd,
Bruxelles, Bruylant, 1999, op.cit., p.105.
49 Art1er para2, Protocole
additionnel II aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif
à la protection des victimes des conflits armés non
internationaux.
50 ERIC (D), principes de droit des conflits
armés, 2ème éd,
Bruxelles, Bruylant, 1999, op.cit., p.109.
51 NICAISE (G), Etude comparée : la
perception occidentale des insurrections en Egypte et Libye par Carnegie
Endowment for International Peace, International Crisis Group et
l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, Mémoire de stage,
Master 2 en Relations Internationales Défense et Sécurité
option Intelligence Economique, Université Lyon 3,2011, p.34.
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Le régime juridique de l'insurrection: une
étude à partir des cas libyen et syrien
de Kadhafi n'était plus acceptable. Le
problème est que plus ces dirigeants s'engagent dans la guerre civile,
plus grande sera leur responsabilité par la suite. Si la Libye
était d'une importance stratégique marginale avant l'adoption de
la résolution 1973 de
l'ONU, elle ne l'est plus aujourd'hui.
»52. Certains voient en ces agissement de l'OTAN en Libye,
une interprétation extensive et abuse de la résolution 1973
(2011) laquelle semble-t-il, plaidait pour la protection des civils et non le
renversement du régime de Kadhafi.
II - CADRE OPERATIONNEL DE L'ETUDE
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