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Le régime juridique de l'insurrection. Une étude à  partir des cas libyen et syrien.

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par Joseph Marcel II MBAHEA
Université de Yaoundé II - Master II  2013
  

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E - REVUE DE LA LITTERATURE

« La revue de la littérature vise à identifier les auteurs et surtout les ouvrages et les articles scientifiques (...) qui ont façonné la connaissance dans une discipline donnée sur un sujet précis »39. L'ascension des conflits armés dits non internationaux et les préoccupations d'ordre économique, politique, sécuritaire, humanitaire, et surtout juridique ont inéluctablement poussé les théoriciens du droit à se pencher sur ce type de conflit.

Le Professeur KATIA BOUSTANI, dans un article intitulé « la qualification des conflits en droit international public et le maintien de la paix » éclaire. Les acteurs majeurs dans un conflit armé à caractère non international sont les combattants et les groupes armés. Mais « combattants et groupes armés ne sont pas nécessairement les seules parties impliquées dans des affrontements se déroulant sur le territoire d'un Etat : les ingérences et les interventions extérieures dont ils bénéficient revêtent des formes variées qui rendent plus délicates l' identification matérielle de ces parties, l'étendue de leur participation au conflit et, en conséquence, une qualification de la guerre sur des bases rendant compte des réalités qui intéressent le maintien de la paix »40 Cet auteur axe pour l'essentiel son analyse sur deux points. Premièrement, il fait le contour des notions de guerre civile et de conflit interne en droit international. Ensuite, il rend compte des insuffisances et imprécisions voire même de l'inadéquation de la distinction entre conflits armés internationaux et non internationaux. Secondement, il récence les différentes parties à un conflit intra étatique. A ce propos, il distingue les insurgés de l'armée nationale laquelle peut cliver. Ainsi, une partie dite loyaliste

38 WECKEL (P), « Le chapitre VII de la Charte et son application par le Conseil de Sécurité. », A.F.D.I, vol37, 1991. p. 166.

39 OLIVIER (L), BEDARD (G), et FERRON (J), L'élaboration d'une problématique de recherche, Paris, L'Harmattan, coll. « Logiques sociales », 2008, p.31.

40 BOUSTANY (K), « la qualification des conflits en Droit international public et le maintien de la paix », R.Q.D.I, vol Québec, no 1, (1989-90), op.cit., p.39.

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Le régime juridique de l'insurrection: une étude à partir des cas libyen et syrien

conserve son allégeance aux institutions et au pouvoir en place, l'autre partie de l'armée tombe dans la dissidence. Cette dernière est souvent qualifiée de rebelle, et s'unit aux insurgés.

Le professeur SADIA TABASSUM, dans un article intitulé « Des combattants, non des bandits : Le statut des rebelles en droit islamique » fait la démonstration suivante. Il fait la pertinente remarque selon laquelle, « le régime juridique qui régit aujourd'hui les conflits armés non internationaux se heurte à trois problèmes importants. »41 Tout d'abord, les Etats n'aiment pas reconnaitre l'existence d'un conflit armé à l'intérieur de leurs frontières. Même quand ils en sont confrontés, ils préfèrent évoquer des problèmes d'ordre public, et disent envisager de simples mesures de police pour y remédier. Ensuite, le droit international est généralement envisagé comme ne liant que les Etats. Il apparaitrait donc difficile d'attendre des groupes armés et autres acteurs non étatiques, un comportement conforme au droit des conflits armés. Car « les groupes armés affirment eux-mêmes qu'il est contre-productif de labelliser les acteurs armés non-étatiques comme organisations terroristes et en même temps d'attendre d'eux qu'ils respectent le droit international humanitaire. »42 Enfin, le droit n'accorde pas la plupart du temps le statut le statut de combattants aux insurgés. Ils restent donc soumis au droit pénal de l'Etat contre lequel ils ont pris les armes.

Poursuivant son analyse, il explique que le droit islamique opère la distinction entre une insurrection ou rébellion de type Baghy et l'insurrection ou rébellion de type Hirabah

Dans le premier cas, les insurgés armés, récusent la légitimité du gouvernement ou du système. Ils « se considèrent comme les défenseurs de la justice, et ils affirment vouloir substituer au système existant illégitime et injuste, un ordre nouveau légitime et juste. »43 Cette insurrection de type Baghy, est assujettie à deux conditions :

1) Qu' « un groupe puissant établit son autorité sur une portion de territoire en défiant le gouvernement (ce groupe dispose d'une capacité de résistance appelée mana'ah), et

2) ce groupe conteste la légitimité du gouvernement (son action possède une justification juridique, ou ta'wil). »44 Ce type conflit est régit par le droit de la guerre.

41 TABASSUM (S), « Des combattants, non des bandits: Le statut des rebelles en droit islamique », R.I.C.R, Vol 93, 2011, op.cit. , p107.

42 KELLY(J), « Respecter et faire respecter » : La mise en oeuvre des obligations du droit international humanitaire par des groupes armés non-étatiques. Mémoire de Master 2 Droit international public, Aix-Marseille Université, 2012-2013, p.12.

43 TABASSUM (S), « Des combattants, non des bandits: Le statut des rebelles en droit islamique », R.I.C.R, Vol 93, 2011, op.cit., p.112.

44 Ibid. p.112.

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Le régime juridique de l'insurrection: une étude à partir des cas libyen et syrien

Dans le second cas, les insurgés de type Hirabah bien que prenant aussi les armes, ne contestent pas la légitimité du Gouvernement. Cette rébellion est traitée comme un délit de droit commun, et le droit pénal du pays est appliqué à ceux qui y participent.

Le droit islamique reconnait la qualité de combattants aux insurgés. Ces derniers bénéficient ainsi de tous les corollaires de cette reconnaissance et peuvent ainsi d'une part, exercer leur autorité notamment la collecte des taxes, l'exercice la fonction juridictionnelle entre autre, sur la partie du territoire soumis à leur contrôle (dar al-baghy ou pays des rebelles) et d'autre part jouir de l'irresponsabilité à la fin des hostilités. Bien que le droit islamique attribue la qualité de combattants aux insurgés, il distingue néanmoins les insurgés musulmans des insurgés non musulmans. Les règles relatives à l'insurrection de type baghy ne sont pas applicables quand tous les insurgés sont des non-musulmans. Ces règles ne s'appliquent que quand des insurgés non musulmans sont rejoints par des insurgés musulmans, ou quand tous les insurgés sont musulmans. Quand les insurgés sont non musulmans, il est fait application du code général de la guerre comme dans un conflit armé international. Ainsi, ces insurgés non musulmans sont traités de la même manière que le seraient les combattants d'une armée ennemie quelconque. Mais qu'ils soient musulmans ou non musulmans, les insurgés sont traités comme des combattants, et le droit de la guerre leur est appliqué dans sa totalité. Cependant, si tous les insurgés ou une partie d'entre eux sont musulmans, le droit impose un certain nombre de restrictions à l'autorité du gouvernement. Par exemple, il est interdit en droit islamique tant par le code général de la guerre que par ses règles spéciales relatives à la rébellion (baghy) de prendre des femmes et des enfants pour cibles par contre, les règles applicables aux biens pris à l'ennemi (ghanimah) ne s'appliquent pas à la propriété des insurgés, qu'ils soient musulmans ou non musulmans.

Le reproche que l'on peut faire aux arguments du Professeur Sadia TABASSUM développés dans cet article est qu'il porte uniquement sur le droit islamique, un droit qui est l'inspiration et l'expression d'une confession religieuse. Or à la différence du droit international, le droit islamique n'est pas de source conventionnelle mais confessionnelle. Toute chose qui ne permet pas de faire la lumière sur quelle sécurité juridique le droit international réserve au phénomène insurrectionnel. Aussi, le Professeur TABASSUM semble faire profil bas sur la question du jus ad bellum dans les conflits armés non internationaux. Pourtant, cette question apparait d'une indéniable importance car, elle donne de savoir si le recours à la force armée est autorisé en droit interne. Dans l'affirmative, qui est titulaire de ce droit et quelles sont les règles qui encadrent son exercice.

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Le Docteur ZAKARIA DABONE quant à lui dans un article intitulé : « les groupes armés dans un système de droit international centré sur l'Etat » a tablé sur ce qu'il faut entendre par groupes armés. Ce sont ces derniers qui s'insurgent contre les autorités gouvernementales. Pour cet auteur, « Il n'existe pas en droit international un jus ad bellum réservé aux conflits armés non internationaux (CANIs). L'absence d'un jus ad bellum adéquat relatif aux situations internes crée un transfert de la réglementation de l'usage de la force au droit interne des États. Alors, c'est le droit interne qui fait office d'un certain jus ad bellum13. Or, toute insurrection est interdite en droit interne. Les insurgés seront en principe les violateurs du droit.jus ad bellum13. Or, toute insurrection est interdite en droit interne. »45 Dans son analyse, il montre que le groupe armé est un élément déclencheur du jus ad bellum, mais que ce dernier n'est pas titulaire d'un droit à la paix. Ce qui veut dire que le groupe armé peut subir un recours à la force de la part des forces gouvernementales.

Dans l'ordre juridique interne, le droit est du coté des forces gouvernementales eu égard de la volonté du droit international, de promouvoir l'unité et de l'indivisibilité de l'Etat. Cette volonté est également manifestée afin de protéger ce sujet principal du droit international qu'est l'Etat, dont l'affaiblissement et les menaces à son existence ne vont pas sans conséquences. C'est pour cette raison que les forces gouvernementales répriment sévèrement les mouvements insurrectionnels. Dans cette répression, « il arrive fréquemment qu'un Etat consente à ce qu'un autre Etat mène une opération militaire sur son territoire »46. Toutefois, le caractère interne du conflit, n'empêche pas l'application du Droit international humanitaire. Bien que ce droit « travaille à sauvegarder le droit des autorités au pouvoir de réprimer le simple fait de s'être rebellé »47

En dépit de sa pertinence, l'article du Docteur ZAKARIA DABONE n'éclaire pas toutes les zones d'ombre définitionnelles que peuvent encore cacher les notions d'insurgés, et de groupes armés. Encore faut-il savoir quelles sont les règles de droit qui doivent réellement s'appliquer dans cette circonstance. C'est ce à quoi nous convie ERIC DAVID.

ERIC DAVID quant à lui, nous renseigne abondamment sur les règles qui doivent s'appliquer en cas de conflit armé non international. Il s'agit de : L'article 03 commun aux quatre conventions de Genève de 1949, l'article 19 de la convention de la Haye de 1954 sur les biens culturels, le protocole additionnel II aux conventions de Genève de 1949, le

45 ZAKARIA (D), « les groupés dans un système de droit international centré sur l'Etat », RICR, vol93, Genève, No 882, juin 2011, op.cit., p.88.

46 CORTEN (O), Le droit contre la guerre, 2ème éd, Paris, éditions A.Pédone, 2014, p. 193.

47 ZAKARIA (D), « les groupés dans un système de droit international centré sur l'Etat », RICR, vol93, Genève, No 882, juin 2011, op.cit., p.88.

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protocole II à la convention de 1980, tel que modifié en 1996, et l'article 8 §2 c-f du statut de la CPI adopté à Rome le 17 juillet 1998

Selon cet auteur, il existe deux types de conflit armé interne qui en fonction du degré d'intensité, sont régis soit par le protocole II aux conventions de Genève de 1949 et les autres groupes de règles sus citées, soit par celles-ci à l'exclusion du protocole II.

Les règles applicables à ces conflits internes se modulent sur l'intensité du conflit. « Les conflits visés par le protocole additionnel II et ceux visés par le statut de la CPI ne sont pas identiques »48

Toutefois, pour que toutes ces règles s'appliquent, le groupé armé devrait remplir trois principales conditions à savoir : Avoir un contrôle effectif sur une partie du territoire, être suffisamment organisé sous un commandement responsable, capacité de mener des opérations militaires continues, concertées, et enfin être capable de respecter le droit international humanitaire

Dans le cas contraire, on serait simplement en présence des situations de tensions internes ou de troubles intérieurs. Ces cas au regard de l'article 1 paragraphe 2, du Protocole II aux conventions de Genève de 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux, « ... ne sont pas considérés comme des conflits armés »49 et n'intéressent pas ledit Protocole. L'on s'accorde donc avec ERIC DAVID, qui fait observer qu' « on regrettera que les critères d'application du Protocole II soient particulièrement restrictifs et que, concrètement, leur réalisation soit quand même à une évaluation fatalement subjective de la situation par l'organe qualifiant »50.

La littérature reste dans l'ensemble assez critique sur le droit d'ingérence et sur les conséquences de la guerre civile syrienne et surtout libyenne. L'intervention de l'OTAN en Libye sous la bannière du Conseil de sécurité avait pour mission comme le réaffirme GUILLAME NICAISE, de « défendre une zone d'interdiction de vol et protéger la population des effets d'une guerre civile »51 . Mais cette mission « a manifestement évolué, à mesure que divers dirigeants, comme les présidents français et américain, la chancelière allemande et le Premier ministre britannique, indiquaient que le maintien en place du régime

48 ERIC (D), principes de droit des conflits armés, 2ème éd, Bruxelles, Bruylant, 1999, op.cit., p.105.

49 Art1er para2, Protocole additionnel II aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux.

50 ERIC (D), principes de droit des conflits armés, 2ème éd, Bruxelles, Bruylant, 1999, op.cit., p.109.

51 NICAISE (G), Etude comparée : la perception occidentale des insurrections en Egypte et Libye par Carnegie Endowment for International Peace, International Crisis Group et l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, Mémoire de stage, Master 2 en Relations Internationales Défense et Sécurité option Intelligence Economique, Université Lyon 3,2011, p.34.

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de Kadhafi n'était plus acceptable. Le problème est que plus ces dirigeants s'engagent dans la guerre civile, plus grande sera leur responsabilité par la suite. Si la Libye était d'une importance stratégique marginale avant l'adoption de la résolution 1973 de

l'ONU, elle ne l'est plus aujourd'hui. »52. Certains voient en ces agissement de l'OTAN en Libye, une interprétation extensive et abuse de la résolution 1973 (2011) laquelle semble-t-il, plaidait pour la protection des civils et non le renversement du régime de Kadhafi.

II - CADRE OPERATIONNEL DE L'ETUDE

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault