Chapitre I : Entre bénédiction et
malédiction des ressources naturelles : littérature
théorique et empirique
Les ressources naturelles constituent avec le capital naturel
au sens large, un facteur de production d'une importance considérable
dans la dynamique économique. La découverte de gisements miniers,
pétroliers ou autres dans un pays apparait de prime abord comme une
bénédiction lorsqu'on ne considère que les
opportunités de revenu que son exploitation peut engendrer.
Néanmoins, certains Etats ont échoué malgré
l'abondance de ressources, à rehausser le niveau de vie des populations.
Dans le pire des cas, on observe une régression des indicateurs de bien
être après la mise en exploitation des ressources. Ce
phénomène a inspiré l'émergence de la
théorie de la « malédiction des ressources naturelles
».
Pour mieux appréhender le phénomène, nous
passons d'abord en revue la contribution des ressources naturelles au
développement. Ensuite nous évoquons quelques preuves empiriques
soutenant la théorie de la malédiction des ressources naturelles
et les théories explicatives, notamment le syndrome hollandais,
l'éviction du secteur manufacturier, etc. Enfin, nous tentons un
rapprochement entre le concept de développement soutenable et la
théorie de la malédiction des ressources naturelles, en insistant
sur les implications de la règle de soutenabilité faible sur
cette dernière.
I. Les ressources naturelles facteurs de croissance
Les ressources naturelles peuvent contribuer de
différentes manières à la croissance économique et
au développement des Etats qui en sont dotés. Qu'elles soient
renouvelables ou non renouvelables, les ressources naturelles sont
recherchées sur le marché international de sorte
qu'exportées à l'état brut, elles génèrent
d'important flux de devises pour ces pays. Ensuite, ces ressources naturelles
interviennent directement dans le processus de fabrication de produits de
grande consommation, les pays qui en sont dotés peuvent ainsi
bénéficier d'avantages comparatifs, les transformer sur place et
être plus compétitif sur le plan international. Selon Gelb (2010,
page 1) : « On note ainsi entre 1975 et 2004 une progression de 175% de la
part de l'Amérique latine sur les marchés internationaux de
métaux ». L'émergence de grands pôles industriels tels
que la Chine, la Corée, la Malaisie ou l'Indonésie est en grande
partie lié aux bénéfices que ces pays ont su tirer de
leurs ressources naturelles.
On peut établir théoriquement un lien positif
entre ressources naturelles et croissance économique à travers
une relecture de deux principales théories économiques : la
théorie des
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avantages comparatifs de Ricardo (1817), et la théorie
du Big push de Rosenstein-Rodan (1943).
1. La théorie des avantages comparatifs
Initialement élaborée pour démontrer les
avantages du commerce international et de la spécialisation, la
théorie des avantages comparatifs de D. Ricardo (1817) est toujours
d'actualité pour définir comment un pays riche en une ressource
peut en tirer avantage dans le commerce mondial. En effet, dès lors
qu'un pays regorge d'une ressource, il dispose d'un certains avantage sur les
produits finis incorporant cette ressource. Une politique permettant de
pratiquer des prix faibles sur cette ressource à l'intérieur du
pays peut constituer une base pour l'émergence d'un secteur de
transformation. Dans sa définition des avantages comparatifs, Ricardo
insiste sur les gains d'une telle structuration du commerce mondiale. Chaque
Etats se spécialisant dans les produits sur lesquels il jouit d'un
avantage comparatif de productivité.
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