Réflexions sur la problématique du coup d'état en Afrique.( Télécharger le fichier original )par Koffi Afandi KOUMASSI Université de Lomé - Master 2 en Droit Public Fondamental 2015 |
2-) La rationalisation du cadre électoralIl est tout à fait saillant que l'élection ne sert la démocratie qu'à condition qu'elle s'inscrive dans une dynamique de changement susceptible de provoquer une alternance pacifique au pouvoir. La garantie d'élections démocratiques dépend de l'adoption d'un cadre juridique et institutionnel rationnel, plus ou moins consensuel. C'est donc assez logiquement qu'il importe de plaider pour un paramétrage du cadre électoral des États africains. Essentiellement, la rationalisation du cadre électoral normatif s'impose comme une nécessité incontournable. Alexis de Tocqueville a affirmé au sujet des normes régissant les compétitions électorales « qu'elles sont en démocratie les plus importantes »282(*). Les règles électorales doivent donc être ficelées avec génie, délicatesse et en toute objectivité afin d'assurer l'équité électorale. La sensibilité de certaines règles sur la transparence et l'apaisement des élections est avérée. Il en est ainsi des conditions d'éligibilité, du découpage électoral, du mode de scrutin, de l'organisation et du fonctionnement des organes de gestion des élections. Pour ces règles, le consensus de l'ensemble de la classe politique doit en être le ciment car ce sont les bons compromis qui fondent les normes durables. Ceci contribuera à faire du décor électoral une plate-forme politique commune permettant de faire asseoir une véritable justice électorale. Il importe également de stabiliser ce corpus juridique. A ce propos, le professeur I. M. Fall invite à « renoncer aux changements fréquents et opportunistes des règles du jeu électoral dans la mesure où de tels changements sont susceptibles de faire le lit de crises électorales pouvant dégénérer en crises politiques »283(*). Pour cette raison et conformément à l'Art. 2§1 du Protocole additionnel de la CEDEAO, du moins dans les six mois précédent les élections, aucune réforme substantielle de la loi électorale ne doit intervenir sans le consentement d'une large majorité des acteurs politiques, c'est-à-dire sans consensus. A fortiori, le succès de la démocratie électorale en Afrique repose sur la rationalité du juge électoral ; le juge constitutionnel. Il est évident que « le contentieux des élections est incontournable pour assurer la crédibilité de la consultation électorale (...) et il vaudrait mieux l'organiser pour éviter d'avoir recours aux violences postélectorales »284(*). C'est pourquoi ce juge est considéré comme le « chien de garde » du jeu électoral285(*). Chacune de ses interventions dans les processus électoraux doit alors pouvoir rassurer tous les acteurs. Son office en cette occurrence ne saurait guère se limiter à statuer linéairement sur les réclamations ou les allégations de fraudes. Mais comme le dit Jean-Claude Masclet, le contentieux des élections est « un contentieux de la sincérité des résultats ou, si l'on préfère, de l'authenticité des résultats : vérifier que le résultat du dépouillement des suffrages correspond bien à la volonté des électeurs. Il s'agit de veiller à la régularité des opérations électorales, à la validité des résultats des élections »286(*). Bref, le rôle du juge des élections doit être centré sur la prévention des irrégularités et la pacification du climat électoral. De la sorte, la justice électorale et la crédibilité des résultats issus des urnes seront mieux assurées favorisant ainsi l'apaisement des lendemains électoraux en Afrique surtout avec la nécessité de la neutralité politique de l'armée (B). * 282 ALEXIS DE TOCQUEVILLE cité par D. KOKOROKO, « Les élections disputées : Réussites et échecs », op.cit., p. 118. * 283 I. M. FALL, « Sénégal, une ancienne démocratie en mal de réforme », Rapport sur l'état de la démocratie et de la participation politique au Sénégal, op. cit., p. 11. * 284 D. F. MÉLÈDJE, « Le contentieux électoral en Afrique », La démocratie en Afrique, op. cit., p. 140. * 285 D. KOKOROKO, « Les élections disputées : Réussites et échecs », op. cit., p. 122. * 286 J. C. MASCLET, « Rapport introductif », Aspects du contentieux électoral en Afrique, J.-C. MASCLET, A. ZINZINDOHOUE ET CH. DESOUCHES, Actes du colloque international de Cotonou sur le contentieux électoral et l'État de droit, 11-12 novembre 1998, p. 48. |
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