Réflexions sur la problématique du coup d'état en Afrique.( Télécharger le fichier original )par Koffi Afandi KOUMASSI Université de Lomé - Master 2 en Droit Public Fondamental 2015 |
2-) Le renfort décisif de la société civile« Ce ne sont pas les pierres mais les hommes qui constituent le véritable rempart des cités »270(*). Cette idée de Platon rend compte du fait que la volonté du peuple est l'ultime barrière infranchissable par les dérives du pouvoir politique. Elle se justifie à juste titre d'autant plus qu'en 1990, c'est la société civile africaine qui a joué le rôle pionnier dans le déclenchement du processus de décompression autoritaire des régimes monopartisans. Désignant « l'ensemble d'organisations traditionnelles ou modernes non liées à des partis politiques, non partisanes, non étatiques, non gouvernementales, à but lucratif ou non, qui oeuvrent pour le développement social, économique, pour une société démocratique dans un climat de paix »271(*), il est donc souhaitable que la société civile garde un droit de regard constructif sur la conduite du processus démocratique aujourd'hui en proie aux divagations des chefs d'État. Ivres de pouvoir, ceux-ci arrivent très souvent à démolir les digues institutionnelles érigées pour déjouer les infiltrations du système de protection de la démocratie. Ainsi, le secours des Forces Vives de la Nation peut être une réponse cruciale à la trahison ou à l'impuissance du juge constitutionnel, gardien et censeur premier des agissements du chef de l'État. Le redressement du mouvement démocratique pourrait être acquis par la pression organisée des forces sociales sur le chef de l'État. De ce fait, les citoyens, regroupés dans des mouvements apolitiques, « participent à la protection de la constitution »272(*). « La légitime défense de l'ordre constitutionnel face à un péril ou à une entreprise de déstabilisation »273(*) est une justification légitime pour s'opposer à tout régime politique fondé sur l'arbitraire, la dictature, l'injustice, la confiscation du pouvoir et le pouvoir personnel. C'est ainsi que la pression de la rue a fait abdiquer plusieurs chefs d'État non moins décidés à modifier la constitution pour se pérenniser au pouvoir. A titre illustratif, le président Compaoré était fermement décidé à prolonger indéfiniment son mandat présidentiel en méconnaissance du principe de l'alternance démocratique. Pour cela, il a orchestré la modification de l'Art. 37 de la constitution burkinabé. Mais l'hostilité des forces sociales par des manifestations de rue scandant le slogan « Touche pas à ma Constitution ! » le contraignit à battre en retraite et à démissionner le 30 octobre 2014. On peut dès lors conclure avec Georges Burdeau qu'une société civile engagée constitue véritablement « la quatrième force du régime »274(*) et un moyen efficace pour faire échec aux projets « démocraticides » des chefs d'État. Ces préalables sont indispensables parce qu'ils constituent les fondamentaux pour l'enracinement du processus démocratique. Pour la stabilisation dudit processus, les États africains doivent respecter un certain nombre d'impératifs (paragraphe II). * 270 PLATON cité par J. GICQUEL ET J.-E. GICQUEL, Droit constitutionnel et institutions politiques, 24ème édition, Montchrestien, Paris, 2010, p. 198. * 271 Acte du forum des partis politiques, des médias et de la société civile en Afrique de l'Ouest, Club du Sahel et de l'Afrique de l'ouest, novembre 2005, p.127. * 272 O. NAREY, « La participation du citoyen à la protection de la constitution : Cas de la constitution du 11 Décembre 1990 », op. cit., pp. 607-646. * 273 J. GICQUEL ET J.-E. GICQUEL, Droit constitutionnel et institutions politiques, op.cit., p. 197. * 274 G. BURDEAU cité par EFOÉ K. M. KINI, Le chef de l'État en Afrique noire francophone : Cas du Bénin, du Cameroun et du Togo, op. cit., p. 43. |
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