2.2 Performance à la tâche et performance
contextuelle
Notre époque a vu apparaître des changements
concernant la définition même de performance au travail.
L'environnement compétitif actuel augmente en effet l'importance des
compétences relationnelles et de la polyvalence (Semadar, Robins et
Ferris, 2006). A la différence des structures traditionnelles, les
nouvelles organisations placent les employés dans des rôles plus
ambigus, nécessitant de gérer des intérêts
potentiellement divergents, auprès d'audiences et d'évaluateurs
multiples (Cascio, 1995). Ainsi, pour la plupart des métiers
aujourd'hui, une performance satisfaisante se caractérise non seulement
par la réalisation des tâches et missions inhérentes au
poste, mais également par la démonstration de comportements dans
l'intérêt de l'organisation mais ne faisant pas partie de la fiche
de poste. Le besoin de prendre en compte des activités
périphériques facultatives mais nécessaires à
l'efficacité dans un poste de travail a ainsi fait apparaître la
notion de « comportements citoyens » au sein de l'organisation.
Certains auteurs envisagent cette question sous l'angle d'une division de la
mesure de performance globale en deux dimensions permettant de distinguer la
performance à la tâche et la performance contextuelle (Borman et
Motowidlo, 1993). La performance à la tâche englobe ainsi les
aspects strictement techniques et objectivement attendus du salarié. La
performance contextuelle a trait aux attentes implicites, et aux comportements
sociaux (entraide, altruisme, initiative personnelle par exemple) qui ne sont
pas des critères officiels d'évaluation, mais qui participent
à l'efficacité globale du salarié et peuvent être
des déterminants importants de l'évaluation
générale du salarié faite par son supérieur.
2.3 Compétences politiques et performance
contextuelle
Les compétences politiques ont jusqu'ici
été principalement étudiées avec la performance
à la tâche, et rares sont les travaux qui associent ce construit
à la mesure de performance contextuelle. Or, étant une variable
interindividuelle, on peut se demander si ce construit ne prédit pas en
proportion plus importante la performance contextuelle, qui renvoie à
l'engagement individuel du sujet dans l'organisation, plutôt que la
performance à la tâche qui ne renvoie « qu'à » la
réalisation des attributions formelles du poste. On peut s'appuyer sur
plusieurs travaux pour ouvrir cette discussion.
Motowildo et Van Scotter (1994) montrent dans leur recherche
que les superviseurs donnent autant de poids aux deux types de performance
lorsqu'ils jugent le travail de leurs subordonnés,
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et par ailleurs évaluent significativement mieux les
employés ayant un niveau élevé de compétences
politiques que ceux qui ne cherchent pas à se faire bien voir. Les
individus ayant un niveau élevé de compétences politiques
useraient donc de leur capacité d'influence pour orienter en leur faveur
la perception qu'a leur superviseur de leur performance au travail, tant sur
les aspects liés aux tâches qui leur incombent que sur les
comportements démontrés en dehors des exigences du poste
(Kolodinsky, Treadway et Ferris, 2007).
Le type de demandes liées à l'activité
exercée peut cependant avoir un impact sur la part de variabilité
de la performance contextuelle expliquée par le niveau de
compétences politiques. Les résultats de la méta-analyse
de Bing, Davison, Minor, Novicevic et Frink (2011) indiquent en effet que le
lien entre compétences politiques et performance à la tâche
est beaucoup plus faible pour les postes impliquant peu de contacts
interpersonnels et sociaux, tandis que la relation entre performance
contextuelle et compétences politiques est très fort et stable,
quel que soit le type de poste.
La définition de la notion de performance contextuelle
a fait l'objet de nombreuses publications, dont les plus récentes
s'accordent sur la nécessité de distinguer deux sous-dimensions
qui font référence à l'engagement organisationnel d'une
part, et l'engagement interpersonnel d'autre part. Si l'on aborde la
performance dans une approche systémique des organisations, qui
conçoit ces dernières comme des arènes politiques
où cohabitent coalitions, groupes d'intérêts divergents et
ressources rares, toute réalisation au sein de tels environnements est
dépendante de l'exercice de pouvoir et d'influence au-delà de la
réalisation seule des tâches inhérentes au métier.
On peut donc émettre l'idée que le rôle prédicteur
des compétences politiques est plus fort pour la dimension de
performance contextuelle dirigée vers les individus, qui sont autant de
ressources potentiellement utiles et leviers d'actions indirects pour le sujet,
plutôt que l'organisation au sens large. Cette hypothèse est
renforcée par la nature même des compétences politiques qui
sont conceptualisées comme une variable interindividuelle et donc par
définition plus à même de jouer sur la dimension
interpersonnelle de la performance contextuelle.
Notre première hypothèse postule donc
que le niveau de compétences politiques sera positivement associé
à l'évaluation de performance contextuelle. Plus
spécifiquement, le
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niveau de compétences politiques sera le plus
significativement associé à la performance contextuelle
dirigée vers les individus.
A notre connaissance aucune recherche n'a cherché
à comparer le poids de chaque dimension de compétence politique
sur la variabilité de la performance.
Néanmoins quelques résultats d'études
donnent des pistes de recherche. Ferris et al. (2005) avancent ainsi dans l'une
de leurs recherches que la dimension d'intuition sociale et celle qui est le
plus significativement liée à l'évaluation de performance
faite par le superviseur. De plus, la performance contextuelle envers les
individus se rapportant principalement à la notion d'altruisme, on peut
penser que les sujets seront jugés d'autant plus altruistes que leur
comportement sera perçu comme désintéressé.
On formule donc l'hypothèse que les dimensions
de sincérité affichée et d'intuition sociale des
compétences politiques seront les plus significativement
associées aux dimensions de performance contextuelle dirigée vers
les individus.
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