I.3 Revue des études empiriques
Cette partie s'attarde particulièrement sur les
études empiriques ayant désagrégé les
dépenses publiques avant d'analyser l'influence de ses
différentes composantes sur l'activité économique et la
croissance économique. Ces études se sont orientées dans
quatre directions essentiellement : l'approche en termes de causalité au
sens économétrique, l'analyse en données de panel sur un
ensemble de pays, l'estimation sur séries chronologiques de fonctions de
production tenant compte des dépenses publiques, et l'approche par les
Modèle d'Equilibre Général Calculable (MEGC).
? L'approche en termes de causalité et
l'analyse en données de panel
Une grande majorité de ces études utilise
l'approche du test de causalité développée par Toda et
Yamamoto (1995). La grande particularité de cette démarche est
que la nécessité de faire des tests de cointégration (dont
les résultats peuvent être sujets à débats) est
outrepassée par une surparamétrisation non optimale du VAR. Cette
procédure se résume en deux étapes. La première
consiste à utiliser des tests de stationnarité pour
déterminer l'ordre d'intégration maximal (dmax)
des séries, ainsi que le nombre de retards optimal (k)
du processus VAR en niveau. La deuxième étape consiste quant
à elle à estimer le modèle VAR augmenté d'ordre
p = k + dmax.
En utilisant cette procédure, Keyo Yaya (2008) dans une
étude ayant pour objectif d'analyser la causalité entre les
dépenses publiques et la croissance économique arrive aux
résultats selon
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Mesures alternatives de relance économique par les
dépenses publiques au Cameroun
lesquels en Côte d'Ivoire, les dépenses publiques
prises globalement n'ont aucun impact significatif sur la croissance. Ces
résultats montrent aussi que les dépenses publiques de
consommation ont un impact négatif significatif sur la croissance,
tandis que les dépenses publiques d'investissement n'ont simplement
aucun impact significatif sur la croissance. Ces conclusions de Keyo Yaya vont
dans le même sens que celles de MacMillan et al (1994) qui ont
démontré pour les États-Unis d'Amérique, et en
utilisant aussi un modèle VAR, qu'il n'existe aucun effet du capital
public sur la croissance.
D'autres auteurs vont plutôt utiliser des Modèles
à Correction d'Erreur (MCE). C'est le cas par exemple de Ngaresseum
(2008), qui se donne pour but d'analyser la relation entre le capital public et
la croissance économique en Côte d'Ivoire. Ses résultats
montrent que le capital public, la consommation publique et le capital
privé, exercent des effets positifs et significatifs sur le revenu par
tête, tandis que les exportations et l'aide publique au
développement affectent négativement et significativement cette
dernière variable. Il montre donc qu'il y a une causalité
à la Granger entre toutes ces variables et le revenu par tête en
Côte d'Ivoire.
Opérant sur des données de panel d'un
échantillon de 39 pays à revenus faibles, Gupta et al. (2005) ont
cherché à analyser l'impact des politiques fiscales et de la
composition des dépenses publiques sur la croissance dans ces pays. Ils
ont alors montré que les pays où les salaires des fonctionnaires
représentent la part la plus importante des dépenses publiques
ont tendance à enregistrer des taux de croissance faibles, tandis que
ceux où les dépenses en capital sont plus importantes connaissent
une expansion plus rapide.
? L'estimation sur séries chronologiques de
fonctions de production
Riadh Ben Jelili (2000), dont la préoccupation
était d'étudier l'impact des dépenses publiques sur la
croissance en Tunisie, va opter pour la régression dite de Ridge.
En partant d'une relation économétrique liant le taux de
croissance du PIB à différentes variables explicatives relatives
aux différentes formes de dépenses publiques, il arrive à
conclure qu'il existe une contribution productive des dépenses
d'investissement publics en infrastructure et en capital humain à la
croissance du PIB en Tunisie, et aussi au constat d'un impact
d'externalité positive très significatif des dépenses
publiques de consommation sur la croissance économique. Par contre, il
reconnaîtra à la fin de son travail qu'une étude de ce
genre devrait passer par la formulation d'un modèle dynamique qui prend
en compte les interactions entre les agents de l'économie.
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2011 19 SIKUBE TAKAMGNO Célestin
Mesures alternatives de relance économique par les
dépenses publiques au Cameroun
Qu'à cela ne tienne, d'autres auteurs ont aussi
estimé des fonctions de production augmentées en séries
temporelles pour une problématique proche. C'est le cas par exemple de
Devarajan et al. (1996) qui, ayant pour objectif d'analyser les effets d'une
décomposition des dépenses publiques sur la croissance
économique pour un échantillon de 43 pays en
développement, ont pu mettre en évidence une relation positive
entre les dépenses de consommation publique et la croissance
économique, et une relation négative entre cette dernière
et l'investissement public. A contrario, Barro (1991) a plutôt
démontré une relation inverse entre la croissance
économique et les dépenses de consommation publique en
pourcentage du PIB.
? L'approche par les Modèles d'Equilibre
Général Calculable (MEGC)
Avec une méthodologie basée sur la
Modélisation EGC en 2009, et dans le but d'étudier l'impact de
certaines politiques économiques sur la pauvreté et les
inégalités, le Haut Commissariat du Plan du Maroc est
arrivé au résultat selon lequel une amélioration du revenu
disponible des ménages engendrerait une croissance du PIB de 0,4%, mais
aussi à une hausse des prix intérieurs à la consommation
de 0,5% et à une stagnation du niveau de pauvreté. Il a aussi
conclut que la croissance du PIB serait plus forte (1,4%) avec une augmentation
de l'investissement global de 20%, mais que la hausse des prix
intérieurs à la consommation serait aussi plus forte (3%), ce qui
provoquerait une augmentation des importations de 4,7% et une réduction
des exportations de 2%, d'où une dégradation du solde
extérieur de près de 2,4% du PIB. le Haut Commissariat du Plan du
Maroc constate également que le niveau de pauvreté baisse avec
l'augmentation de l'investissement global.
Toujours pour le Maroc en 1999, la Direction des Etudes et des
Prévisions financières s'est fixé comme objectif de
simuler l'impact d'une relance économique par la consommation publique,
par l'investissement public ou par l'investissement privé sur
l'économie du pays. En utilisant un MEGC, ses conclusions
révèlent qu'une relance par la consommation publique
(augmentation de la masse salariale de l'Etat de 3,5%) engendrerait une
croissance du PIB réel de 0,5% à court terme, accompagnée
d'une aggravation du déficit budgétaire de 0,4% du
PIB10. Ces conclusions révèlent aussi qu'une relance
par les investissements publics (renforcement de 2 milliards de dirhams chaque
année) conduirait à une croissance du PIB réel de l'ordre
de 0,2% la première année et 0,4% après 5 ans,
accompagnée d'un déficit budgétaire de 0,5 point du PIB
à court terme et de 0,4 point du PIB à moyen terme. Enfin, les
conclusions de cette simulation ont montré qu'une relance par
l'investissement privé (via une baisse des impôts sur le revenu
des sociétés, une baisse du taux d'intérêt ou un
développement
10 Mais une précision est faite par les
auteurs sur le fait qu'une augmentation de la masse salariale de plus de 4%
aurait plutôt un effet négatif sur la croissance
économique.
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2011 20 SIKUBE TAKAMGNO Célestin
Mesures alternatives de relance économique par les
dépenses publiques au Cameroun
des PME/PMI) était le scénario qui favorisait
une croissance soutenue allant de 0,5% dès la première
année à 0,9% à la cinquième année. En
même temps, ce scénario de relance améliore presque tous
les agrégats et réduit le déficit budgétaire de
0,1% dès la première année, et 0,3% après 5 ans.
Mesplé-Somps et Dumont (2000) quant à eux, se
sont préoccupés de l'impact des infrastructures publiques sur la
compétitivité et la croissance de l'économie
sénégalaise dans le cadre d'un modèle d'équilibre
général calculable. Ils vont conclure qu'une politique
d'extension des infrastructures publiques ne pourrait être
réellement efficace si elle était exclusivement financée
par l'épargne étrangère. Ils vont aussi constater qu'une
augmentation de taxes indirectes, bien que déprimant le bien être
la première année, est le mode de financement
préférable en termes de performances commerciales.
Une étude très récente,
réalisée en septembre 2011 par le Ministère du
Développement, de l'Analyse Economique et de la Prospective sur les
« mesures alternatives de relance économique par les
dépenses publiques au Benin », en utilisant un MEGC dynamique
révèle qu'une augmentation des dépenses de fonctionnement
du gouvernement béninois ne contribue pas à l'expansion des
secteurs productifs, n'est favorable qu'aux ménages urbains et
détériore le bien-être des autres catégories de
ménages. Par contre un accroissement des dépenses publiques
d'investissement dans ce pays a un effet positif beaucoup plus important en
termes de croissance sur les secteurs productifs et améliore aussi bien
le bien-être des ménages urbains que celui des ménages
ruraux.
De cette revue de littérature, il ressort bien qu'une
comparaison entre l'impact des dépenses publiques de consommation (qui
comporte les salaires par exemple) et l'impact des dépenses publiques
d'investissement sur l'économie ne conduit pas toujours aux mêmes
résultats. Ceci est contraire à la théorie
keynésienne et même aux travaux de Barro (1990) qui
confèrent d'emblé aux investissements publics un impact plus
fort. Il en est donc de même pour une comparaison de l'impact d'une
relance économique par la consommation des ménages à celui
d'une relance par l'investissement (public ou privé). On se rend
également compte que les résultats de telles comparaisons
semblent dépendre de l'approche préconisée car les
études ayant utilisé une même méthodologie
aboutissement aux résultats presque similaires. Mais l'approche par les
MEGC semble réunir plusieurs bonnes caractéristiques à la
fois. Non seulement elle prend en compte les interactions entre les agents de
l'économie, mais aussi elle fournit des effets quantifiés sur les
agrégats à court, mais aussi à moyen terme, ce qui rend
les comparaisons des différents scénarios plus faciles.
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Mesures alternatives de relance économique par les
dépenses publiques au Cameroun
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