3.4. Les critères de disparités
d'accès à l'emploi21
Rappelons qu'en 2009, selon un rapport22 du
Défenseur des Droits (anciennement la Halde), les discriminations
fondées sur l'origine étaient la première cause de saisine
(27%), suivies de l'état de santé et du handicap (19%) devant le
sexe et l'âge.
Aujourd'hui en 201423, les principaux
critères de discriminations au travail renvoient avant tout au sexe
(30%) et à la grossesse ou la maternité (20%). Les victimes
citent ensuite leur origine ethnique (27%) ou leur nationalité (19%)
comme source de leur discrimination.
19 « La nouvelle géographie de la
politique de la ville ». Dossier de presse du17 juin 2014
20 L'utilisation de cette expression fait
référence au livre de Dhoquois, Anne, Paroles libres de jeunes de
banlieue, 2011, Paris, Broché.
21 Insertion professionnelle et discriminations :
l'accès à l'emploi des étudiants issus de l'immigration en
région Provence - Alpes - Côte d'Azur
22 Il s'agit de la
quatrième édition du guide « Des pratiques pour
l'égalité des chances : que répondent les entreprises
à la HALDE ? » publié par la HALDE en 2010.
23 Il s'agit du rapport de l'Ifop intitulé «
Baromètre sur la perception des discriminations au travail - Janvier
2014 ».
11
Lors du processus de recrutement, l'incertitude
informationnelle est importante, les perceptions des recruteurs sur les
aptitudes des individus sont imparfaites et pas uniquement fondées sur
des caractéristiques « visibles » telles que le diplôme
initial ou la durée de l'expérience professionnelle.
L'évaluation des candidats peut être alors basée sur les
croyances des employeurs plutôt que sur les capacités productives
des individus. Plusieurs études se sont consacrées à
l'étude de ce phénomène.
Les Français issus de l'immigration sont victimes de
discrimination et éprouvent plus de difficultés à
effectuer un parcours professionnel comparable à ceux des autres
Français.
Dans une étude réalisée en 2006, Amadieu
a voulu démontrer le poids sur la décision du recruteur que
pouvaient avoir des critères tels que l'origine ethnique (par le
patronyme), le lieu de résidence, le sexe, l'apparence physique, la
situation de handicap et l'âge. Une totalité de 1806 CV ont
été envoyés, dont 258 ont reçu une réponse.
Les résultats ont montré que sur les 258 réponses, 75
concernent le candidat standard - « homme, nom et prénom
français, résidant à Paris, blanc de peau, apparence
standard ». Ce chiffre représente 29% des réponses. Dans ce
mémoire, nous allons uniquement nous centrer sur deux résultats
en particuliers : ceux qui démontrent des disparités de
l'accès à l'emploi selon le critère de l'origine ethnique
ainsi que le lieu de résidence.
- Pour critère d'origine ethnique (le
patronyme)
Selon les résultats de l'étude d'Amadieu, seules
14 réponses concernent un candidat dont le nom et prénom sont
maghrébin, ce qui représente seulement 5% des réponses
totales reçues.
Une autre étude réalisée en 2006 a
également mis en évidence ces disparités. Par exemple, les
résultats d'une étude de « Testing » sur des postes de
commerciaux24 ont montré qu'une candidate d'origine
maghrébine a obtenu trois fois moins de réponses positives que
les deux candidats de référence. Pourtant, à la lecture
seule de son CV, elle surclassait les autres candidats puisqu'elle était
major de promotion et encadrait une équipe. Les auteurs ont
expliqué ce résultat en disant que le fait qu'elle soit une femme
d'origine étrangère joue en sa défaveur, prouvant ainsi
que les variables se cumulent pour limiter davantage l'accès à
l'emploi.
Une enquête du Bureau International du Travail (BIT)
confirme ces résultats :
- Dans 28% des cas, l'employeur donne des réponses
différentes aux deux candidats, 3 fois sur 4 au détriment du
candidat d'« origine maghrébine » ou d'« origine noire
africaine ».
24 Hennequin & Karakas (2006). « Les discriminations
au travail : mise en évidence de l'accès
différencié à l'emploi, le cas des commerciaux ».
12
- 4 fois sur 5, le candidat d'« origine hexagonale
ancienne » est favorisé par rapport à un candidat
supposé d'« origine maghrébine » ou d'« origine
noire africaine ».
- Pour critère de lieu de
résidence
Selon l'étude d'Amadieu, 45 réponses concernent
un candidat résidant au Val Fourré à Mantes-la-Jolie
considéré par l'INSEE25 comme un des quartiers les
plus défavorisés, ce qui représente un total de 17%.
Une étude de l'Observatoire national des zones urbaines
et sensibles26, publiée en juin 2013, montrait ainsi qu'une
«bonne» adresse pouvait tripler les chances d'être
convié à un entretien d'embauche. L'étude, qui s'appuyait
sur des « Testing » réalisés entre octobre 2011 et
février 2012 par l'envoi de 3000 CV fictifs à des offres d'emploi
dans la restauration, montrait un « effet 93 » flagrant: pour une
même annonce, le taux de réponses favorables passait de 20% pour
un candidat résidant à Paris à 10% pour un résidant
en Seine-Saint-Denis.
Selon une autre étude de l'IFOP27
réalisée en octobre 2013 auprès de 1004 personnes de
l'Organisation internationale du travail, 77 % des diplômés des
zones urbaines sensibles considèrent qu'habiter dans un quartier
populaire est un inconvénient dans leur recherche d'emploi.
L'idée de l'intégrer dans la loi cheminait depuis une
recommandation du Conseil économique, social et environnemental en 2008.
Elus et associations de quartier tentaient de faire reconnaître ces
inégalités dont sont victimes les habitants des quartiers pauvres
et stigmatisés.
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