Paragraphe II : Études empiriques
L'étude économétrique du lien
ouverture-croissance a connu également une grande vogue dans les
années 1990. Dollar (1992), Barro et Sala-I-Martin (1995), Sachs et
Warner (1995), Edwards (1998) et Greenaway et al. (1998), en utilisant des
régressions en coupe transversale, ont trouvé que les distorsions
dues à l'intervention de l'État au niveau du commerce menaient
à de faibles taux de croissance.
Ben-David (1993) et Sachs et Warner (1995) ont par ailleurs
démontré que c'est seulement dans les économies ouvertes
qu'on pouvait observer une convergence inconditionnelle. Sachs et Warner (1995)
estiment des équations de croissance sur la période 1970-1989
pour 122 pays tirés de la base internationale construite par Summers et
Heston (1991). Ils trouvent que les pays menant des politiques d'ouverture ont
cru à un rythme de 4,5% par an dans les années 1970 et 1980 et
![](Effets-de-l-ouverture-commerciale-sur-la-croissance-economique-du-Burkina-Faso26.png)
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qu'en revanche, les pays relativement fermés avaient un
taux de croissance de seulement 0,7%. Ils notent toutefois qu'une relation
robuste est difficile à trouver et à justifier.
Frankel et Romer (1999) utilisent une méthode à
variables instrumentales incluant des caractéristiques
géographiques, et confirment que le commerce international a un impact
important et significatif sur la croissance.
Harrison (1996) arrive à des conclusions similaires en
utilisant une variété d'indicateurs d'ouverture. En
procédant à différentes méthodes d'estimations
(coupe transversale, effets fixes, moyenne sur cinq ans, premières
différences), les résultats obtenus suggèrent une relation
positive entre le degré d'ouverture et la croissance. Toutefois ce ne
sont pas toutes les mesures d'ouverture qui furent significatives,
malgré le fait qu'elles furent pour la plupart de signe positif.
Des travaux réalisés au moyen des techniques de
cointégration ont aussi montré que la croissance est tirée
par la technologie et induite par l'ouverture commerciale. En effet, les
travaux de Coe et Helpman (1995) sur un échantillon de 22 pays
industriels ont montré que la productivité globale des facteurs
(PGF) d'un pays dépend non seulement de son propre stock de capital en
R&D mais aussi de celui de ses partenaires commerciaux et par
conséquent de son degré d'ouverture.
En ce qui concerne les études réalisées
sur les pays en développement, on peut notamment retenir l'article de
Sébastien Edward (1998) qui a étudié le lien entre
l'ouverture commerciale et la croissance entre 1980 et 1990. Il a testé
la robustesse de neuf (9) mesures de l'ouverture commerciale sur la croissance
de la productivité totale des facteurs. Les mesures retenues sont entre
autres l'indice de Warner Sachs, celui d'Edward Leamers, l'indice de distorsion
commerciale formulée par la fondation Héritage. Il a
régressé ces différentes mesures de l'ouverture, en
calculant la moyenne des dix années de productivité totale des
facteurs pour 93 pays développés et en voie de
développement. Il trouve que six des neuf mesures de l'ouverture sont
statistiquement significatives et ont le signe attendu.
La contribution majeure émane sans doute de Rodriguez
et Rodrik (1999) qui sont venus critiquer et remettre en question les
résultats de quatre études importantes. Les auteurs ont
établi que la corrélation positive entre l'ouverture et la
croissance
![](Effets-de-l-ouverture-commerciale-sur-la-croissance-economique-du-Burkina-Faso27.png)
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trouvée dans les travaux de Dollar (1992), Ben-David
(1993), Sachs et Warner (1995) et Edward (1998) n'était pas robuste.
Leurs méthodologies furent remises en question, car les indicateurs de
mesure de l'ouverture commerciale utilisés pouvaient être
lourdement critiqués et qu'il manquait des variables de contrôle
importantes pouvant avoir un effet déterminant sur la croissance.
Jin (2004) a analysé le co-mouvement entre l'ouverture
et la croissance pour 17 provinces et 3 municipalités chinoises.
L'auteur voulait vérifier si la relation ouverture-croissance
était également valide au niveau provincial, et si on pouvait
déceler une différence entre les provinces côtières
et celles enclavées. Les résultats obtenus sont ceux qui
étaient attendus : l'effet pour les provinces côtières est
de signe positif et significatif pour quatre d'entre elles, et négatif
pour la majorité des provinces enclavées.
Noguer et Siscart (2005) menant une étude sur un
échantillon de 98 pays, aboutissent à une relation positive entre
le commerce international et la croissance économique.
En résumé, les travaux empiriques ont abouti
à un consensus sur les effets positifs de l'ouverture sur la croissance.
Cependant, ces travaux laissent un sentiment d'insatisfaction lié aux
indicateurs retenus pour mesurer l'ouverture et notamment aux méthodes
économétriques utilisées qui ne permettent pas de
contrôler d'une façon rigoureuse les biais liés à
l'hétérogénéité individuelle.
Si les études théoriques sont restées sur
un effet ambigu de l'ouverture sur la croissance, cela n'a pas
été le cas des investigations empiriques. En effet, la plupart
des travaux empiriques concluent pour un résultat positif de l'ouverture
sur la croissance économique. Mais ce lien n'est pas automatique et
nécessite un environnement économique interne et externe
favorable. Les gouvernements des pays asiatiques ont su combiner les politiques
d'ouverture commerciale avec des politiques industrielles interventionnistes.
Quelle est la politique commerciale du Burkina Faso? Comment a
évolué son degré d'ouverture et quelle corrélation
entretient-il avec la politique commerciale? Toutes ces questions feront entre
autres l'objet du chapitre II.
![](Effets-de-l-ouverture-commerciale-sur-la-croissance-economique-du-Burkina-Faso28.png)
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