Les circonstances atténuantes dans la jurisprudence des JPI.( Télécharger le fichier original )par Antoine MUSHAGALUSA CIZA Université Catholique de Bukavu (UCB) - Licence 2013 |
4. Sur le fondDans ce point, nous allons esquisser les faits de la cause (a) pour finir par les facteurs relatifs à la peine (b). a. Les faits de la cause Un accord était conclu entre Jean Kambanda et le Bureau du Procureur en date du 28 avril 1998. Dans cet accord et, outre son plaidoyer de culpabilité, Jean Kambanda avait reconnu tous les faits lui reprochés dans l'acte d'accusation. Il reconnaît donc, de façon globale, avoir failli au devoir qui lui incombait d'assurer la sécurité des enfants et de la population rwandaise (...)».170(*) b. Les circonstances atténuantes Hors mis la gravité du crime de génocide et du crime contre l'humanité qui a été démontré par le procureur dans son réquisitoire : « le caractère odieux du crime de génocide et sa proscription absolue confèrent un caractère proprement aggravant à sa commission »171(*), le juge avait tenu compte de la situation personnelle de Jean Kambanda dans la fixation de la peine. Après que le conseil de la défense ait invoqué trois circonstances atténuantes (l'aveu de la culpabilité, le remord et la coopération avec le Bureau du Procureur) au profit de l'accusé, la Chambre de première instance du TPIR examiné le bien-fondé : « Le Procureur confirme que Jean Kambanda lui a prêté une coopération non négligeable et lui a fourni de précieux renseignements. Il invite donc la Chambre à considérer comme une circonstance atténuante majeure non seulement la coopération que Kambanda lui a fournie jusqu'ici mais également toute coopération que celui-ci prêtera en déposant comme témoin à charge lors des procès d'autres accusés. Le représentant du Parquet et le Conseil de la défense ont tous deux prié instamment la Chambre de voir dans le plaidoyer de culpabilité (...) l'expression de son remords, et de son repentir ainsi que de son intention d'assumer ses responsabilités pour les actes commis. Le fait pour l'Accusé de plaider coupable promptement est considéré comme une circonstance atténuante majeure. L'aveu de culpabilité est une marque d'honnêteté et il est important pour le Tribunal international d'encourager les aveux, qu'ils soient le fait d'individus déjà inculpés ou de délinquants inconnus. La Chambre a en outre été invitée à considérer en faveur de Jean Kambanda, que son plaidoyer de culpabilité a en outre permis à la justice de réaliser des économies de ressources, d'épargner aux victimes le traumatisme et les émotions liées aux procès, et favorisé l'administration de la justice. La Chambre considère qu'un constat de circonstances atténuantes se réfère à l'évaluation de la sentence et n'ôte rien à la gravité du crime. Il atténue la peine, et non le crime. A cet égard, la Chambre fait sien le raisonnement suivi dans l'affaire Erdemovic et l'affaire l'Otage qui y est citée. L'échelle des atrocités commises continue de constituer un critère essentiel d'évaluation de la sentence. Aux termes de son réquisitoire, le Procureur a demandé qu'une peine d'emprisonnement à vie soit infligée à Jean Kambanda, mais à néanmoins demandé au Tribunal, dans la détermination de la peine, de tenir compte du plaidoyer de culpabilité et de la coopération qu'il a fournie à son Bureau. Le Conseil de la défense a, quant à lui, souligné que Jean Kambanda n'était qu'un jouet entre les mains de certaines autorités militaires et que son pouvoir était conséquemment limité. Il a, en conséquence, invité le Tribunal, tenant compte de son plaidoyer de culpabilité, de la coopération qu'il a fourni et continuera à fournir au Procureur et du rôle que Jean Kambanda pourrait jouer dans le processus de réconciliation nationale au Rwanda, de lui imposer une peine qui ne soit pas supérieure à deux ans d'emprisonnement. La Chambre de première instance a scrupuleusement examinés tous les éléments de faits qui lui ont été présentés par les deux parties quant à la détermination de la peine, dont il ressort pour l'essentiel que: Jean Kambanda a coopéré et coopère encore, librement, avec le Bureau du Procureur. Ledit plaidoyer de culpabilité, émanant de l'ancien Premier Ministre, est particulièrement important pour le processus de réconciliation nationale au Rwanda. En dehors de tout cela, la Chambre de première instance soutient que les crimes reprochés à Jean Kambanda revêtent une gravité particulière. De surcroît, il les a commis en toute connaissance de cause et avec préméditation. En conséquence, la Chambre est d'avis que «les circonstances aggravantes qui entourent la commission des crimes par Jean Kambanda l'emportent largement sur les circonstances atténuantes qui plaident en sa faveur et que, surtout, le fait que Jean Kambanda ait occupé à l'époque où il commettait lesdits crimes les plus hautes fonctions ministérielles est de nature à définitivement exclure toute possibilité d'atténuation de la peine». En définitive, la Chambre avait condamné Jean Kambanda à une peine d'emprisonnement à vie. 5. Appréciations critiques :Au regard faits reprochés à Jean Kambanda et de la peine prononcée, nous estimons que la Chambre n'a fait que concilier la gravité des crimes ignobles et tragiques, qu'avait commis le prévenu, avec les dispositions tant du Statut du TPIR ainsi que de son RPP. En effet, il est vrai que Jean Kambanda avait plaidé coupable (aveu de culpabilité), qu'il a signé un Accord de coopération avec le Bureua du Procureur,... mais tout cela n'emporte en aucune circonstance sur la gravité des crimes par lui commis. En définitive, nous soutenons que les circonstances aggravantes qui entourent la commission des crimes par Jean Kambanda l'emportent largement sur les circonstances atténuantes qui plaident en sa faveur. La Chambre a donc à juste titre condamné le prévenu à la peine à vie et le contraire ne serait que consacrer une forme d'impunité. Ce qui serait antinomique aux motivations de la création du TPIR. * 170 TPIR, Affaire Procureur c/ Jean Kambanda, Op. Cit., par. 39. * 171Ibidem. |
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