La souveraineté des états face à l'ingérence humanitaire.( Télécharger le fichier original )par Jean Baptiste SAHOKWASAMA Université Sagesse dà¢â‚¬â„¢Afrique, Bujumbura-Burundi - Licence en Droit 2015 |
Section 2 : La violation des droits humains, une justification de l'ingérenceLes interventions extérieures déclenchées pour des motifs humanitaires sont aussi anciennes que la guerre. Mais le regain des droits de l'homme et des idées démocratiques favorisent aujourd'hui leur recours, avec ou sans le soutien des Nations Unies. Charles Rousseau définit généralement l'intervention d'humanité comme l'action exercée par un Etat contre un gouvernement étrange dans le but de faire cesser les traitements contraires aux lois d'humanité qu'il applique à ses propres ressortissants.85 De même que Perez-Vera ; la condition essentielle que doit remplir l'intervention d'humanité quant au fond est la poursuite exclusive de l'intérêt humanitaire par l'état qui s'érige en protecteur.86 Par ailleurs, sans même s'interroger sur les fondements juridiques de la doctrine du droit d'ingérence humanitaire, on peut émettre de sérieuses réserves sur le seul plan de la définition de ce droit. Et cela pour dire que son contenu reste imprécis et surtout laisse la porte ouverte à tous les abus. Il reste que la violation des droits de l'Homme est toujours la raison avancée pour déclencher une ingérence humanitaire. 84 P., BUIRETTE, op. cit, p. 6 85 Y., GORRAM, Le droit d'ingérence humanitaire, http://www.memoireonline.com/07/09/2439/mLe- droit-dingerence-humanitaire2.html (consulté le 16 décembre 2015) 86 Ibidem. 43 §1. Les formes de violations des droits de l'homme Les défenseurs des droits de l'homme reconnaissent que la Déclaration Universelle des droits de l'homme est toujours davantage un rêve qu'une réalité. Des violations se produisent dans chaque partie du monde. Les femmes et les enfants en particulier sont marginalisés de diverses façons, la presse n'est pas libre dans beaucoup d'Etats, et les contestataires sont réduits au silence trop souvent de manière permanente.87 Pour que vous puissiez cerner certaines des violations courantes des droits de la personne humaine dans le monde, voici des exemples sur six articles de la Déclaration Universelle des droits de l'homme (DUDH) :88 Article 3 : Le droit de vivre : « Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne. » On estime à environ 6500 le nombre de personnes tuées en 2007 dans le conflit armé en Afghanistan, la moitié au moins étant des civils non combattants aux moins d'insurgés. Des centaines de civils ont été également tués lors d'attentats-suicides par des groupes armées. Au Brésil, en 2007, selon des chiffres officiels, la police a tué au moins 1260 personnes, un record à ce jour. En Ouganda, 1500 personnes meurent chaque semaine dans les camps de personnes déplacées. Selon l'Organisation Mondiale de la Santé, cinq cent mille personnes sont mortes dans ces camps. Article 4 : Pas d'esclavage : « Nul ne doit être tenu en esclavage même en servitude ; l'esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes. » 87 J.P, GUEVARA, « L'agenda caché des interventions humanitaires», in Revue Alternatives Sud, Vol 11, N°3, 2004. 88 Les violations des droits de l'Homme : http://www.humanrights.com/fr/what-are-human-rights/violations-of-human-rights/slavery-and-torture.html (consulté le 15 mai 2015). 44 Au Nord de l'Ouganda, les guérilleros du LRA (Lord's Résistance Army) ont enlevé 20.000 enfants au cours des 20 dernières années et les ont enrôlés de forme comme soldats ou comme esclaves sexuels pour l'armée. En Asie, le Japon est le principal Etat destinataire de trafic de femmes venant en particulier des philippins et de Thaïlande. L'UNICEF estime à 60.000 le nombre d'enfants prostitués aux philippines. En 2007, en Somalie, plus de 1400 Somaliens déplacés et de ressortissants éthiopiens sont morts en mer dans des opérations de trafic. Article 5 : Pas de torture : « Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ». En 2008, les autorités américaines ont continué à maintenir en détention 270 prisonniers dans la baie de Guantanamo, à Cuba, sans inculpation ni procès, et à avoir recours à la torture, en simulant de les noyer. Le président Georges Bush a autorisé la CIA à poursuivre la détention et les interrogatoires secrets, en dépit des violations du droit international. Article 13 : Libre circulation : «1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un Etat. 2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays ». Dans le Nord de l'Ouganda, 1,6 millions d'habitants sont restés dans des camps de personnes déplacées. Dans la région d'Acholi, la plus affectée par un conflit armé, 63% de 1,1 million de personnes déplacées en 2005 vivaient toujours danse les camps en 2007 ; 7000 personnes seulement sont retournées de manière permanente dans leur pays d'origine. Article 18 : Liberté de pensée : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites ». La Commission des droits de l'homme, organe qui pendant de longues années a dévolu l'essentiel de ses efforts à la rédaction d'instruments internationaux et à la 45 Au Myanmar, la junte militaire a écrasé des manifestations pacifiques organisées par des moines, des monastères ont été pillés et fermés, des propriétés confisquées et détruites. Les manifestants ont été jetés en prison, battus et fusillés, et leur famille et leurs amis ont été harcelés ou retenus en otage. Article 19 : Liberté d'expression : « Chacun a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et des idées par quelque moyen d'expression que ce soit ». En Irak, au moins trente-sept employés irakiens travaillant pour des médias ont été tués en 2008, soit 235 depuis l'invasion de mars 2003, faisant de l'Irak l'Etat le plus dangereux au monde pour les journalistes. Article 21 : Le droit à la démocratie : « 1. Toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par l'intermédiaire de représentants librement choisis. 2. Toute personne a droit à accéder, dans des conditions d'égalité, aux fonctions publiques de son pays. 3. La volonté du peuple est la base de l'autorité gouvernementale et cette volonté doit s'exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et par bulletin secret ou suivant une procédure équivalente assurant une liberté de vote ». Au Cuba, fin 2007, soixante-deux objecteurs de conscience étaient en prison en raison de leurs convictions ou activités politiques non violentes. §2. Appréciation des situations de violation des droits de l'homme. Les droits de l'homme existent, tels qu'ils sont présentés dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et dans l'ensemble des lois de protection des droits de l'homme. 46 promotion des droits de l'homme, la Commission n'a commencé que récemment à « faire de la protection » en prenant compte la question de la violation des droits de l'homme. Elle a actuellement été remplacée par le Conseil des droits de l'Homme depuis 2006. Depuis 1967 cependant, plusieurs initiatives ont été prises afin de permettre à la commission d'intervenir à propos de violations des droits de l'homme ou plus précisément de « situations de violation » : d'une part ont été des procédures d'examen des communications (plaintes) relatives aux violations, d'autre part, de groupes spéciaux chargés d'enquêter sur la situation des droits de l'homme dans certains Etats ou territoires ont été constitués à trois reprises par la commission. Ce sont deux résolutions du Conseil économique et social : la résolution 1235 (XLII) du 6 juin 1967 et surtout la résolution 1503 (XLVIII) du 27 mai 1970 qui instituent la procédure d'examen des plaintes en violation des droits de l'homme reçues depuis l'origine par les Nations Unies et au sujet desquelles la Commission, pendant plus de vingt ans, s'est déclarée incompétente pour leur donner une quelconque suite.89 La résolution 1235 prévoit notamment que la Commission peut, après avoir examiné las renseignements concernant les violations flagrantes des droits de l'homme contenu dans les communications, entreprendre « une étude approfondie des situations qui révèlent de constantes et systématiques violations » et présenter un rapport et des recommandations à ce sujet à l'ECOSOC. La résolution 1503 quant à elle définit les modalités de la procédure d'examen. Un groupe de cinq membres de la sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités est chargée d'effectuer un premier filtrage et d'appeler l'attention de la sous-commission sur celles de ces communications, accompagnées, le cas échéant, des réponses des gouvernements, qui semblent révéler l'existence d'un ensemble de violations flagrantes et systématiques dont on a des preuves dignes de foi.90 En 2004, le Secrétaire général de l'ONU a nommé le premier Conseiller spécial pour la prévention du génocide. Le Conseiller spécial est chargé de collecter des informations sur les violations massives et graves des droits de l'homme et du droit 89 J.B., MARIE, Annuaire français de droit international, in Social and Cultural Rights vol. 22. Paris, décembre 1976, pp. 26-39. 90 Idem, pp. 309-310. 47 humanitaire international; de faire fonction de mécanisme d'alerte précoce auprès du Secrétaire général et, par son entremise, auprès du Conseil de sécurité; d'adresser des recommandations au Conseil de sécurité par l'entremise du Secrétaire général sur les mesures à prendre pour prévenir ou arrêter un génocide; et d'assurer la liaison avec le système des Nations Unies concernant les activités de prévention du génocide. L'appréciation de la situation des droits de l'Homme ayant été faite, il revient au Conseil de Sécurité des Nations Unies de prendre une décision. Par exemple, pour la première fois, le Conseil de sécurité a fait officiellement référence à la responsabilité de protéger, dans la résolution 1674 sur la protection des civils en période de conflit armé. Le Conseil de sécurité s'est référé à cette résolution en août 2006, alors qu'il adoptait la résolution 1706 autorisant le déploiement de forces de maintien de la paix des Nations Unies au Darfour (Soudan). Récemment, la responsabilité de protéger a figuré en bonne place dans un certain nombre de résolutions adoptées par le Conseil de sécurité. Et comme nous y reviendrons, à la suite d'attaques fréquentes et systématiques contre la population civile par le régime au pouvoir en Jamahiriya arabe libyenne (plus brièvement: Libye), le Conseil de sécurité des Nations Unies a, le 26 février 2011, adopté à l'unanimité la résolution 1970, en faisant référence explicitement à la responsabilité de protéger. Déplorant ce qu'il appelait la violation flagrante et systématique des droits de l'homme dans la Libye déchirée par la lutte, le Conseil de sécurité a demandé qu'il soit mis fin à la violence, rappelant la responsabilité des autorités libyennes de protéger la population, et a imposé une série de sanctions internationales. Dans sa résolution 1973, adoptée le 17 mars 2011, le Conseil de sécurité a demandé un cessez-le-feu immédiat en Libye, notamment la fin des attaques en cours contre les civils, qui pourraient selon lui constituer des crimes contre l'humanité. Le Conseil a autorisé les États Membres à prendre « toutes les mesures nécessaires» pour protéger les civils sous la menace d'une attaque dans le pays, tout en excluant l'envoi d'une force d'occupation étrangère de quelque nature que ce soit sur une partie quelconque du territoire libyen91. 91 http://www.un.org/fr/preventgenocide/rwanda/about/bgresponsability.shtml (Consulté le 14 décembre) 48 |
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