I.2.1.1. LA SOCIOLOGIE DE LA CREATION
I.2.1.1.1. LA MATERIALISATION DU DISCOURS
D'ARISTOTE
Il est raisonnable de parler de la sociologie de la
création pour cerner le travail de l'écrivain. Le langage
écrit constitue une communication. Il met donc en participation deux
individus avec une certaine matière dont le support est le langage.
Disons d'entrée de jeu qu'au lendemain de
l'indépendance politique des plusieurs peuples à travers le
monde, les études littéraires connaissent un réajustement
profond.
L'enchainement des étapes dans la création
littéraire se résume plus ou moins à la proposition
aristotélicienne sur la matérialisation du discours dont P.
Benichou se fait chantre (1966) : « Il s'agit de
l'inventioou recherche des arguments. Ici, l'auteur regarde
dans son environnement pour puiser les éléments pertinents qui
doivent alimenter son discours. Si ces éléments ne sont pas
teintés de la dimension sociale, ils sont fragiles parce que
considérés comme fictionnels. La
dispositio est une disposition logique selon des lois
esthétiques d'abord mais aussi psychologiques et sociologiques. Un ordre
esthétique se colle aussi à la doxa.
L'élocutio est la mise en forme verbale du discours.
L'actiorenvoie à la performance même du message
devant un public. Donc, c'est le public (société) en
dernière instance qui évalue la pertinence du texte. Un orateur
selon Aristote est un harangueur de la foule qui a les moeurs oratoires mais
c'est aussi la possibilité de lire le feed-back ».
Par conséquent l'idéologie Bakhtinienne,
présente dans une oeuvre littéraire un protagonisme
idéologique et une opposition entre différentes forces
sociolectales.
Convoquons à présent la théorie des
champs de P. Bourdieu et la notion d'ethos dans que développe R. Amossy
pour éclairer la genèse des stratégies narratives de
l'acte d'écriture.
I.2.1.1.2. LA THEORIE DES CHAMPS
Pour Pierre Bourdieu, l'écrivain est lui-même, un
membre de la société. Il vit un certain nombre
d'expériences qu'il va d'abord intérioriser et en plus
extérioriser sous forme d'un discours social. Le processus
d'écriture devient alors un dialogue entre l'intérieur et
l'extérieur d'où la consécration du dialogisme
littéraire de M. Bakhtine.
P. Bourdieu pense qu'« Il existe donc de
manière permanente des conflits des valeurs appelés ;
tension sociale. Ces tensions sont tranchées par le positionnement de
l'auteur. Puisque un écrivain est aussi un agent social qui subit un
certain nombre d'influences sociales qui le contraignent à prendre la
parole. Sa décision d'écrire devient alors une réponse qui
lui permet de se positionner dans un champ » (2001, 45)
A ce sujet, A. Viala dans sa sociopoétique
s'inspirant de P. Bourdieu parle de la posture de l'auteur. Il
considère l'auteur comme fruit de l'environnement
socio-économique qui l'oriente dans son écriture. « La
plume pour écrire n'est qu'un positionnement ».(A. Viala,
1963 :83) Il considère la sociologie comme une discipline la plus
forte pour comprendre la socialisation de l'auteur renvoyant à
l'habitus qui le socialise. L'écriture ne trouve sa fonction
sociale que quand elle répond à un positionnement. Nous pouvons
alors dire que l'acte d'écrire est une manifestation publique de la
posture interne de l'auteur. Cette extériorisation et
révélation de son positionnement face à un problème
social est appelé par M. Bakhtine,
l'exotopie (1995 :44).
La théorie des champs de P. Bourdieu soutient que la
société est partagée en classes sociales ou strates
sociales, appelées Champs. Il exige donc d'établir le rapport
« Dominant-Dominé »entre agents sociaux en lutte
permanente de leadership. Dans ce combat de leadership, seuls les agents
sociaux disposant d'un capital prestigieux peuvent l'emporter sur les autres.
Le capital selon P. Bourdieu, c'est l'atout nécessaire
permettant à un agent social de s'imposer dans un champ (1966, p157).
|