Chapitre 2 - Gestion intensive par l'entreprise de l'action
collective et de son règlement consensuel
181. Gestion intensive. La gestion est ici
intensive car elle se fait avec des moyens importants de manière
à donner des résultats plus sensibles. En effet, la gestion
opportune s'apparente uniquement à un comportement quasi passif de
l'entreprise contrevenante car elle ne s'intéresse qu'à
rechercher rapidement la baisse du coût probable de l'infraction au droit
de la concurrence au regard de l'action collective.
La gestion intensive demande donc un traitement
thérapeutique pour prévenir et même gérer plus
opportunément l'action collective. Ce traitement peut prendre place au
travers de deux modèles : la compliance, définie en
l'espèce comme la prévention du risque juridique (Section
1) et l'usage de certaines failles du cadre légal actuel
(Section 2).
Section 1 - Le traitement ex-ante : la compliance
182. Prévention. Les
expériences les plus anciennes des programmes de conformité au
droit de la concurrence remontent aux années 80 et se retrouvent aux
États-Unis et au Canada.
La compliance peut être définie comme
une action proactive qui vise à organiser et mettre en oeuvre les
procédures et moyens nécessaire au respect de la
réglementation par l'entreprise. Le rapport entre compliance et
action collective peut sembler distendu mais l'action collective reste
l'agrégation d'actions individuelles auxquelles il faut répondre
au regard du droit de la concurrence. Elle fait disparaitre le risque
même d'une faute et par là d'une action collective (1). Elle peut
aussi en cas de contentieux judiciaire ou extra-judiciaire permettre de
s'aménager « intelligemment » un possible contentieux (2),
avec par exemple des preuves qui serviront à anéantir les
prétentions des demandeurs à l'action collective.
§1) L'affaissement du risque
183. Risque et existence d'une faute. Les
programmes de conformité (ou compliance) sont des programmes
par lesquels des entreprises ou des organismes expriment leur attachement
à certaines règles et prennent un ensemble d'initiatives
concrètes destinées à leur permettre d'assurer le respect
de ces règles, de détecter de possibles manquements et de prendre
les mesures nécessaires pour y mettre fin (pour en tirer les
conséquences et pour en prévenir la réitération).
L'Europe regarde d'un bon oeil ce type de procédure . Pour les ANC, ces
programmes sont l'illustration « tangible de
318
stratégies volontaristes », par
lesquelles les acteurs économiques expriment leur «
détermination non seulement à assurer la conformité de
leur comportement avec les règles de droit, qui
149
s'imposent en tout état de cause à eux, mais
aussi à prévenir les risques » auxquels ils peuvent
319
être exposés en cas de non-respect de ces
règles et, dans le cas où ils découvrent une infraction
qui n'a pas pu être évitée, à y faire face sans
attendre. Il y a donc une forme de bienveillance des autorités envers ce
type d'initiative. L'Autorité de la concurrence française
à ce sujet pointe que :
« La création et l'entretien d'une culture de
respect des règles constitue une composante fondamentale des programmes
de conformité, sur laquelle la pratique décisionnelle de
l'Autorité a insisté de manière constante et
apporté de nombreux éclairages. Cet élément n'en
doit pas moins être complété par un ensemble de mesures
concrètes320 ».
Il faut donc créer au sein de l'entreprise des
modalités techniques pour empêcher les fautes constitutives de
coût pour l'entreprise par le biais d'une culture de la concurrence qui
passe
321
nécessairement par une information sur l'état du
droit.
184. Information et compliance.
Cette information et formation a un intérêt pour les grandes
entreprises dont les prises de décisions sont délocalisées
et décentralisées car elle permet d'éviter un risque
majeur : la faute qui peut se concrétiser par un mail d'un directeur des
ventes à un autre directeur des ventes d'une autre entreprise pour
s'accorder sur les prix. Il est nécessaire pour éviter cela de
notamment prévoir un document cadre sur le sujet avec des brochures, des
dispositifs d'alerte ou encore une formation continue. Il faut noter que les
procédures de production de preuve garanties par la directive renforcent
par ailleurs le risque à ce sujet.
Il faut donc au mieux expliquer et former les salariés
et cadres pour éviter le risque de faute au regard du droit de la
concurrence.
185. Coût. Il y a certes une
économie potentielle énorme, même si elle n'est jamais
palpable directement (peut être statistiquement), en évitant des
comportements fautifs mais il y a aussi un coût qui se profile. Ce
coût s'est bien souvent la prestation de service à payer aux
entreprises proposant des services de compliance (notamment les
cabinets d'avocat ), de plus les modalités
322
techniques peuvent être couteuses au niveau
organisationnel de l'entreprise (avec par exemple la mise en place d'une
personne en charge de la compliance : le compliance officer).
Dès lors, il faut déjà que le risque soit suffisant
(entreprise d'une certaine taille) pour que la compliance soit une
modalité de gestion du risque intéressante.
319 Autorité de la concurrence : projet :
Document-cadre du [ ·] sur les programmes de conformité aux
règles de concurrence, page 3
320 Ibid., page 4
321 KOEHLER DE MONTBLANC, Marie in Exigence de conformité,
Lamyline, 2012
322 voir par exemple :
http://consultantitrust.eu/fr/index.php
150
§2) La gestion pré-contentieux du
contentieux
186. Preuves. La compliance permet
aussi avant tout litige de gérer avant le contentieux le contentieux
lui-même. Tout d'abord, la culture de la compliance c'est aussi
justifier les actions de l'entreprise de manière intelligente et ainsi
« créer des preuves utiles » qui pourraient dans certaine
hypothèse servir d'alibi pour l'entreprise contrevenante (cette solution
reste néanmoins dangereuse si la mauvaise foi est découverte). En
tout état de cause, les programmes de conformité offre la
possibilité aux entreprises de donner des lignes de conduite à
ses employés qui pourront par ailleurs témoigner de la culture
« pro-concurrentielle » de l'entreprise devant les tribunaux. Enfin,
le risque de contrôle par les autorités en charge du public
enforcement peut être moins grand, du fait de la réputation
de l'entreprise, ce qui est un facteur statistique d'abaissement du risque de
contentieux (au regard du contentieux subjectif en follow-on).
187. Amende. La gestion par la compliance
permet aussi bien souvent de pouvoir bénéficier d'une
réduction d'amende, celle-ci étant relevée comme une
circonstance atténuante par les autorités nationales de la
concurrence323. En effet, la compliance apparaît
comme un acte positif de l'entreprise dans le sens d'une culture de la
concurrence, par exemple aux Etats-Unis, le U.S. Department of Justice
prend en compte la pratique des entreprises , tout comme les tribunaux
.
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