2) Une gestion passive de l'investissement
Afin de faciliter la gestion automatisée par
algorithme, les robo-advisors privilégient la gestion passive à
la gestion active. Ce changement, bien que peu commenté lorsqu'on
évoque l'émergence des robo-advisors, est pourtant l'un des plus
radical. Quand les autres apports concernent une nouvelle expérience et
approche client, le passage à une gestion majoritairement passive
constitue une véritable mutation idéologique en matière
d'investissements financiers.
Les adeptes de la gestion passive estiment que le
marché est efficient, et qu'il est par conséquent futile de
vouloir effectuer une sélection de titres puisque celle-ci aboutirait
forcément à une perte de rendement. A l'opposé, les
défenseurs de la gestion active pensent que le choix
discrétionnaire de titres, sur la base d'un jugement humain personnel
élaboré par l'analyse d'études financières, de
données économiques ainsi que de statistiques, tend à
surperformer l'indice. La gestion passive adoptée par les robo-advisors
constitue ainsi une petite révolution en matière de modèle
d'investissements financiers couramment appliqués, y compris en banque
privée et de fortune. Bien que l'utilisation de la gestion passive
semble être motivée par des raisons tarifaires (le coût d'un
tracker est bien inférieur aux autres fonds) et techniques
(l'automatisation implique l'emploi de modèles simples afin d'être
exécutés par un programme informatique), son impact n'est pas
moins important sur le modèle d'investissement financier.
L'activité du gestionnaire de portefeuille actif est de
déterminer la valeur réelle d'un titre, vers laquelle la valeur
de marché tend, et de la comparer à sa valeur de marché
actuelle. La différence entre les deux valeurs va permettre au
gestionnaire d'émettre un avis sur la cession ou l'acquisition du titre.
Or comme nous l'avons énoncé dans la partie
précédente, l'homme est sujet à des biais cognitifs qui le
conduisent à prendre des décisions financières non
optimales. Les individus ont tendance à combler naturellement les vides
informationnels et donc à prendre pour acquis des données qui ne
le sont pas. Malheureusement, les professionnels de la finance sont autant
humains que leurs clients, et donc également sujet à cette
vulnérabilité aux biais cognitifs. Or la valeur réelle
d'un titre est définie comme la somme de ses flux futurs
actualisés, ces flux étant déterminés par le
gestionnaire via les informations à sa disposition. Si celui-ci
surpondère ou sous-pondère des informations, à cause des
biais cognitifs, les flux futurs qu'il détermine deviennent
erronés et ainsi la différence entre la valeur réelle et
la valeur de marché devient fausse, conduisant à sous performer
le marché à long terme.
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Les études tendent à montrer que les
gestionnaires de fonds, bien que conscients des biais cognitifs et
déterminés à surmonter ce handicap naturel, font tout de
même des erreurs d'investissements. Le résultat de ces erreurs
étant une sous performance significative des portefeuilles de gestion
active par rapport à leur indice de référence.
L'étude14 de S&P, publié le 21 juillet 2016, est
ainsi significative :
Part des fonds actifs qui sous-performent leur indice
de référence
Source: S&P Indices Versus Active - SPIVA® Europe
Year-End 2015
Commentaire du tableau : la lecture du tableau nous permet
de confirmer ce qui a été évoqué
précédemment. On peut lire que 90% des gérants d'actifs en
moyenne couvrant les actions européennes fournissent moins de rendement
que l'indice de référence sur 10 ans. Ce taux de sous performance
tend à grimper lorsque la durée d'investissement prise en compte
augmente. Ainsi, si le gestionnaire est capable d'effectuer une
sélection de titres efficaces sur le court terme, il semble être
très difficile, voire impossible, de rééditer cette
performance dans le temps.
Le second graphique de cette étude permet d'affiner la
compréhension des facteurs qui permettent aux gestionnaires d'actifs de
créer de la valeur.
14 « SPIVA® Institutional Scorecard-How Much Do Fees
Affect the Active Versus Passive Debate? » - S&P - 21 juillet 2016
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Pourcentage des gestionnaires actions surperformant le
Benchmark
Source: S&P Dow Jones Indices LLC, eVestment Alliance, CRSP.
Data as of Dec. 31, 2015.
Commentaire du tableau : si la plupart des classes
d'actions sous-performent lorsqu'elles sont gérées activement,
certaines permettent de générer en moyenne un alpha
positif15 à l'image des sociétés à
faible capitalisation boursière ou encore l'immobilier.
L'explication en est logique. Prenons le cas des «
international small-cap », sur ce marché, il y a une abondance de
sociétés soumises à des fortunes extrêmement
diverses. Le spectre de croissance entre les sociétés est
excessivement large : certaines ont une durée de vie restreinte quand
d'autres ont un potentiel certain. La volatilité sur ce genre de
marché est donc très importante. Ainsi, pour un professionnel
impliqué et bien informé, dénicher la perle rare, et
mettre de côté les sociétés ayant peu de potentiel,
est plus simple. Les biais cognitifs propres à l'être humain sont
toujours présents, mais compensés par la forte disparité
de qualité des titres. En conclusion, la création d'un alpha
positif est rendue plus ardu lorsque :
- Les caractéristiques des différentes
sociétés présentes dans l'indice sont homogènes -
La volatilité de l'indice est faible
15 Définition Les Echos : « L'alpha mesure sur la
surperformance d'un portefeuille, d'une action ou d'un titre par rapport
à sa performance théorique telle que donnée par le MEDAF.
C'est une mesure de la capacité d'un gestionnaire à créer
de la valeur pour ses clients en étant capable de détecter les
titres ou les actions qui rapportent plus qu'elles ne devraient compte tenu de
leur risque et ce pour une période donnée. »
Ainsi, dans le cas des « large-cap growth », la
différence de performance entre les sociétés est minime,
ce qui implique que le gestionnaire actif ne surperforme que très
rarement l'indice.
Cette surperformance moyenne des gestionnaires se retrouve
également dans le cadre de marchés baissiers : en moyenne, avant
ajustement du risque, les gestionnaires actifs ont généré
un rendement excédentaire par rapport à l'indice. Si nous
analysons la situation en ajustant le rendement du risque, on remarque une
inversion des observations : le gestionnaire actif génère un
rendement ajusté du risque plus élevé que l'indice dans le
marché haussier et inversement dans le marché
baissier16. Ceci peut être analysé comme un ajustement
trop important des gestionnaires d'actifs, conscients du biais cognitif qui les
affecte. Ils cherchent tellement à contrebalancer leur instinct qui les
incitent à sécuriser quand le marché baisse et s'exposer
lorsqu'il monte, qu'ils en viennent à prendre trop peu de risque quand
le marché est haussier et inversement.
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