Conclusion
Le « robo-advisors » est avant tout une plateforme
de conseil en investissements financiers, par conséquent le service
qu'il propose aux clients reste limité à une partie seulement du
travail du gestionnaire de patrimoine. Ce dernier effectue une approche
patrimoniale globale qui lui permet de définir une stratégie
d'ensemble prenant en considération toutes les caractéristiques
du patrimoine du client. Pour aborder le métier du gestionnaire de
patrimoine, il convient de dissocier le conseil et la gestion, cette
dernière n'étant que le résultat matériel du
conseil qui a permis d'établir les besoins et attentes du client. Le
conseil du robo-advisors se limite à déterminer une allocation
d'actifs optimale en considérant un questionnaire rempli par le client.
Ainsi, l'habituel rendez-vous qui constitue le point de départ de la
relation entre le gestionnaire de patrimoine et le client se retrouve
transformer en un simple QCM. Il semble logique de penser que
l'appréciation d'une situation se fasse plus efficacement lorsqu'elle se
fait par un dialogue humain plutôt que par des cases à cocher. En
ce sens, le robo-advisors ne peut être disruptif pour le marché de
la gestion de patrimoine.
Toujours est-il que le robo-advisors tel que nous le
connaissons aujourd'hui est une première tentative, une version 1.0. Or
comme Schumpeter le met en avant dans sa théorie43 des cycles
économiques, les innovations apparaissent groupées, il utilise
d'ailleurs le terme de « grappe d'innovation ». Selon lui, ces
grappes se forment par une innovation disruptive majeure qui est suivi par une
multitude d'innovations incrémentales qui viennent perfectionner
l'innovation initiale jusqu'à transformer le marché. Ce processus
de « destruction créatrice » s'explique par la diminution des
résistances sociales et psychologiques que provoque l'innovation
initiale sur un marché et qui permet à d'autres de profiter de la
faille créée pour s'engouffrer. Dans sa théorie,
Schumpeter prévoit également que la « grappe d'innovation
», d'abord limitée à un secteur, va ensuite se propager dans
le reste de l'économie. Cette théorie économique est
très intéressante dans notre cas, effectivement même si le
robo-advisors ne constitue pas aujourd'hui une innovation disruptive pour la
gestion de patrimoine, il est en passe de le devenir en ce qui concerne le
secteur de la gestion financière exclusivement. De la même
façon, le robo-advisors, tout comme le reste de la « FinTech
», a fait exploser les barrières sociales et psychologiques que
nous avions abordées dans l'introduction. Nous sommes confrontés
à une démocratisation de la « FinTech » qui rentre
petit à petit dans le quotidien de toute la population. Le premier point
du processus de « création destructrice » est donc rempli. La
question est maintenant de savoir si la « grappe d'innovation » va
suivre : si des innovations incrémentales s'ajoutent au robo-advisors
pour palier à ses limites
43« Le cycle des affaires » - Joseph Alois Schumpeter -
1939
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initiales, que ce soit en termes de fonctionnement de
structure, ou de marché ciblé, il pourrait devenir un concurrent
crédible pour la gestion de patrimoine.
Dans un tel contexte, l'objectif des acteurs traditionnels
n'est pas de casser dans l'oeuf ce mouvement de fond, qui semble immuable, mais
de réussir à s'approprier ce changement en
intégrant les robo-advisors aux structures
existantes. Les acteurs du marché seraient alors en capacité de
remplir eux-mêmes la deuxième phase du processus de Schumpeter :
ils pourraient mettre en place des améliorations incrémentales du
robo-advisors de base afin de le rendre plus efficient. De cette façon,
ils contrôleraient l'évolution de son modèle pour qu'il
aille dans un sens bénéfique pour les gestionnaires de patrimoine
en place. La finalité du robo-advisors semble plutôt être
son intégration à un modèle hybride novateur. Ce
modèle permettrait aux clients de choisir des services de gestion de
patrimoine « à la carte », en fonction de leurs objectifs, de
leurs moyens et de la complexité de la situation patrimoniale. Ces
différents critères seraient toujours déterminés
par le biais d'un entretien avec un conseiller qui effectuerait une approche
patrimoniale globale. Ce modèle répondrait aux nouvelles attentes
de consommation en permettant au client de devenir plus utilisateur que
consommateur, en lui offrant plus de transparence sur les coûts et la
plus-value apportée par le conseiller sur chaque type de service fourni.
Le robo-advisors constituerait alors un des nombreux services proposés,
à un coût relativement faible, destiné à une
population à potentiel qui n'a aujourd'hui pas accès à la
gestion de patrimoine. Au fur et à mesure que la richesse d'un client
augmentera, il basculera tout naturellement vers une gestion plus humaine et
moins automatisée, en concordance avec la complexification de ses
problématiques patrimoniales.
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