2) Le désir d'une expérience client
renouvelée n'est pas propre
aux moins fortunés
Pour la banque privée, cette évolution n'est pas
non plus sans impact, même si celle-ci reste plus indirecte. Elle permet
aux acteurs du marché, habitués à de vieilles habitudes,
de prendre conscience de l'évolution des mentalités. La banque
privée a un avantage non négligeable sur beaucoup d'autres
secteurs, comme elle est positionnée sur une clientèle
généralement âgée et que les nouveaux modes de
pensées et d'actions sont tout d'abord véhiculés par la
jeunesse, son délai d'adaptation est rallongé. Ils ont le temps
de voir venir et d'anticiper les améliorations à apporter en se
référant sur ce qui a été fait sur d'autres
secteurs. Ainsi, l'ère du numérique ne date pas d'aujourd'hui, il
est en marche depuis le début des années 2000 et il existe de
nombreux secteurs qui ont déjà muté. Mais jusqu'à
présent, influencé par une clientèle qui n'était
pas concernée, la banque privée n'a pas subi les
conséquences et effets d'un manque d'adaptation. A l'heure actuelle, la
pression du numérique se fait de plus en plus sentir dans le secteur
puisque la génération émergente des banques
privées, à savoir celle située entre 40 ans et 60 ans, a
une demande pour le numérique qui n'est que marginale pour les
générations plus anciennes. Cette pression ne va aller qu'en
s'accentuant au fur et à mesure du remplacement démographique. En
instaurant un concurrent numérique juste à leurs pieds, sur un
secteur commun, les banques privées se retrouvent contraint
d'accélérer leur mue.
En soi, le robo-advisors ne les concurrence pas, mais il
montre aux yeux des clients qu'il existe une possibilité d'interface
plus ergonomique, des coûts plus transparents et des souscriptions plus
simples. Or le client fortuné souhaite un service à la pointe et
ne comprend pas l'adoption si lente d'un service de notre temps. Les
résultats apportés par le sondage d'Accenture40 vont
dans ce sens, 76% des clients de sociétés de Wealth Management
interrogés pensent que l'implantation d'une technologie numérique
dans la relation n'affecterait pas négativement la qualité du
service fourni. Plus encore, 38% affirment qu'il est important que leur
institution fournisse la meilleure technologie numérique possible. De
plus, le rapport suggère que les motivations principales des clients les
plus fortunés (High Net Worth) lorsqu'ils changent de conseiller sont de
réduire les frais, d'obtenir un accès plus simple à leurs
comptes, de pouvoir accéder plus facilement à leur conseiller
mais également de leur permettre d'avoir plus d'informations sur les
investissements disponibles et
39Décideurs Magazine - « Les statuts des
« robo-advisors » devraient être très rapidement
aménagés » - 15/03/2016
40« Generation D in Europe » - Accenture - 2015
47
de pouvoir comparer les performances en temps réel. Ces
données révèlent un appétit certain des
investisseurs, même très fortunés et relativement bien
suivis, pour la gestion numérique et la transparence des frais. Fournir
des ressources informatiques supplémentaires pour le client, selon une
approche simple et épurée, pourrait contribuer à conserver
la confiance des clients. Si les banques privées prennent le pli du
numérique, leur avantage de spécialisation leur permettra de
repousser au loin le risque du modèle en ligne qui pèse sur
elles.
La mise en place d'un service rationalisé, autant que
peut se faire, et une évolution des pratiques de gestion doivent donc
être une priorité pour les acteurs de la banque privée. A
cet effet, Deborah Fox, fondatrice du Fox Financial Planning Network, a
utilisé le terme de « robo shield » pour définir une
stratégie d'amélioration de l'utilisation de la technologie afin
d'être plus efficace et de fournir une expérience client plus
numérique41. Le lien rationnel fait entre le bouclier
anti-robot et la mise en place d'un service plus technologique est qu'il permet
de contrer le seul apport du robo-advisors en capacité de perturber le
secteur. C'est ce que recommande notamment Clayton M. Christensen quand il
aborde la question de la défense à adopter contre une innovation
disruptive, il faut court-circuiter l'acquisition de parts de marché du
nouvel entrant en se dotant des mêmes capacités. Les banques
privées devront donc saisir l'opportunité et s'adapter à
l'évolution de leur clientèle, se faisant elles pourront attirer
toutes les jeunes générations qui constituent leur futur vivier
de clients. Le fait qu'elles ne soient pas en concurrence directe avec les
robo-advisors leur assure encore une certaine marge de manoeuvre, qui leur
permettra d'aborder ce changement de façon prudente et
réfléchie.
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