6. Discussion
Pour rappel, la problématique de ce travail de recherche
est la suivante :
« Quels sont les facteurs qui permettraient aux
ergothérapeutes, spécialistes de la préconisation d'aides
techniques et d'assistances technologiques, de préconiser des robots de
soutien émotionnel à des personnes âgées
isolées, en vue de favoriser leur maintien à domicile ?
»
Les hypothèses formulées afin d'y répondre
sont les suivantes :
A) Les robots compagnons devraient être
financièrement accessibles,
B) Les ergothérapeutes pourraient être
formés, ou davantage informés, sur la robotique d'assistance,
C) L'entourage de la personne âgée devrait
être inclus au processus de préconisation d'un robot compagnon,
D) Les personnes âgées ne devraient pas
être considérées comme systématiquement
réfractaires aux nouvelles technologies.
Celles-ci sont, ci-dessous et une à une,
confrontées aux réponses obtenues lors de l'enquête de
terrain.
A) Les robots compagnons devraient être
financièrement accessibles.
L'hypothèse est confirmée.
Les quatre ergothérapeutes ayant participé
à l'enquête de terrain ont répété à
plusieurs reprises que le coût d'une aide technique est un critère
prépondérant influençant son acceptation ou son refus. La
majorité des personnes âgées qui font appel à un
ergothérapeute sont en effet limitées financièrement et,
sans aide extérieure, ne peuvent se permettre l'acquisition d'une aide
technique onéreuse. Il n'existe actuellement aucune aide
financière délivrée par les Maisons Départementales
des Personnes Handicapées (MDPH) ou d'autres organismes, pour
l'acquisition d'un robot d'assistance. Seul l'entourage de la personne
âgée, quand il y en a un, peut alors lui venir en aide.
Pistes de réflexion /
Propositions
Pour que les faibles ressources financières de la
personne âgée ne soient plus un frein à l'acquisition d'un
robot d'assistance, il faudrait que ceux-ci soient moins chers. Leur prix
élevé d'aujourd'hui s'explique essentiellement par le fait qu'ils
intègrent des technologies naissantes et qu'ils soient produits en
très faible quantité. Nul doute que dans quelques années
la technologie qui fait « vivre » ces robots sera devenue ordinaire
et que ces derniers seront produits à une échelle industrielle.
Cela devrait avoir pour effet de diminuer leur prix.
Les professionnels de terrain, les établissements de
soins, certaines associations, etc. pourraient également s'allier et
réaliser des achats de robots « en gros », leur permettant
d'avoir des réductions.
40
Enfin, une politique de santé en faveur du
développement et de la diffusion de la robotique d'assistance,
accompagnée des moyens nécessaires, pourrait initier les
démarches sus-citées.
B) Les ergothérapeutes pourraient être
formés, ou davantage informés, sur la robotique
d'assistance.
L'hypothèse est confirmée.
La méconnaissance de la robotique d'assistance par les
ergothérapeutes questionnées est manifeste. Cette
méconnaissance des produits sur le marché et de leur
potentialité ne leur permet pas de préconiser de tels
dispositifs, ni même d'y penser. De plus, si toutefois un
ergothérapeute voulait en préconiser, ou simplement en
conseiller, il ne saurait pas où diriger la personne pour en
acquérir un.
Étonnamment, la récence de ces technologies n'est
jamais citée clairement par les ergothérapeutes
interrogées pour expliquer leur ignorance de la robotique d'assistance.
Elle est tout juste sous-entendue : « Quelque chose d'irréel
», « c'est de la science-fiction ». Cette ignorance est
systématiquement justifiée par un défaut d'information et
de formation à l'IFE et après le diplôme.
Pistes de réflexion /
Propositions
Afin de faire connaître la robotique d'assistance aux
ergothérapeutes, il est pertinent qu'ils y soient sensibilisés
dès leur formation initiale, à l'IFE. La robotique d'assistance
est récente, il peut donc être difficile de dispenser des
enseignements complets à ce sujet, avec des démonstrations de
produits... Néanmoins, il serait intéressant que la robotique
d'assistance soit un sujet évoqué durant la formation et
présentée comme une aide technique sérieuse, que
l'ergothérapeute est en capacité de préconiser.
Les ergothérapeutes voulant se spécialiser dans
le domaine des solutions de robotique d'assistance ou des
gérontechnologies en général, devraient pouvoir avoir
accès à des formations post-Diplôme d'État (DE),
comme des masters, des Diplômes Universitaires, des formations
délivrées par l'ANFE, etc.
Les formations en gériatrie devraient également
systématiquement sensibiliser les ergothérapeutes aux robots
d'assistance.
Enfin, les organismes de diffusion de ces aides, ou leurs
revendeurs, pourraient proposer aux ergothérapeutes des
démonstrations en situation.
C) L'entourage de la personne âgée
devrait être inclus au processus de préconisation d'un robot
compagnon.
L'hypothèse est confirmée.
Lors de chaque entretien, les ergothérapeutes ont
martelé l'importance de considérer l'entourage de la personne
âgée lors de la préconisation d'une aide technique. Chacun
de nous se réfère en effet aux gens qui nous entourent avant de
faire un choix important. Si l'avis de
41
l'entourage est négatif, la préconisation a peu
de chances d'être acceptée. Si son avis est positif, l'acceptation
de l'aide est bien plus probable.
Pistes de réflexion /
Propositions
À chaque préconisation et quand cela est
possible, l'ergothérapeute doit se faire l'allié de l'entourage
de la personne âgée à qui est destinée l'aide
proposée.
Dans la situation d'une personne âgée
isolée qui n'aurait pas d'entourage familial ou d'entourage proche,
l'ergothérapeute, les revendeurs médicaux et les professionnels
intervenant au domicile seraient les personnes ressources de la personne
âgée. Il est donc important que tous les intervenants tiennent le
même discours et portent ensemble le projet proposé. Il incombe
à l'ergothérapeute de se rapprocher des autres professionnels
afin de leur présenter le projet ainsi que le robot d'assistance.
D) Les personnes âgées ne devraient pas
être considérées comme systématiquement
réfractaires aux nouvelles technologies.
L'hypothèse est confirmée.
Deux ergothérapeutes sur les quatre interrogées
explicitent clairement que les personnes âgées seraient peu
ouvertes à l'utilisation d'un robot d'assistance ou auraient des
difficultés à s'en accommoder. Les deux autres évoquent
cette idée ou se questionnent à ce sujet. La technologie ne fait,
en effet, qu'assez peu souvent partie de leur vie quotidienne. Est-il pertinent
de proposer un robot à une personne âgée qui ne
possède ni téléphone, ni ordinateur ? La question est
légitime, même si une réponse tranchée de la part de
l'ergothérapeute sans discussion préalable avec la personne
serait mal venue.
Ces résultats corroborent l'image que la
société véhicule, selon laquelle les personnes
âgées et la technologie sont incompatibles. Les études de
NEVEN et VAN DIJK, citées plus haut dans ce mémoire (cf. 3.1.3.3.
Acceptation des nouvelles technologies par les personnes âgées)
nuancent ces préjugés et dressent le profil des personnes
âgées les plus enclines à accepter un robot
d'assistance.
Une des professionnelles questionnées se pose la
question de l'acceptation d'un robot par une personne souffrant de troubles
cognitifs. Celle-ci comprendrait-elle ce que représente le robot et
à quoi il sert ? Le robot serait-il accepté/refusé pour ce
qu'il est réellement ?
Pistes de réflexion /
Propositions
Bien qu'il faille nous garder d'accorder plus de crédit
aux études menées par NEVEN et VAN DIJK qu'aux
ergothérapeutes qui travaillent tous les jours au côté des
personnes âgées, il serait souhaitable de maintenir à
l'esprit que chaque personne âgée est différente. Ainsi,
même si l'une ou l'autre, ou bien même si la plupart des personnes
âgées refusent qu'un robot « s'occupe d'elles », il
convient aux ergothérapeutes de ne pas généraliser ces
situations et d'en faire une vérité pour toutes les personnes
âgées qu'ils accompagnent.
42
De plus, comme stipulé plus haut, pour qu'une nouvelle
technologie soit acceptée par une personne âgée, celle-ci
doit lui apparaître utile et facile d'utilisation. Il est du ressort de
l'ergothérapeute de présenter le produit, ses
bénéfices, ses avantages et inconvénients ainsi que la
façon dont il s'utilise. Si l'ergothérapeute est convaincu que le
robot qu'il s'apprête à préconiser est l'aide la plus
adaptée aux besoins de la personne âgée, il doit tenter de
la convaincre, sans oublier son entourage dont l'importance dans le processus
d'acceptation d'une aide technique a largement été
soulignée dans ce mémoire.
|