Cette théorie est la synthèse visant à
intégrer les travaux réalisé tant en psychologie qu'en
sociologie. La théorie de Linda Gottfredson (1981) se propose
d'expliquer comment les aspirations se circonscrivent progressivement et
comment chaque individu effectue des compromis lorsqu'il veut réaliser
ses choix professionnels.
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Cette théorie est d'inspiration cognitive car c'est au
cours de son développement que l'enfant va construire les deux
dimensions de ce que Gottfredson appelle « la carte cognitive des
professions »
L'enfant avec le temps tiendra dans ses évaluations
les métiers, leur statut social, le prestige et les met sur la
même échelle de prestige que l'adulte.
Gottfredson cité par Guichard (2006 :157) accepte
probablement l'idée selon laquelle les individus se forment des
représentations « intimes » des professions, mais cette
idée soulignerait certainement que celles-ci ne joue qu'un rôle
secondaire dans leur choix, l'élément déterminant
étant à ses yeux la représentation sociale des
professions. Le postulat fondamental de la théorie de Gottfredson est en
effet que les préférences professionnelles et les choix de
carrières « constituerait primordialement une tentative de
réaliser un soi social et seulement de manière secondaire un soi
psychologique ». Gottfredson (1996 :181). Trois notions fondamentales
entrent dans la théorie de cet auteur : la carte cognitive unique des
professions, la circonscription et le compromis. Selon lui, l'être humain
au fur et à mesure qu'il se développe de l'enfance à
l'adolescence, se forme une carte cognitive des professions sur laquelle il
circonscrit celles qui l'intéressent, puis en fonction des
opportunités qu'il perçoit il effectue des compromis dont la
logique est la même pendant toute la vie. Neufs concepts fondamentaux
meublent cette théorie :
? le concept de soi qui est la représentation de ce
que l'on est, de ce que l'on n'est pas et aussi de ce que l'on souhaiterait
être ou ne pas être. Tout se passe en effet comme si le sujet
devenait au cours de son développement de plus en plus conscient de ce
qui limite de fait son choix, ce qui le conduirait à réduire
progressivement le champ de ce qui lui paraît constituer des
éventualités. Les éléments majeurs les plus
pertinents en ce qui concerne le choix professionnel sont le sexe, l'origine
sociale, l'intelligence, les intérêts professionnels, les
compétences et les valeurs. Toutefois Guichard cité par
Ongomes
35
(2005 : 35), « la profession est un des
différenciateurs les plus visibles et les plus importants dans la
société »
? les images des professions qui sont des
stéréotypes, des généralisations concernant la
personnalité de ceux qui l'exercent, le travail qu'ils font, la vie
qu'ils mènent, les avantages et les inconvénients de leur emploi.
Ces représentations sont naturellement plus ou moins claires,
précises et justes.
? la carte cognitive des professions : les images des
professions s'organisent dès l'adolescence pour former une carte
cognitive unique. Celle -ci se structure selon deux dimension principales :
masculinité-féminité et le niveau de prestige. La carte
cognitive est une intégration de la densité des
représentations dans un ensemble simple et structuré. C'est une
structure représentative simple autorisant une connaissance rapide de
l'ensemble des professions. Cette carte constituerait sur un axe le
degré de prestige et sur l'autre celui de masculinité
-féminité. Gottfredson prend en compte le domaine professionnel
selon la typologie de Holland pour évaluer la carte cognitive des
professions.
? la compatibilité : c'est ce qui désigne
habituellement les termes de congruence ou d'adéquation entre soi et
l'environnement professionnel. Il s'agit de jugement de concordance entre soi
et les fonctions professionnelles. Ceux-ci se fondent sur certaines dimensions
fondamentales et tout particulièrement la convenance quant à
l'identité de genre. Plus la compatibilité entre soi et une
profession est élevée, plus la préférence pour
cette profession croit.
? l'accessibilité perçue des professions :
c'est la prise en compte par l'individu des éléments
réalistes tels qu'il les perçoit il s'agit des jugements qu'il
forme au sujet des obstacles ou de ce qui est favorable à la
réalisation de ses projets professionnels dans l'environnement social et
économique. Chacun ne se fait pas une idée identique des
professions accessibles. Or cette perspective affecte les projets
professionnels. En
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effet, l'accessibilité perçue des professions
semble variable selon les individus. Le résultat est que les individus
effectuent souvent des compromis ; ils ne peuvent pas effectivement exercer
l'emploi « leur permettant d'atteindre tout à la fois leurs buts
touchant au prestige, au degré de masculinité-
féminité, au domaine professionnel ». Guichard (ibid :
92)
? les aspirations professionnelles : elles constituent les
produits de la combinaison des jugements de compatibilité et
d'accessibilité. Ce sont donc des préférences
professionnelles qui tiennent compte d'éléments de
réalité. Si la place de ces dernières est fondamentale,
ces aspirations sont « réalistes »; dans le cas contraire
elles sont « idéalistes ».
? l'espace social ou zone d'alternative acceptable qui
regroupe les professions que l'individu considère comme traduisant le
mieux la vue qu'il a de la place qui lui convient dans la
société.
? la circonscription qui est le processus conduisant à
la délimitation sur la carte cognitive des professions de l'espace
social des professions acceptables par l'individu.
? le compromis qui est le processus par lequel les individus
renoncent à leurs aspirations préférées pour en
choisir d'autres qui leur semblent moins compatible avec eux, mais plus
accessibles.
Toutefois il convient de voir à l'aide de cette
théorie comment se forme les représentations professionnelles et
comment les aspirations se circonscrivent progressivement et comment chaque
personne effectue des compromis lorsqu'il veut réaliser ses choix
professionnels.
II-3-1-1. La circonscription du projet professionnel
selon le modèle de Gottfredson.
Initialement, le sujet prend conscience de ce qu'est une
profession, puis il rejette d'une manière nette celles qui
étaient opposées à son genre, parce qu'elles
n'étaient pas en accord avec ses tendances. En même temps que le
sujet prend
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conscience du niveau des emplois acceptables dans son milieu
social, il élimine successivement tous ceux qui signifieraient que
professionnellement il est raté. De même le jeune découvre
à l'école le niveau de ses capacités intellectuelles et
ajuste ses vues en conséquence. Plus tard, il aura ainsi réduit
l'étendue de ses choix potentiels et circonscrit ces derniers. Bien que
le processus soit le même pour tous les jeunes, l'endroit où ils
traceront leurs limites diffère selon les jugements de leurs
compétences et motivations. C'est pourquoi Gottfredson cité par
Guichard (1993 :93) atteste que « même les préférences
idéalistes des jeunes diffèrent selon leur âge, leur sexe,
la classe sociale, les compétences et les valeurs ».