Paragraphe 2-
Les heurts de la collaboration entre la Cour et les États parties
On examinera dans ce paragraphe les exceptions
(A) et les difficultés (B).
A- Les exceptions au
principe de la coopération entre les États et la CPI
Il s'agit, ici, de dégager certaines hypothèses
dans lesquelles les États parties peuvent refuser d'accéder
à une demande de coopération. Ceci n'est possible que dans des
circonstances limitées.
1. En cas de la protection de la sécurité
nationale
Il est admis qu'un État peut se rétracter
lorsqu'une demande de la cour est susceptible de porter atteinte à sa
sécurité nationale. Cependant, l'État n'est pas, pour
autant, exonéré de son obligation de coopérer.
Les articles 72 et 93 du statut de Rome prévoient tout
un ensemble de procédure pour régler la question. Il s'agit, par
exemple, de la non divulgation des renseignements fournis à la cour ou
l'État peut enjoindre à la CPI de modifier ou de préciser
sa demande ou enfin, la CPI peut être appelée à trancher
sur la pertinence des éléments de preuve demandés.
En effet, l'exception de protection de la
sécurité nationale ne peut être soulevée qu'en
dernier ressort et surtout lorsque toutes les étapes prévues
à l'article 72 ont échoué.
2. En cas d'interdiction en vertu de la
législation nationale
Le statut de Rome dispose qu'un État partie peut
refuser d'exécuter une demande non prévue par l'article 93 «
Autres formes de coopération ».
Ce refus reconnu à chaque État
partie au statut de Rome, n'est pas automatique. Il est, également
prévu, comme dans la protection de la sécurité nationale,
des étapes de conciliation des vues entre la CPI et l'État
concerné. Ce n'est qu'en cas d'échec de ces concertations que,
l'État peut, comme dans le cas précédent, se
rétracter.
B-
Les difficultés liées à la coopération des
États et la CPI
Il est possible que dans certaines mesures, un
État partie au statut de Rome refuse d'accéder à une
demande d'arrestation lancée par la cour, alors que l'arrestation est
d'ailleurs plus indispensable pour le bon déroulement de la justice
internationale.
La coopération dont il est question ici,
n'est qu'une obligation formelle : aucune véritable sanction n'est
prévue pour contraindre un refus éventuel opposé par un
État à une demande de la Cour pénale internationale.
L'article 87, § 7, précise ainsi seulement que " si un
État Partie n'accède pas à une demande de
coopération de la Cour (...) et l'empêche ainsi d'exercer les
fonctions et les pouvoirs que lui confère le présent Statut, la
Cour peut en prendre acte et en référer à
l'Assemblée des États Parties ou au Conseil de
Sécurité lorsque c'est celui-ci qui l'a saisie ". Une
question pertinente à examiner, à ce niveau, est celle de
chercher à comprendre si un État réticent à
coopérer avec la Cour, en dépit de l'obligation qui lui est faite
par le Statut, a-t-il beaucoup à craindre d'une " prise d'acte
" de ce refus par la Cour et de sa transmission par celle-ci à
l'Assemblée des États Parties au Traité ? On peut,
effectivement, en douter, le Statut ne prévoyant pas de doter,
l'Assemblée des Parties de pouvoirs particuliers de coercition à
l'égard d'un tel État.
En définitive, il apparaît que les États
ont un grand rôle à jouer dans les activités de la Cour
pénale internationale. Leur concours s'avère indispensable, si
cette juridiction veut remplir les objectifs qui lui ont été
fixés. Les États sont cependant les collaborateurs de la Cour, et
non les administrateurs de celle-ci. Ils n'interviennent que lorsque celle-ci
requiert leur collaboration et a besoin de leur appui. Ils sont les moyens
d'action de la Cour et non sa tête pensante. Malgré le
caractère obligatoire pour les États parties, de leur
coopération, ceux-ci restent en pratique encore et toujours seuls juges
de l'opportunité d'apporter leur assistance à la Cour et celle-ci
est quasi impuissante devant eux, parce que dépourvue de
pouvoir de sanction en cas de manquements. Qu'advient-il alors dans le cas
où un État manque délibérément à ses
obligations internationales devant la Cour ? En droit international, il
existe des sanctions lorsqu'un État met en cause sa
responsabilité internationale en contrevenant à ce qui est requis
de lui. Qu'en est-il par exemple pour le cas spécifique de l'obligation
de coopérer avec la Cour Pénale Internationale? Le chapitre qui
suivra sera le lieu d'évoquer les conséquences pour les
États du fait de leur non coopération avec la Cour, ce qui
constitue en effet une des violations qu'ils peuvent commettre les
États.
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