CONCLUSION GENERALE
La montée du chômage au Maroc fait de l'emploi un
problème économique et social crucial pour les pouvoir publics.
Le chômage est également l'un des phénomènes les
plus saillants et qui touche toutes les composantes de la société
marocaine, y compris les jeunes diplômés. En raison de ses effets
multiplicateurs sur l'emploi et sur le reste des branches économiques,
le secteur touristique et hôtelier apparaît comme un secteur
prometteur à privilégier pour atténuer l'ampleur du
chômage, insérer les jeunes diplômés et
développer les ressources humaines.
Notre point de vue, qui se fonde sur la
nécessité d'une vision intégrée de l'emploi dans
ses aspects économiques, de la qualification et des compétences,
part du postulat que l'amorce du professionnalisme et de la performance globale
de l'activité hôtelière au Maroc passe fondamentalement par
la nécessité de mener de pair la relance du secteur et le
développement de sa compétitivité structurelle en
favorisant la valorisation des ressources humaines.
En effet, si la situation de l'emploi touristique et
hôtelier dépend principalement de l'accroissement de
l'investissement dans ce secteur, elle ne saurait se produire d'une
façon durable sans que les équilibres économiques et
financiers des entreprises au niveau sectoriel ne soient en priorité
établis.
Cependant, les facteurs économiques de l'emploi dans le
secteur ne sont point suffisants pour assurer une adaptation à un niveau
satisfaisant de l'offre de travail par les entreprises et de la demande de
travail par ceux qui sont à la recherche d'un emploi.
Nos hypothèses nous ont amené, tout au long de
notre travail, à souligner avec force que la formation et le
développement des compétences des hommes sont indispensables non
seulement pour satisfaire aux besoins des entreprises touristiques et
hôtelières en personnel qualifié, mais aussi pour s'adapter
aux mutations technologiques, pour développer l'employabilité de
la force de travail et l'insertion professionnelle des jeunes lauréats
de l'appareil de formation. Elles nous ont permis également de mettre en
relief l'importance pour l'économie touristique, d'un système de
formation efficient et d'un vigoureux effort de formation continue de la part
de nos entreprises.
Etant donné l'acuité du chômage et le
besoin d'un développement économique, nous avons cherché
à évaluer la contribution du tourisme, en tant que marché
du travail, à l'économie marocaine. Pour ce faire, nous sommes
partis de l'évolution considérable des mouvements de personnes,
à l'échelon international, pour démontrer que le tourisme
international est un secteur de croissance et une source importante de
création d'emplois.
Cette analyse est parvenue à montrer que la
volonté politique chancelante des pouvoirs publics, la faiblesse
structurelle de l'économie touristique, la pénurie de
main-d'oeuvre qualifiée, l'inadaptation de la formation aux besoins du
secteur, constituent des freins vis-à-vis du décollage du
tourisme et de l'hôtellerie. Ces entraves ne permettent pas à
l'heure actuelle au secteur de faire jouer convenablement et efficacement ses
effets multiplicateurs en matière de développement et de
création d'emplois, et ce malgré les dotations en ressources
touristiques naturelles particulièrement importantes dont dispose le
Maroc.
Dans ce cadre, nos diverses investigations (enquêtes,
interviews, nos expériences sur le terrain) nous ont permis de relever
les caractéristiques contrastées de l'hôtellerie (objet de
notre recherche) : créatrice d'emploi, pourvoyeuse de devises
étrangères, mais peu imprégnée des techniques et
des méthodes modernes de management. Contraint aujourd'hui à la
rénovation de son immobilier et de prestations, le parc hôtelier
constituerait, dans le cas d'une relance éventuelle, un pôle
d'attraction pour les capitaux et la main-d'oeuvre, mais en même temps,
malgré l'exception d'une infime partie d'établissements
hôteliers, elle reste archaïque dans son mode de gestion des
ressources humaines.
Ce mode de fonctionnement est fondé essentiellement sur
l'utilisation d'une main-d'oeuvre formée essentiellement sur le tas, sur
la compression des effectifs du personnel qualifié et de l'encadrement,
et sur la pression sur la masse des salaires. Il en découle un
écart manifestement important entre l'existant et les besoins en termes
de main-d'oeuvre compétente, d'encadrement de qualité, de
formation et de développement du potentiel du personnel en
activité. A ce sujet, le stock des compétences dans les
entreprises hôtelières est en deçà des normes et des
défis à relever. L'insuffisance de l'encadrement du secteur,
l'hypertrophie de la main-d'oeuvre sans qualification, le peu d'investissements
en formation sont autant de facteurs ayant un impact négatif sur la
compétitivité du secteur et sur ses performances.
Ces éléments conjugués montrent bien
qu'il existe bel et bien des liens de causalité entre le mode de
production de l'hôtellerie marocaine (organisation, division du travail,
management et rapport sociaux) et la perte de vitesse du tourisme marocain et
de l'hôtellerie en matière de compétitivité et de
réactivité face à la concurrence internationale. Ce
déclin a pour corollaire la reconversion des jeunes lauréats du
système de formation touristique et hôtelière du fait que
le poids de la contrainte concurrentielle est supporté pour l'essentiel,
et de plus en plus, par le personnel. Même sur ce le terrain relatif
à la compétitivité-prix, l'hôtellerie semble mal
positionnée par rapport aux prix des pays directement concurrents qui
ont adopté des comportements de marges plus offensifs. En égard
à ces divers éléments, les perspectives à terme ne
laissent guère apparaître une amélioration qualitative de
la situation, si l'on ne considère pas le capital humain comme un
facteur-clé pour la réussite stratégique de
l'hôtellerie. Les scénarios et les tendances prévisibles
que nous avons développés au sujet de l'évolution
technologique en hôtellerie, l'agressivité de la concurrence et la
domination du marché par des chaînes hôtelières
à l'échelle mondiale, ainsi que le besoin de la relance et du
développement de l'hôtellerie dans notre pays, laissent
présager que la majorité des salariés dans le secteur est
mal préparée pour l'environnement de l'emploi hôtelier de
demain.
Les efforts à entreprendre et à perpétuer
sont considérables, au vu de la situation actuelle de
l'hôtellerie. Ils concernent l'accroissement du progrès
technologique, les outils de production, l'organisation du travail, le
management dans l'ensemble des unités hôtelières, a court
terme, ces dernières devraient être en mesure de s'adapter, de
manière à reconquérir non seulement les marchés
traditionnels, mais aussi la clientèle de niches. A moyen et long terme,
elles devraient faire preuve de créativité pour intéresser
une clientèle potentiellement importante de par l'évolution des
flux touristiques à l'échelle mondiale. Pour ce faire, elles
devraient disposer des compétences leur permettant d'améliorer
leur compétitivité et de se doter de compétences capables
de réussir les changements organisationnels, technologiques et
managériales à entreprendre.
Considérant, ces tendances prévisibles, mais
réalistes, le maintien des salariés actuels dans leurs emplois
actuels et la création de nouveaux emplois dans le secteur exige d'ores
et déjà une adaptabilité croissante de la main-d'oeuvre
existante et l'emploi d'un personnel en mesure d'améliorer constamment
ses compétences. Voila qui nécessite un effort accru en
matière d'investissements en ressources humaines, et une adaptation du
système de formation touristique et hôtelière aux exigences
actuelles et futures de la profession.
Pat ailleurs, l'objectif à été , tout au
long de ce travail, d'analyser la réalité de l'hôtellerie
marocaine pour parvenir à cerner les incidences du développement
des compétences et des qualifications sur l'amélioration de sa
compétitivité et sa professionnalisation .
Partant des faits marquants tels que la mondialisation, la
poussée de la multinationalisation de l'hôtellerie et le
progrès de la technologie hôtelière , tout comme leurs
effets sur les besoins en formation , en qualification et en compétence,
il s'est avéré pour que l'hôtellerie marocaine puisse jouer
le rôle qui lui échoit et gagner les paris de son
repositionnement, il lui est nécessaire de promouvoir la
compétitivité structurelle comme déterminant de la
compétitivité. Celle-ci dépend de la capacité des
hôteliers à mettre en valeur des facteurs qualificatifs, tant au
niveau de l'adaptabilité du système productif aux nouvelles
technologies, que de l'offre, à la demande mondiale, que des
stratégies organisationnelles et du management des ressources humaines.
Le repositionnement dont il s'agie ici ne peut se passer d'un changement dans
les mentalités, d'une rationalité dans les méthodes de
gestion, d'une mise à niveau en matière de ressources humaines et
d'une synergie entre le système de production (les entreprises
hôtelières) et l'appareil de formation.
Dans le contexte de la globalisation, l'avantage
concurrentiel, au niveau de l'hôtellerie (comme dans d'autres secteurs)
repose sur les compétences accumulées (technologiques,
industrielles, organisationnelles et managériales).
Ces compétences jouent le rôle de facteurs-clefs
d'accès à un marché potentiel global, et constituent par
la même occasion une source majeure d'avantage concurrentiel, qui permet
à la fois une supériorité perçue et
valorisée par la clientèle.
Etant donné l'importance des objectifs à
atteindre dans le cadre de la vision 2020 et la volonté d'ouverture du
Maroc vers l'extérieur, il nous semble que l'une des opportunités
à saisir par les professionnels réside dans la création
de réseaux sous leurs diverses formes avec leurs homologues
étrangers. Ce type de partenariat présente l'intérêt
de créer des chaines de valeurs, l'avantage de pouvoir
bénéficier d'un transfert de compétences, pouvant
être pour l'hôtellerie un moyen d'entrer dans une dynamique de
progrès.
D'ailleurs, le secteur a connu une grande mutation que se soit
dans sa forme aussi bien que dans son contenu grâce au dynamisme
insufflé par la vision 2020. La philosophie que sous-entend cette
dernière devrait être consolidée afin qu'elle soit un
projet de développement touristique partagé.
En outre, le prix à payer pour garantir la survie des
entreprises hôtelières et promouvoir la création d'emploi
dans ce secteur est de ne plus se limiter aux objectifs de rentabilité
à court terme et aux apports quantitatifs que peut générer
cette activité. L'un des terrains à défricher consiste en
mise à contribution des ressources humaines dans l'amélioration
de la performance globale des unités hôtelières.
En effet, et vu la mondialisation, l'ouverture de l''economie
marocaine et les mutations qui affectent l'industrie internationale du tourisme
dans ses structures et sa technicité, l'élévation et le
développement des compétences de la main-d'oeuvre, ainsi que la
professionnalisation du management hôtelier, sont devenus des exigences
absolues pour la promotion de la performance global dans le secteur de
l'hôtellerie. Ces exigences font qu'actuellement la gestion de l'emploi
et des compétences et devenue un enjeu stratégique conditionnant
à la fois le devenir du développement des ressources humaines,
leur adaptabilité, l'amélioration de leur performance et,
partant, celle de l'hôtellerie en particulier et de l'économie
nationale en général. Par conséquent, face à un
environnement en perpétuel changement, et aux exigences dictées
par l'adaptabilité à la demande touristique internationale, le
gage de l'amélioration de la compétitivité de
l'hôtellerie marocaine est intimement liée à l'augmentation
des niveaux de qualifications et de compétences du personnel du
secteur.
Ainsi, la mise à niveau de ces dernières devrait
faire l'objet d'un investissement en amont (systèmes de formation) et en
aval (entreprise) dans les ressources humaines du secteur. La raison
d'être de cet investissement s'explique par l'accélération
du progrès technique dans le secteur et par les évolutions
rapides du marché. Les turbulences environnementales font que les
ressources humaines, les qualifications, les compétences et les
potentiels du personnel du secteur sont au centre des équilibres
à rechercher par les entreprises hôtelières pour
développer leurs avantages concurrentiels. Pour ce faire. Une culture
centrée sur le management des ressources humaines reste à
promouvoir dans le secteur, si les entreprises hôtelières veulent
faire du capital humain le ferment de leur professionnalisme et une source
majeure de leur avantage concurrentiel. Conjuguées à la
qualité organisationnelle et managerielle, le développement des
compétences humaines en hôtellerie constituent les
facteurs-clés d'accès à un marché mondial porteur,
et une source majeure d'amélioration de l'avantage concurrentiel des
entreprises du secteur.
C'est en fait ce capital, jusque là
négligé par nos entreprises hôtelières, qui a fait
des entreprises un ensemble d'organisations
« fantômes » où les coûts visibles
(management et gestion inadaptés, coût de non qualité,
etc.) sont très élevés, et de la performance une
denrée rare dans le secteur.
Pour survivre dans un environnement extrêmement
concurrentiel, les entreprises hôtelières aux Maroc sont tenues de
faire du développement des compétences et de la valorisation des
ressources humaines l'un des axes prioritaires et stratégiques de leur
politique managériale, car l'augmentation générale des
niveaux de formation des salariés du secteur est un impératif qui
permet la convergence des intérêts individuels et des besoins
économiques, tant au niveau microéconomique que
macroéconomique. La compétitivité des entreprises du
secteur et l'amélioration de la qualité de vie personnelle,
professionnelle et sociale de leur personnel se conjuguent pour faire admettre
l'adoption des techniques de management des ressources humaines, ainsi que les
dépenses de formation, comme des investissements dont l'ampleur
conditionne le dynamisme du secteur face à la mondialisation de la
concurrence.
Par ailleurs, ce serait une grave erreur que de continuer
à croire que le coût salarial est le seul déterminant dans
cette bataille de la compétitivité, dans le domaine de
l'hôtellerie. C'est plutôt le rapport salaire-productivité
et les compétences accumulées qui devraient être au centre
des préoccupations des entreprises hôtelières et des
pouvoirs publics.
Si cette maladie de coûts persiste
exagérément, l'hôtellerie ne pourra pas améliorer
son image de marque en tant qu'employeur. Pour capitaliser les
compétences, fidéliser le personnel et attirer les jeunes
lauréats du système de formation, le secteur doit innover en
matière de management des ressources humaines pour rendre les emplois
hôteliers plus attractifs et plus valorisants et professionnaliser la
main-d'oeuvre. A ce sujet, les innovations en matière de management,
d'organisation, de gestion, de produit et de marketing pourraient concourir
à une industrialisation de l'activité hôtelière, qui
autoriserait une plus grande rationalisation et une meilleure
attractivité des emplois.
Enfin, une synergie est à rechercher dans la relation
entre les systèmes productifs et de formation afin de diminuer en aval
le risque de chômage, d'améliorer l'insertion des jeunes et de
développer en amont les compétences, les valeurs, et les
comportements nécessaires à la professionnalisation de la
main-d'oeuvre et à l'émergence d'une culture pouvant être
à la base de la modernisation du secteur de l'hôtellerie et
à l'amélioration de son rôle dans un processus de
développement durable. Cette synergie ne peut se réaliser dans
les faits qu'à travers un mariage fécond entre les deux
systèmes précités, faisant d'eux des espaces de
développement de compétences complémentaires.
Il va sans dire que cet objectif ne pourra être
réalisé que :
- Dans le cadre d'une politique d'ensemble, cohérente
et homogène, et d'un partenariat « engagé »
entre les différents milieux intéressés de près ou
de loin par la professionnalisation de l'activité hôtelière
(entreprises, pouvoirs publics, association professionnelles, système de
formation) ;
- Par la volonté entrepreneuriale d'intégrer la
variable emploi-ressources humaines et formation dans le système de
décision, et donc dans la stratégie globale des entreprises du
secteur, cette volonté permettrait de dégager les compromis et
les équilibres les plus satisfaisants pour promouvoir la performance
globale (des entreprises) et individuelle (des salariés), l'adaptation
de leur main-d'oeuvre et l'amélioration de leur
compétitivité ;
- Par le déploiement d'un effort de prospection et
d'anticipation sur les besoins en personnel qualifié, sur la structure
et le contenu des emplois de l'hôtellerie afin de prévoir, avec
toute l'efficience qui s'impose, les moyens de régulation et
d'adaptation des ressources humaines, tant à leur entrée du
système de formation qu'à leur utilisation par les entreprises du
secteur (recrutement, formation, reconversion...). Cet effort devrait inciter
les pouvoirs publics à mettre en place un observatoire pour l'emploi en
hôtellerie. Cet instrument serait une base fondamentale d'intervention en
matière de politique de l'emploi à travers l'observation des
situations de travail dans le secteur, la construction d'une banque de
données, la mise au point et la diffusion des méthodes d'analyses
des emplois dans leur évolution, la mise en oeuvre d'un
répertoire des emplois-types de l'hôtellerie. Il permettrait,
à travers les prévisions et l'analyse du marché du travail
en hôtellerie, de prévenir, de diminuer les risques, les
conséquences de l'inadaptation à la fois quantitative et
qualitative entre la demande et l'offre d'emplois.
Les efforts à déployer pour industrialiser
l'hôtellerie, amorcer une veille à la fois technologique et
économique, développer les compétences et
professionnaliser les métiers du secteur, sont considérables.
Peut-on espérer que les exigences de professionnalisation et de la
montée en compétence rencontrent les aspirations de
développement de l'employabilité et de carrière du
personnel hôtelier ? Faisant, également, en sorte que la
stratégie et les objectifs de la vision 2020 soient les plus harmonieux
possibles, où le secteur puisse trouver la voie du professionnalisme et
où les jeunes lauréats du système de formation touristique
et hôtelière puissent utiliser aux mieux leurs compétences
en bénéficiant des meilleures orientations et des formations les
plus adaptées. Notons que si les dysfonctionnements persistent
(insuffisance de l'encadrement du secteur, pénurie de main-d'oeuvre
qualifiée, hypertrophie du personnel sans qualification, absence de
formation continue, inadaptation de la formation initiale, bas salaire,
mauvaise image du secteur sur le marché du travail), il en
résultera des retards de plus en plus préjudiciables non
seulement au décollage d'une industrie hôtelière au Maroc,
mais aussi au développement socio-économique du pays. L'avenir du
secteur est dès lors suspendu à sa capacité d'innovation
économique, certes mais managériale et sociale. C'est là
où résident les fondements de l'éclosion d'une
stratégie gagnante. L'objectif est quasi-exponentielle, mais surtout de
bâtir le socle d'un développement humain durable.
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