PREMIÈRE PARTIE- CONSIDÉRATION
PHILOSOPHIQUE, LÉGALE ET ÉTAT DES LIEUX EN HAÏTI
CHAPITRE I- CONSIDÉRATIONS PHILOSOPHIQUES ET
ENGAGEMENTS DE L'ÉTAT HAÏTIEN PAR RAPPORT AUX DROITS DE L'HOMME
17-Jeremy BENTHAM, Official Aptitude Maximized,
Expense Minimized, Oxford, Oxford University Press, 1993, p.346.
15
SECTION 1- DROITS DE L'HOMME ET POLICE,
CONSIDÉRATIONS PHILOSOPHIQUES ET IDÉOLOGIQUES
Ordinairement, les actions d'un État sont soumises
à de grands principes constituant le fondement de ses interventions.
Car, en tant que fiction combinant à la fois coutumes et valeurs, il
demeure incontestable que ses décisions revêtent une certaine
légitimité. Les sous-sections suivantes nous présentent,
d'une part, les courants philosophiques antagoniques relatifs au rapport de
l'État avec ses membres. D'autre part, apporte une clarification et une
mise en contexte des concepts droit de l'homme et police.
1.1.1.1.- Sous-section 1- Considérations
philosophiques et idéologiques du rapport
Citoyen-État
En effet, il existe des principes qui priorisent le
bien-être collectif aux dépens de celui de l'individu
considéré comme un, versus la collectivité. Ces courants
sont nombreux et dits hostiles aux droits humains. Nous allons
considérer deux d'entre eux : le Nationalisme et l'Utilitarisme.
1.1.1.1.1.- Courants philosophiques hostiles aux
droits de l'homme
1.1.1.1.1.1.- L'utilitarisme, fondement philosophique
des interventions d'un État
Pour ce qui est du courant Utilitariste, il consiste en une
théorie inspirée du philosophe de l'antiquité
Épicure, développée par la suite par Jeremy Bentham et
John Stuart Mills. Elle se base sur l'hédonisme qui, du grec
hêdonê, signifie plaisir. Elle est une éthique qui pose le
plaisir comme le bien moral suprême. On peut qualifier l'éthique
utilitariste d'être de conséquence téléologique, par
opposition à l'éthique kantienne, qui est non basée sur
les conséquences, donc déontologique. Bentham affirme que la
référence au contrat social dans la philosophie morale et
politique constitue une période particulière de l'histoire des
idées, qui s'achève avec l'avènement du principe
d'utilité17. Pour lui, l'utilitarisme est le « principe
qui approuve ou désapprouve toute
16
action, quelle qu'elle soit, selon la tendance qu'elle semble
avoir à augmenter ou à diminuer le bonheur de la partie dont
l'intérêt est en jeu18.
Pour sa part, Mills déclare au sujet de ce courant que
« [...] les actions sont bonnes ou mauvaises dans la mesure où
elles tendent à accroître le bonheur ou à produire le
contraire, le malheur ». Ainsi, les penseurs utilitaristes entendent
fonder l'éthique sur l'idée que la valeur morale d'une action se
détermine par sa contribution à augmenter ou à diminuer le
bien-être de la communauté dont les intérêts sont en
jeu [19]. Il n'y a pas que le courant utilitariste qui a
prôné l'importance des intérêts collectifs aux
dépens de l'intérêt individuel, d'autres courants de penser
ont également abondé dans le même sens. Ainsi, à
coté de l'utilitarisme, nous abordons le courant du nationalisme qui,
pour sa part, prône l'intérêt de la collectivité
locale par rapport à tout autre intérêt qui se trouverait
aux antipodes de ce dernier.
1.1.1.1.1.2.- Le Nationalisme, fondement philosophique
des interventions de l'État
Selon Larousse, le Nationalisme [20] désigne
premièrement le mouvement politique d'individus qui prennent conscience
de former une communauté nationale en raison des liens (langue, culture)
qui les unissent et qui peuvent vouloir se doter d'un État souverain.
Une deuxième acception du concept nous renvoie à le
considérer comme étant une théorie politique qui affirme
la prédominance de l'intérêt national par rapport aux
intérêts des classes et des groupes qui constituent la nation ou
par rapport aux autres nations de la communauté internationale.
Du point de vue idéologique, le nationalisme est vu
comme une sacralisation de la nation. Ceux qui le soutiennent donnent un
contenu politique à la nation qui devient vite dangereux, puisqu'il
s'affirme au détriment des autres. Il est souvent utilisé par les
États-nations pour justifier le protectionnisme. Ils sont divers les
prétextes qui sont évoqués pour défendre les
intérêts économiques, sociaux ou culturels de la nation.
Dans cet ordre d'idées, il est question de la suprématie du
collectif sur l'individuel, au nom de la souveraineté nationale. La
nation est
18-Id, An Introduction to the Principles of
Morals and Legislation [1789], Oxford, Oxford University Press,
1996, p.11.
19 - Bozzo-Rey MALIK et Émilie DARDENNE,
Deux siècles d'utilitarisme, Presses universitaires de Rennes,
2012,
www.pur-editions.fr
20-
http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/nationalisme/53867,
consulté le 4 septembre 2015, 14 h 13
17
devenue alors le prétexte d'une réduction des
libertés individuelles et d'une atteinte aux droits de
propriété.
1.1.1.1.2.- Courants philosophiques favorables aux
droits de l'homme
Il existe en outre d'autres courants qui sont plutôt
favorables au respect de l'individu en tant qu'être libre,
indépendamment d'un calcul mathématique d'intérêt de
la collectivité par rapport à celui du citoyen. Ce sont entre
autres : les courants et philosophes politiques tels : L'individualisme, le
Libéralisme, la théorie de John Rawls et celle de Emmanuel
Kant.
1.1.1.1.2.1.- Le Libéralisme politique, fondement
philosophique des interventions de l'État
Le libéralisme politique pour sa part considère
qu'un régime politique de contraintes collectives ne peut être
moralement acceptable que s'il respecte le principe suivant : l'État
doit être au service des individus et non l'inverse. Car, la fonction
fondamentale de l'État est de protéger les droits des individus
contre tout ce qui tend à les violer. Il prône un comportement de
l'État qui priorise le respect des droits de l'individu entant
qu'être libre, détenteur d'un ensemble de prérogatives dits
droits fondamentaux en sens que celui-ci les détient dès la
genèse de la société. Etant libre, l'individu
décide de s'associer avec d'autres individus, eux aussi,
détenteurs de ces mêmes droits fondamentaux [vie, liberté
et propriété], pour former l'État. Du point de vue
sociologique, le Libéralisme voit l'individu comme l'unité de
base, l'atome constitutif de la vie sociale, d'où l'expression «
atomisme21 » accolée à ce type de
conception d'inspiration libérale.
1.1.1.1.2.2.- L'Individualisme, courant philosophique de
l'intervention de l'État
Au sens doctrinal, le courant individualiste considère
l'individu comme une valeur fondamentale, supérieure aux valeurs
collectives du groupe, de la société22. Cette
conception théorique de l'individu se traduit sur le plan politique par
une reconnaissance d'un ensemble de droits pour l'individu de pouvoir mener des
revendications contre l'emprise de l'État. C'est pourquoi voit-on, que
ce courant semble être étroitement associé au
libéralisme, indépendamment de la forme considérée
: politique, économique ou culturel.
21- Michel MÉTAYER, La philosophie éthique,
enjeux et débats actuels, Édition du Renouveau
Pédagogique Inc., Québec, 2008, p.143.
22- Claude-Danièle ECHAUDEMAISON, et al,
Dictionnaire d'Economie et de Sciences Sociales, Paris,
Éditions Nathan, 1989, p.214.
18
1.1.1.2.- Sous-section 2- Les concepts Droits de l'homme
et Police
Qu'est-ce qu'on entend par Droits de l'homme ? Quelles sont
leurs caractéristiques ? Sur quelles valeurs et idées se
fondent-ils ? D'où sont-ils venus ? Quelle a été leur
trajectoire ? Quel rapport les lie au rôle de contrôle social que
doit jouer l'État via ses organes de répression ? Dans cette
sous-section, nous allons tenter d'apporter des éléments de
réponse à ces questions, dans le but de préciser les
concepts Droit de l'homme et Police. Une question préalable se pose
alors. Elle serait plutôt d'ordre terminologique, allons-nous parler de
Droits de l'homme ou de Droits humains ? Ce détail qui nous permettra de
mieux nous situer dans l'étendue de la question, va donner une assise
solide à notre travail.
1.1.1.2.1.- Droits de l'homme : Précision
conceptuelle, historicité et caractéristiques
Les droits de l'homme sont les droits inaliénables de
tous les êtres humains, quels que soient leur nationalité, lieu de
résidence, sexe, origine ethnique ou nationale, couleur, religion,
langue ou toute autre situation23. En français, on entend
souvent les deux terminologies : droits humains et droits de l'homme. Cette
différence ne se pose plus pour autant dans les autres langues. En
anglais aujourd'hui, on est passé, depuis la déclaration
universelle des droits de l'homme, de la terminologie rights of man
à celle de humans rights qui est devenu la terminologie
dominante. Ce changement a été délibéré, il
visait à préciser que les droits de l'homme ne sont pas l'apanage
du genre masculin, mais des privilèges reconnus à tous les
êtres humains. De même que l'anglais, la terminologie «
droits de l'homme » reste officielle en français. Nos
réflexions se porteront sur les droits, privilèges et valeurs
reconnus à tous les êtres humains, indépendamment de leur
sexe.
Alors, les droits de l'homme sont des droits subjectifs
garantis par le droit international, visant à protéger les
intérêts les plus fondamentaux de la personne humaine et
subsidiaires par rapport aux garanties nationales. Ils permettent au titulaire
du droit d'exiger quelque chose du destinataire de ce droit. Ces
prérogatives impliquent toujours une relation entre deux parties : d'une
part, le sujet du droit, le titulaire, le bénéficiaire du droit.
D'autre part, le destinataire, la personne qui est tenu au respect du droit. En
effet, les titulaires peuvent être des personnes
23-Elisa Peter Coordinatrice par intérim du
Service de liaison des Nations Unies avec les organisations non
gouvernementales (SLNG), Les droits de l'homme et le système des
Nations Unies: Des clés pour agir, Palais des Nations, 1211
Genève 10, Suisse, août 2008.
19
physiques, aussi bien que des personnes morales. Pour ce qui
est du destinataire, les droits de l'homme se dirigent principalement contre
l'État24, donc, tous les organes et entités qui, de
facto ou de jure, agissent en son nom. Cependant, même si l'État
constitue l'entité qui est tenue au respect des prérogatives
reconnues aux titulaires, d'autres entités juridiques, telles les
entreprises multinationales ne sont pas exclues dans la liste des destinataires
des droits de l'homme. Il est aussi important de mentionner que les droits de
l'homme revêtent une certaine restriction en ce qui a trait aux domaines
de sa matière. Ce ne sont pas toutes les violations de droits et
privilèges qui peuvent être taxées de violation de droits
humains. Donc, l'idée derrière les droits de l'homme ce n'est pas
de garantir une liberté générale d'action, mais ils se
concentrent dans les domaines où il y a un risque avéré de
violations.
En outre, les droits de l'homme revêtent diverses
caractéristiques. On peut citer entre
autres : l'universalité, l'égalité,
l'inaliénabilité, l'indissociabilité,
l'imprescriptibilité, l'interdépendance et l'inhérence.
En plus de ça, ils sont des droits moraux et des droits légaux.
Ces deux caractéristiques ensemble font la force particulière des
droits de l'homme.
1.1.1.2.1.1.- Historicité des droits de
l'homme
La notion de droits de l'homme s'est développée
au fil d'un long processus qui est toujours en cours. Elle a ses racines dans
la philosophie de la Grèce antique et dans la religion : tous les
êtres humains sont égaux devant la divinité. Avec la
tradition du droit naturel séculaire, selon lequel les droits de l'homme
trouvent leur fondement dans la nature de l'être humain et dans la
dignité qui le caractérise, la notion de droits de l'homme s'est
épanouie et a traversé les âges. Du droit pour quelques-uns
à une responsabilité Mondiale25.
1.1.1.2.1.2.- Évolution des droits de
l'homme
Cette notion a évolué sur le plan politique
à travers sa mise en oeuvre dans les Constitutions des Etats : au
départ, celles-ci reconnaissaient des droits à leurs citoyens
uniquement (généralement de sexe masculin) ; ce n'est
qu'après, avec la Déclaration française
24- Quand on parle de l'État, on voit les
organes qui agissent, de facto ou de jure, en son nom. On voit dans cette
catégorie : l'Administration, les tribunaux, le pouvoir
législatif et, dans les démocraties directes, le peuple.
25-Confédération Suisse, ABC des droits de
l'homme, Département fédéral des Affaires
étrangères (DFAE) 3003, Berne, 2008, p.6.
20
des droits de l'homme et du citoyen de 1789, que des embryons
de droits pour tous les êtres humains ont fait leur
apparition26. Les Constitutions nationales et les catalogues des
droits de l'homme des temps modernes ont d'abord été axés
sur les libertés civiques et politiques : ce sont les droits de l'homme
classiques, ceux de la première génération.
Les conditions de vie et de travail pitoyable de larges pans
de la population ont conduit, dans le courant du
19èmesiècle, à formuler des revendications
sociales prudentes qui ont débouché sur une deuxième
génération de droits de l'homme, les droits économiques,
sociaux et culturels. Ce n'est qu'à un troisième stade que les
droits de l'homme ont prétendu à l'universalité sur le
plan international, avec l'avènement des conventions de droit
international relatives aux droits de l'homme adoptées notamment dans
l'enceinte de l'Organisation des Nations Unies (ONU).
La création de l'ONU en 1945 a vu la naissance de la
première organisation politique d'envergure mondiale orientée, en
vertu de la Charte du 26 juin 1945, sur les libertés fondamentales des
individus et sur la dignité et la valeur de la personne humaine. Il
fallait que les États ne puissent plus invoquer leur souveraineté
et le principe de la non-ingérence dans leurs affaires
intérieures pour traiter leurs habitants comme bon leur semble. Le
totalitarisme et les crimes du national-socialisme ainsi que les horreurs de la
seconde guerre mondiale avaient changé les mentalités et fait
comprendre qu'il était nécessaire d'imposer certaines limites
à la souveraineté étatique afin de protéger les
individus et la communauté des États dans son ensemble.
1.1.1.2.2.- Police : définition,
historicité et caractéristiques
1.1.1.2.2.1.- Définition
Police du grec « polis » = cité,
ville, société, politique. Lato sensu, le mot désigne
l'ensemble des règles qui permettent l'organisation rationnelle de
l'ordre public dans une société. Mais stricto sensu, il fait
référence à l'organe qui assure les différentes
mesures liées à la tranquillité, la sécurité
et la salubrité, nous rapporte Vincent JEAN27. Le mot «
police » fait appel
26- Ibid., p.7.
27- Jean VINCENT, al, la justice et ses institutions,
édition Dalloz, Tome 2, Paris, 1985, p.269.
21
à quelques précisions terminologiques. Il vient
du latin politia qui, lui-même, trouve son origine dans le grec
politeia (art de gouverner la cité), lequel dérive du
mot polis (cité, ville)28.
1.1.1.2.2.2.- Historicité
La fonction policière tire son origine de
l'antiquité. A l'époque de la préhistoire, chaque famille
s'occupait de sa propre sécurité et la défense du
territoire qu'elle occupe. Pour bien le situer dans le temps, il faudra faire
quelques précisions terminologiques. Le mot police vient du latin
politia qui, lui-même, trouve son origine dans le grec politeia (art de
gouverner la cité), lequel dérive du mot polis (cité,
ville)29.
A la chute de l'empire romain, les édiles
chargés de la police disparaissent. Le pouvoir est atomisé entre
une multitude de seigneurs féodaux. Maitres de leurs fiefs, ils y
exercent tous les pouvoirs, y compris celui de justice. En 1340 Av. J-C,
l'empereur Hur Mahob de l'Égyte a constitué une division de
police pour combattre la piraterie et surveiller les activités le long
du Nil. Ramsès fit de même en 1198 et 1166 Av. J-C, mais cette
fois-ci pour surveiller les tombeaux des riches pharaons. L'origine des
constables30 remonte en Grèce entre 800 et 600 Av. J-C.
l'origine des enquêteurs remonte en 450
Av. J-C. et ils étaient
spécialisés dans les enquêtes aux homicides31.
Il fallait ainsi attendre l'an 27 Av. J-C. jusqu'à l'an 14 de notre
ère pour avoir un véritable système policier qui va
être établi par Auguste et comportera 4 unités
administratives :
1. Les Cura tores Urbis, qui sont connus aujourd'hui comme
surintendant de police
2. La garde prétorienne, garde du corps
3. Les miles stationnaires, qui ont le pouvoir d'arrestation et
constitue la police militaire
4. Les vigiles, connus comme le corps des sapeurs pompiers
aujourd'hui
On ne saurait faire l'historicité de la police sans
tenir compte des grands noms dans la politique française, de laquelle
Haïti tient l'essence et la forme de son administration. Ainsi, il nous
convient de considérer les travaux de Louis IX (Saint Louis) qui, en
1254, transforme le Guet Royal en police (ou milice bourgeoise)32.
Cette milice était dirigée par le chevalier du guet,
assisté de vingt sergents à cheval et de vingt-six à pied.
Ce corps de sécurité avait pour charge d'assurer la
sécurité à Paris pendant la nuit. Après Louis IX,
on considère également les travaux
28-www.police-nationale.interieur.gouv.fr,
site consulté le 29 juillet 2016, 8 hr 45 am
29-www.police-nationale.interieur.gouv.fr,
site consulté le 29 juillet 2016, 8 hr 45 am 30- Ce mot
désigne policier en Angleterre
31-Net/policev/service_police/indexhistoire.htm
32-https//.fr.wikipedia.org/police_nationale_France
22
effectués sur le règne de Philippe Le Bel en
1306. Ce nom a vraiment marqué son temps, en sens qu'il a fait beaucoup
d'interventions dans l'administration française de l'époque.
Celui-ci créa, en plus des reformes dans la structure de la police, les
commissaires examinateurs au Chatelet, qui jouaient également le
rôle de magistrats, portant une longue robe, symbole du plein pouvoir
judiciaire, ils étaient pour ainsi chargés de lutter contre la
criminalité dans Paris. En 796, des commissaires de police sont
instaurés dans toutes les villes de plus de 5 000 habitants. En 1799, et
ce, jusqu'à 1815, la police impériale de Napoléon est
garante de la sécurité civile.
Une bonne prise en charge de cette fonction va être
opérée en 1829 en Angleterre. Ce sera avec le fils d'un fabricant
de coton, le Sir Robert Peel33, que va être établi une
loi sur le maintien de l'ordre moteur que l'on retrouve encore aujourd'hui, cet
ordre se traduit en neuf (9) principes et trois (3) fonctions :
1. La prévention du crime
2. La protection de la vie et de la
propriété
3. L'arrestation des suspects
Les efforts du Sir Robert PEEL ne s'étaient pas
limités à définir les fonctions de la police, il a aussi
émis des principes directeurs devant mener la gouvernance de cette
institution. Ainsi, on repère les neuf principes de Sir Robert Peel
stipulés comme suit :
1. La mission de base pour laquelle la police existe :
prévenir le crime et le désordre
2. La capacité de la police pour accomplir ses
taches dépend de l'approbation du public et des actions de la
police
3. La police doit assurer la bonne coopération du
public dans le respect volontaire de la loi pour être en mesure d'assurer
et de maintenir le respect du public
4. Le degré de coopération du public qui
peut être garanti diminue proportionnellement la nécessité
d'utiliser la force physique , ·
5. La police demande et préserve les faveurs du
public non pas en répondant à l'opinion publique, mais par la
démonstration constante absolue de service
désintéressé à la loi , ·
6. La police utilise la force physique dans la mesure
nécessaire pour assurer le respect de la loi ou pour rétablir
l'ordre lorsque l'exercice de la persuasion, de conseils et d'alerte est
jugée insuffisant , ·
7. La police, en tout temps, doit entretenir une relation
avec le public qui donne la réalité à la tradition voulant
que la police est le public et le public, la police. La police étant
seule,
33- Sir Robert PEEL, né le 5 février
1788 et mourut le 2 juillet 1850, était un homme d'État
britannique qui a été pendant secrétaire d'État
(1822-1827, 1828-1830) et deux fois premier ministre, (1834-1835, 1841-1846).
Il était membre du parti
conservateur.
www.historic-uk.com
23
les membres du public sont payés pour donner toute
leur attention à des fonctions qui
incombent à tout citoyen dans l'intérêt
du bien-être communautaire et l'existence
8. la police doit toujours diriger leur action
strictement à l''egard de ses fonctions et ne ressemble jamais usurper
les pouvoirs de la magistrature , ·
9. le critère de l'efficacité de la police
est l'absence de criminalité et de désordre, et non le signe de
l'action policière dans le traitement avec elle.
Comme dans tout autre pays, le système de protection
policière en Haïti date depuis la
genèse de l'État. Il a été
adapté en fonction des régimes et des besoins des occupants de
l'espace territorial. Après l'indépendance, l'empereur Jean
Jacques DESSALINES a pris des mesures visant à organiser les forces
armées qui avaient, outre des fonctions militaires, des fonctions
administratives. A sa mort, le pays était scindé en deux,
à l'Ouest, la République avec Pétion, au Nord, le Royaume
de Christophe. Dans le Nord, le roi Henry Christophe a crée un corps de
police dénommé « Royals Dahomets34». Cette
force de police avait pour but de garantir l'ordre et la discipline dans les
plantations du royaume et d'accompagner les habitants planteurs. De son
côté, le président Pétion dans l'Ouest a prit des
dispositions légales prévoyant trois (3) corps de
police35, ce sont :
1. La gendarmerie, placée sous le commandement du
commandant d'arrondissement et auxiliaire de la justice, était
chargée des attributions de police dans les campagnes
, ·
2. L'armée a eu pour rôle d'assurer la
défense du territoire de l'État de l'Ouest , ·
3. La Police proprement dite opérait dans les
villes ou s'installent les tribunaux, elle a eu pour rôle d'aider les
juges et les commissaires de gouvernement à bien remplir leur
mission.
Même si l'on peut douter de son effectivité,
mais, les efforts pour avoir une force de police ont pu être
remarqués dans plusieurs de nos constitutions. La constitution de 1889
en faisait mention dans son article 177 qui stipulait : l'organisation et
les attributions de la police de ville et la campagne feront l'objet d'une loi
». Avec l'arrivée des américains en 1915, on avait
encore une force publique à trois branches :
1. La garde nationale, composée de citoyens libres de
tous services militaires âgés de 18 ans à 50 ans
, ·
34- Prosper AVRIL, l'armée d'Haïti, victime ou
bourreau, le Natal S.A., Port-au-Prince, 1997, p. 17.
35- Barthelemy GERARD, État de droit et
décentralisation, Imprimeur II, 1996, p.24.
24
2. La police, qui se trouvait dans les grandes villes et
qui jouait une fonction administrative en protégeant vies et biens d'une
part. Et d'autre part, une fonction de police judiciaire et répressive
;
3. L'armée, qui avait une fonction de
défense du territoire36.
La décision de converger toute la force publique entre
les mains d'une seule entité va être prise par les
américains. Arrivé en Haïti le 28 juillet 1915, les marines
ont procédé à l'occupation militaire et politique du pays,
il y va sans dire que de cette situation de fait va découler des
décisions qui vont influencer la structure administrative du pays.
Ainsi, le 16 septembre 191537, ils ont crée une force unique,
combinant la police rurale et urbaine, dénommée gendarmerie. En
1923, un corps de police rurale a été créée avec un
effectif de 151 agents repartis dans les campagnes à raison de un par
section rurale38. Mais, il faut tout de même mentionner que
tous ces agents étaient des membres de la Force Armée
d'Haïti, ce, Jusqu'à 1991. Ainsi, Prédestin SEM39
nous rapporte que la création d'une force de police40 civile
professionnelle en Haïti était soulignée lors des accords
pour résoudre la crise engendrée par le coup d'État qui a
renversé le président J.B. Aristide en septembre 1991, tel
l'accord de « Governor Island's » du 3 juillet 1993. Dès son
retour en Haïti le 15 octobre 1994, des discussions ont eu lieu entre
l'organisation des Nations-Unies, le gouvernement des Etats-Unis et les autres
parties intéressées au sujet de la formation de la police
haïtienne et de l'établissement dans cette attente d'une force de
police intérimaire. Donc, malgré toutes les lois faisant appel
à la création d'une force de police à part entière,
notamment, la constitution de 1987 amendée en ses articles 263 à
274, ce n'est qu'en 1994 que ce voeu va être réalisé, par
le traité Gorvenor's Island.
1.1.1.2.2.3.- Caractéristiques
En effet, il y a lieu de distinguer la police administrative
de la police judiciaire. Du point de vue fonctionnel, la police administrative
constitue l'activité administrative qui vise à prévenir
les troubles à l'ordre public. Elle est distincte de la police
judiciaire. Cette distinction
36-Avril PROSPER, op.cit., p. 45
37-Article 4 du traité du 16 septembre 1915
: la gendarmerie sera considérée comme unique force militaire
et de police de la République d'Haïti.
38-Emile DARIUS, La nouvelle force de police et le
système judiciaire haïtien, mémoire de sortie,
Faculté de Droit, des Sciences Economique, Port-au-Prince, 1996, p.35
39-Prédestin SEM, La police et les droits
de l'homme en Haïti de 1991 à 1997, mémoire
présenté en vue de l'obtention du grade de licencié en
Droit, promotion 1993-1997, Université d'État d'Haïti,
registre 2016 de la Bibliothèque de la Faculté de Droit, des
Sciences Économiques et de Gestion du Cap-Haitien, document # 14, p.19.
40- La nouvelle force de police haïtienne a été
créée par la loi organique du 23 novembre 1994.
25
fonctionnelle, répondant à la séparation
qui est faite entre prévention des crimes et des délits et
répression de ces derniers, est néanmoins mise à mal dans
de nombreux cas. Ainsi, la police nationale a des missions à la fois de
police administrative (prévention) et de police judiciaire
(répression). Maurice André FLAMME définit la police
administrative comme : « l'ensemble des pouvoirs accordés en vertu
de la loi aux autorités administratives et qui permettent à
celles-ci d'imposer en vue d'assurer l'ordre public des limitations aux droits
et libertés individuelles41 ». Donc, la police
administrative a pour but de prévenir, de maintenir l'ordre public et de
sureté générale, elle est placée sous la direction
des autorités policières42.
Pour sa part, la police judiciaire est chargée de
constater une infraction déterminée ou d'en rechercher ou
arrêter les auteurs. Elle a donc un but répressif qui s'oppose au
but préventif de la police administrative. La distinction entre les deux
fonctions est essentielle pour la compétence contentieuse qui
relèvera tantôt de la juridiction administrative, tantôt du
judiciaire, ainsi que pour la responsabilité qui est plus facilement
engagée pour les activités de la police administrative. Les
agents de la police judiciaire dépendent sur le plan organique de la
direction de la police et sont soumis sur le plan fonctionnel à
l'autorité du parquet et du juge d'instruction43. La
distinction entre les deux est parfois délicate. Car, les deux fonctions
sont souvent exercées par les mêmes agents. Ainsi, une
opération de police administrative, nous rapporte Dubellay
JASMIN44, peut se transformer en opération de police
judiciaire.
Dans le cadre de ce travail, notre attention se portera sur la
première branche ou du moins sur le travail de la police administrative.
Nous croyons comprendre que l'arrestation d'un individu rentre normalement dans
la catégorie des tâches de la police judiciaire. Car, cette action
ressemble beaucoup plus à un acte de répression que celui de
prévention. Néanmoins, le suivi qui est fait de cette
arrestation, dans bien des cas, doit être une action de la police
administrative. Il s'agit alors de la présentation des suspects
interpellés dans le cadre d'une enquête judiciaire pour intimider
les éventuels délinquants, également, protéger
celui-ci jusqu'à sa comparution par devant le juge compétent, la
gestion de l'individu, constitue un acte d'administration, en un sens,
41- Maurice André FLAMME,
Droit Administratif, Tome II, collection de la Faculté de Droit
de l'Université libre de Bruxelles, Bruylant, 1989, p.1103.
42-MINUSTHA, L'officier de la police
judiciaire, Documents à l'usage des officiers et agents de police
judiciaire, 2ème édition, juillet 2010, p.16.
43- Ibid., p.16.
44- Dubellay JASMIN, Momento de Droit Administratif,
vol. I, COMPLEXE S.A. Imprimerie, Cap-Haïtien, 2012, p.100.
26
de prévention. Donc, dans le cas qui va être
traité consistera cette phase de gestion qui est faite par la police
nationale d'Haïti du suspect appréhendé dans le cadre d'une
enquête judiciaire. Pour mieux cerner la dimension du débat en
question, nous allons analyser les engagements de l'État haïtien en
ce qui a trait au comportement à adopter, le traitement à donner
aux individus soumis à une procédure criminelle en Haïti.
SECTION 2- ENGAGEMENTS DE L'ÉTAT HAÏTIEN EN
MATIÈRE DE RESPECT DES DROITS HUMAINS
Parler d'État, en Droit International, suppose la
reconnaissance internationale aussi bien que la jouissance de certains droits
reconnus aux autres nations faisant partie de la communauté
internationale. Ainsi, nous allons voir un ensemble de traités
[45] et conventions signés et ratifiés par Haïti
qui sont relatifs aux droits humains. Certains de ces accords ont une
portée générale. D'autres, par contre, présentent
une portée plus ou moins régionale desservant un nombre
réduit de pays se trouvant dans une région géographique
rapprochée déterminée. Qu'ils soient à
portée générale ou régionale, ces instruments
juridiques internationaux sont retrouvés partout et concernent divers
aspects de la vie internationale, tout en influençant également
la législation interne des États parties.
1.1.2.1.- Sous-section I- Quelques conventions et
traités ratifiés par Haïti 1.1.2.1.1.- La
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH)
La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme,
adoptée le 10 décembre 1948 à Paris par l'Assemblée
Générale des Nations Unies, est un instrument à
portée générale. Bien qu'elle ne présente pas
à priori de caractère contraignant, elle est pourtant
considérée comme une référence internationale
fondamentale dans le domaine des droits de l'Homme. Sa force normative tient
notamment au fait qu'en 1966, l'Assemblée Générale a
adopté deux traités qui en reprennent le contenu : le Pacte
des droits civils et politiques et le Pacte des droits économiques,
sociaux et culturels. Dans le cadre de ce travail, nous allons
plutôt nous accentuer sur des clauses relatées
45 -La convention de Vienne défini en son
article 2, a : accord international conclu par écrit entre États
et régi par le droit international, qu'il soit consigné dans un
instrument unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes, et quelle que
soit sa dénomination particulière.
Ce rappel nous permet de présenter quelques organismes
de surveillance ou de défenses de l'application des traités
signés et ratifiés par Haïti. Nous allons les
considérer en deux grands
27
dans le premier pacte, celui relatif aux droits civils et
politiques, du plus ancien instrument juridique international, sinon le seul
à portée générale.
1.1.2.1.2.- La Convention Américaine des
Droits de l'Homme (CADH)
Une seconde catégorie d'instruments juridiques
internationaux constitue celles ayant une application beaucoup plus restreinte
par rapport à celle ci-dessus mentionnée. Cette catégorie
comporte des instruments qui ont une portée régionale, notamment,
la Convention Européenne des Droits de l'Homme (CEDH), la Charte
Africaine des Droits de l'Homme et la Convention Américaine des Droits
de l'Homme (CADH) de 1969. Cette convention, qui renferme le Pacte de San Jose,
Costa Rica, a été signée en 1969, ratifiée par
Haïti et publiée dans Le Moniteur No.77 du 1er octobre
1979, fera l'objet de notre étude.
1.1.2.2.- Sous-section II- Les mécanismes de
protection des droits humains
Ordinairement, tout système juridique comporte deux
éléments fondamentaux, les instruments juridiques :
traités, conventions, accords et lois d'une part. Les organes
d'application : Cours, Commissions, Comités et Tribunaux d'autre part.
Dans la réalité du droit international, autrement dit, le
système juridique international se singularise en sens que pour chaque
instrument juridique international, il est prévu un organisme de mise en
oeuvre spécifique. Ou encore, chaque convention ou traité
prévoit son propre mécanisme d'application. Cette
particularité simplifie l'exercice des actions auprès de ces
organismes et facilite du coup, l'application des conventions et traités
signés par les États parties. On doit se le rappeler, les normes
sont toujours inspirées d'un ensemble de valeur sur lesquelles se fonde
l'action des États. C'est dans cette perspective que nous trouvons des
États qui se penchent beaucoup plus vers une tendance utilitariste,
pendant que d'autres optent de préférence pour une tendance
libérale, plutôt favorable à la protection des droits
individuels. Cependant, pour harmoniser et donner une plus grande
légitimité à leurs actions, les États,
indépendamment de leur tendance, ont accepté de se lier en
signant certains accords internationaux, créant ainsi une assise
juridique internationale aux décisions qu'ils vont prendre.
L'étude de la portée et du contenu de ces instruments nous permet
de voir les marges de manoeuvre des États parties.
46-Manuel de cours sur le Droit International des
Droits humains, dans le cadre du Cours de Droit de l'Homme, Me Hérode
CHARNEL, aout 2015.
28
groupes, d'une part, des organismes dont le pouvoir de
contrôle dépasse les frontières des États, ce que
nous appelons, dans le cadre de ce travail, organismes interétatiques de
protection des droits humains. D'autre part, ceux dont le rôle de
surveillance se limite sur le champ national, d'où le nom : organismes
intra étatiques de protection des droits humains.
1.1.2.2.1.- Organismes interétatiques de
protection des droits humains
Comme mentionné plus haut, tout traité
prévoit son propre mécanisme d'application. Ainsi, pour le
continent américain, il est prévu une commission
dénommée Commission Interaméricaine des Droits de l'Homme
(CIDH), elle a été créée en 1959. La commission a
une double nature : d'une part, organe statutaire de l'OEA pour la promotion
des droits de l'homme, en particulier de ceux énoncés dans la
Déclaration, et, d'autre part, organe de contrôle de l'application
de la Convention, pour autant que l'État concerné l'ait
ratifiée. Dans ses attributions, la CIDH peut seulement donner des avis
consultatifs sur des questions susceptibles de faire l'objet de violation de
droits humains.
En appui à la Commission, il est aussi placé un
autre organe dénommé « Cour Interaméricaine des
Droits de l'Homme (CrIDH) » qui a été créée en
1979, dont le siège se trouve à San José en Costa Rica. La
mission de la Cour consiste à veiller à la stricte application
des conventions durement signées et ratifiées par les
États. Établie par la Convention, sa compétence, qui peut
être consultative ou contentieuse, s'étend uniquement aux droits
garantis par celle-ci, ou à des droits consacrés par d'autres
instruments du système, dans la mesure où ces derniers le
prévoient46. En effet, pour que la Cour puisse juger une
affaire individuelle, il ne suffit pas seulement que le pays ait ratifié
la Convention, il est crucial que celui-ci ait accepté cette
compétence en faveur de la Cour.
Ainsi, toute personne ou groupe de personnes a le droit de
soumettre une communication à la Commission portant sur le non-respect
d'un droit reconnu dans la Déclaration ou, si l'État l'a
ratifié, dans la Convention. Après une analyse
préliminaire de la requête par le secrétariat, si elle
remplit à priori les conditions de recevabilité, la Commission
transmet la plainte à l'État et lui demande de présenter
ses commentaires. Ceux-ci sont à leur tour remis au plaignant qui
aura
29
le devoir de les analyser puis les contester, le cas
échéant. En outre, c'est seulement à ce stade que la
Commission décidera définitivement sur la recevabilité de
la communication.
1.1.2.2.2.- Organismes intra étatique de
protection des droits humains
Mise à part les organismes interétatiques de
protection des droits humains, qui ont une juridiction plus ou moins
étendue, dépassant ainsi les frontières territoriales, il
existe d'autres organismes qui reflètent la lutte au niveau interne, qui
sont dites Institutions Nationales de Promotion et de Protection des Droits
Humains (INDH). Elles sont constituées, d'une part, des organismes de la
société civile, d'autre part, des institutions étatiques
qui assurent ou qui peuvent également veiller à la protection des
droits humains.
1.1.2.2.2.1.- De la Société Civile :
Organismes internes de défense des droits humains
Dans la société civile, plusieurs organisations
jouent le rôle d'avant-gardiste des droits de l'homme en Haïti.
Comme nous l'avions vu au début, elles s'accordent souvent pour
dénoncer les abus de pouvoir, le mauvais traitement
perpétré par les agents publics à l'encontre des citoyens,
aussi bien que le fonctionnement de l'institution policière. A partir de
là, nous allons présenter brièvement à quel niveau
chacune de ses organisations a contribué dans la lutte pour le respect
des droits humains en Haïti.
1.1.2.2.2.1.1.- Réseau National de Défense des
Droits Humains (RNDDH)
En effet, le Réseau National de Défense des
Droits Humains (RNDDH) est un organisme qui a pris naissance à New York
en 1982 sous le label de National Coalition for Haitian Refugees (NCHR).Il
s'agissait alors de combattre les violations des droits humains qui
constituaient l'une des causes fondamentales du départ massif de nos
compatriotes pour les Etats Unis. Consciente de la réalité qui
existait encore en Haïti après le départ de Jean Claude
Duvalier, l'organisation a décidé en 1992, pour attaquer le mal
à la racine, d'ouvrir une filiale en Haïti. La diversité de
ses actions l'amène à partir de 1995 à opérer sous
la dénomination de National Coalition for Haitian Rights
(NCHR-Haïti).Depuis 1996, elle développe ses programmes et
activités de manière autonome, assure ses propres fonds, sans
appui aucun de la part de NCHR-NY. Au fur et à mesure que la
NCHR-Haïti a continué à se développer, certains
30
changements ont dû être apportés, comme
l'adoption d'un leadership et d'une direction haïtienne ainsi qu'un nom
haïtien : Réseau National de Défense des Droits
Humains(RNDDH).
Dans le contexte actuel de violation systématique des
droits de l'homme, le RNDDH ne reste pas indifférent. Il publie
plusieurs rapports dans lesquels il dénonce soit les abus faits aux
citoyens, soit le mauvais fonctionnement de certaines institutions, ou du moins
les mauvais traitements que subissent les officiers de la PNH. De là, on
peut voir que le RNDDH s'efforce de faire un travail transversal, touchant de
nombreux secteurs de la vie nationale.
1.1.2.2.2.1.2.- Plateforme des Organisations
Haïtiennes de Défense des Droits Humains (POHDH)
La POHDH pour sa part constitue une autre organisation
très active dans la lutte pour le respect des droits humains en
Haïti. Comme son nom l'indique, c'est une plateforme regroupant sept (7)
organisations qui sont conscientes de la réalité haïtienne
en ce qui a trait au respect des droits des citoyens par l'État ou
encore par d'autres citoyens ou entités. Nous rappelons que la POHDH
fait partie des organisations de la société civile reconnues par
le ministère des affaires sociales, ce qui lui confère
déjà la qualité reconnue par l'article 44 de la convention
américaine des droits de l'homme. Reconnue pour ses nombreuses luttes
contre la corruption et l'impunité en Haïti, la POHDH s'est fait
une bonne réputation en ce qui a trait à la défense des
droits humains.
1.1.2.2.2.2.- Des Institutions Étatiques de
défense des droits humains
D'autres institutions comme le parlement,
quoiqu'implicitement, peut également veiller au respect des droits
fondamentaux par les organes du pouvoir exécutif. A celui-ci, faut-il
bien ajouter l'Office de Protection du Citoyen, à laquelle la
constitution confie cette noble obligation.
1.1.2.2.2.2.1- Le Parlement haïtien
En ce qui a trait au parlement, sa part de
responsabilité peut déjà être identifiée
depuis sa mission qui est essentiellement de surveiller l'exécutif dans
ses actions. L'article 24 de la constitution de la République
d'Haïti de 1987 amendée a réaffirmé que la
liberté individuelle est garantie et protégée par
l'État, avant que les constituants n'exigent aux parlementaires de
faire
31
un serment d'allégeance à l'article 9. Ledit
article est ainsi libellé : avant de prendre officiellement fonction,
les membres de chaque chambre prêtent le serment suivant : « Je
jure de m'acquitter de ma tâche, de maintenir et de sauvegarder les
droits du peuple et d'être fidèle à la constitution
». Ce serment confère indirectement aux honorables
parlementaires la responsabilité de veiller au respect des droits de
chaque individu et de contraindre toute institution qui oserait agir autrement.
Cette responsabilité conférée tacitement au parlement,
fait de lui l'une des institutions protectrices des droits humains en
Haïti. A cela peut-on également ajouter le fait que le parlement
doit sanctionner tous les traités et conventions signés par
Haïti, ce, conformément aux articles 276, 276-1 et 276-2 de la
constitution de la République d'Haïti de 1987 amendée.
Ainsi, celui-ci, tant qu'il existe, a l'impérieuse obligation de
contrôler l'exécution des conduites qu'il a préalablement
autorisées au pouvoir exécutif.
1.1.2.2.2.2.2.- Office National de Protection du Citoyen
(OPC)
L'Office National de Protection du Citoyen constitue la
seconde institution étatique que nous allons voir dans le cadre de ce
travail. En effet, elle fait partie des institutions créées par
la constitution de la république d'Haïti de 1987 et reprise par la
version amendée. Notamment à l'article 207 on peut lire ceci : Il
est créé un office dénommé «Office de la
Protection du Citoyen» dont le but est de protéger l'individu
contre toutes les formes d'abus de l'administration publique. En effet, il
n'existe pas seulement la constitution comme référence juridique
à cette institution. La loi portant sur le fonctionnement de l'OPC
décrit également la mission de cette institution par rapport au
respect des droits humains. L'article 3 de ladite loi reprend ce rôle
dans les mêmes termes que l'article précédent, au
3ème alinéa : la mission de l'OPC est de
protéger tout individu contre toutes les formes d'abus de
l'Administration publique.
En effet, bien que les marges de manoeuvre de l'institution
soient limitées, en sens que ses décisions ne sont pas
contraignantes par rapport à l'État. Cependant, elle dispose tout
de même d'un pouvoir d'influence, car les rapports qu'elle aura à
produire seront pris en compte dans l'évaluation des efforts consentis
par les pouvoirs publics pour le respect des droits humains en Haïti. A
cela faut-il ajouter, la capacité que possède l'institution de
porter plainte par devant la commission interaméricaine des droits de
l'homme. Car, la Convention Américaine des Droits de l'Homme permet
à chaque État contractant ou toute entité juridiquement
reconnue d'un Etat
32
partie d'exercer cette action quand bien même ses
ressortissants ne seraient pas inquiétés47. Ainsi, il
est stipulé à l'article 44 de ladite convention que : «
Toute personne ou groupe de personnes, toute entité non
gouvernementale et légalement reconnue dans un ou plusieurs Etats
membres de l'Organisation peuvent soumettre à la Commission des
pétitions contenant des dénonciations ou plaintes relatives
à une violation de la présente Convention par un Etat partie
».
Cette disposition de la convention confère clairement
à l'OPC, entant qu'entité de l'État juridiquement
reconnue, l'aptitude de soulever des questions auprès de la CIDH et
éventuellement, de saisir la CrIDH contre Haïti. Cet article nous
laisse entrevoir également que les stipulations de la Convention sont
d'ordre public international.
En effet, nous avions vu comment les courants philosophiques
peuvent nous livrer un éclairage sur les grandes idées qui
guident les actions d'un État. La légitimité des actions
que posent les gouvernants sont assujettis à ces courants de penser qui
ont plus ou moins une portée universelle. Cette démarche nous a
permis de comprendre, sinon, d'interpréter le niveau d'acceptation des
décisions par les membres de la population. Nous avions également
touché certains engagements de l'État en matière du
respect des droits de l'homme en Haïti, aussi bien que les
mécanismes de mise en oeuvre des traités et conventions
signés à ce propos. A travers le chapitre suivant, nous allons
présenter l'émission : son origine, son évolution dans le
temps et dans l'espace. Ainsi, nous allons faire ressortir les
éléments de violation avant de les comparer aux lois en vigueur.
Ceci nous aidera à mieux situer le débat dans un contexte
juridico-politique, s'agissant de comprendre dans quelle mesure
l'émission Allô La Police a affecté les efforts
consentis pour le respect des droits humains en Haïti.
47 . Egalement, art. 24 de la Convention
Européenne des Droits de l'Homme, art. 49 de la Charte Africaine des
Droits de l'Homme et des Peuples.
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